Je me permets de faire appel à  votre subjectivité.

Je voudrais votre avis personnel sur les bordeaux actuels, sans tenir compte des modes, des avis des grands de la dégustation...

Qu'aimez-vous comme style, comme vins?

L'idée m'est venue en buvant, ce soir, un Duhart-Milon 2000.
J'ai eu beaucoup de plaisir en buvant ce vin qui mise sur la finesse et l'élégance, dans la complexité aromatique...
Alain Wineméga disait qu'avec lui, il est resté sur sa faim.
En me régalant avec ce vin peu puissant, s'est imposé à  moi le souvenir du Monbousquet 98 bu, en décembre à  Paris, avec mes "associés".
Deux bordeaux totalement opposés.
Monbousquet était admirable de concentration, mais il donnait plus un plaisir intellectuel, en estimant son avenir, que sensuel.
Pour moi, Duhart-Milon me donne le plaisir sensuel immédiat et le plaisir intellectuel de me demander s'il va vieillir aussi bien que le 90 du même domaine.

Pour vous, bordeaux, c'est:
-Puissance, concentration
ou
-Finesse, élégance?

En ce qui me concerne, j'aime bien les deux styles, complémentaires à  mon avis, mais je regrette qu'un type supplante, de plus en plus , l'autre.

Cordialement,
Thierry

Thierry,

je réponds en disant Bordeaux pour moi c'est l'élégance...même lorsqu'il s'agit de bombes ultra-concentrées. Ch. Clinet par ex. c'est d'une concentration extrême, presque de la liqueur lorsqu'on le boit sur le fruit et pourtant tj élégant, après qqs années, psshhiiit l'alchimie opère et le miracle est là : un vin de terroir parfaitement civilisé fait son apparition, la transcendance!

Il y a qqs jours j'ai eu l'occasion de boire un Haut-Bailly 95 à  côté d'un jeune cheval fougueux du Priorat...et bien, bien qu'habillé par Christian Lacroix, je puis vous assurer que Haut-Bailly avait autant de cylindres sous le capot que le jeune freluquet.

Maintenant si je prends les archétypes que tu mentionnes, j'aime autant l'un que l'autre: Troplong Mondot que Magdeleine ou Curé Bon la Magdeleine 89, qu'un de nos chers amis vient de découvrir et sanctifier à  juste raison.

En fait c'est tout simple, j'aime autant Bruckner que Mozart et nos amis bordelais ont un don unique pour l'élégance et la beauté. Je viens de rentrer d'une répétition et déguste un modeste Moulin Haut-Laroque 2000 délicieux, en parfaite syntonie avec les phrasés de Mozart et de Takemitsu travaillés auparavant... En fait seule la vraie beauté importe...une beauté absolue et métaphysique qui réchauffe le coeur et l'âme solitaire de chaque habitant de cette planète. Les Bordelais ont découvert une partie du secret.

Plus qu 'élégance et /ou puissance, pour moi Bordeaux représente une certaine idée (trè subjective) de ce qu'est la classe.
Une certaine austérité du cabernet, le fard du merlot, l'écrin précieux du boisé et c'est effectivement d'alchimie dont il faut parler. Pour rester dans la haute couture, c'est la soie et le taffetas.
Maintenant, comme le souligne Thierry, la Gironde est en train de devenir une vraie ligne de démarcation, outre les appellations classiques, pour donner naissance à  des produits d'expérimentation qui gardent cependant cette classe, mais c'est une classe plus "gavroche", le lin est à  la mode...
Personnellement, j'aime beaucoup, mais ce n'est plus un particularisme bordelais.

Je reprend la comparaison de Claude.
Pour moi Bruckner (ou Wagner), c'est certains Californiens ou autres bombes Australes.
Bordeaux évoque pour moi plutôt du Beethoven - un classicisme, une rigueur éclatante, mais également une inventivité ainsi qu'un relief remarquable.
Beethoven à  écrit "Pour Elise", mais également la 9ème symphonie... Pourtant c'est toujours du Beethoven!
Certains Bordeaux s'apparentent à  la lettre à  Elise, fins, charmants, frais mais manquant indubitablement de complexité et de longueur. D'autres sont, comme la 9ème, d'une grande profondeur, d'une tonicité éclatante et d'une structure absolument époustouflante.
En me rasant le matin, je pense préférer écouter notre chère Elise (surtout si ce n'est pas le petit voisin qui le massacre au piano!). Devant un feu de cheminée dont les bûches sèches craquent doucement avec un bon cigare et un armagnac à  la main, je pense que la 9ème aura largement ma préférence.

Musicologuement vôtre,
Alain

Pour moi Bordeaux représente le mariage parfait entre élégance et puissance car même si vous prenez un bordeaux (de haut niveau) extrémement concentré vous trouverez toujours la touche de finesse qui fait qu'un bordeaux n'est,en régle générale,jamais un vin lourd.

Pour moi les bordeaux se compare à  Ferrari puisque même si les Ferrari sont des voitures trés puissantes, elles sont toujours habillées d'une carrosserie d'une élégance et d'une finesse non seulement époustouflantes mais surtout intemporelle. Le succés des vins de bordeaux est peu être d'ailleurs là ,dans ce caractère intemporel.

Je n'ai pas de préférence pour un style plutot qu'un autre car je prend autant de plaisir à  boire un Haut-Bailly ou un Magdelaine 89 qu'un Troplong-Mondot ou un Canon-la-Gaffelière 98. Toutefois la démarcation de la Gironde concernant le style ne me semble pas réelle car s'il est vrai que les critiques de vins se focalisent sur les "dernier nés" de St-Emilion (qui pour se faire connaitre ont dut se démarquer des autres) qui sont des vins trés concentrés, il ne faut tout de même pas oublier que dans le Libournais des vins d'une remarquable finesse existent : Cheval-Blanc , le Pin , l'Eglise-Clinet ect... pour les plus grands mais aussi Magdelaine , Clos Fourtet , Canon (pour les millésimes récents), la Gaffelière , Vieux château Certan et bien d'autres encore.

Je n'ai pas l'impression,non plus, qu'un style suplante un autre car les vins surpuissants et concentrés sont,à  quelques exception prés, uniquement produit par des producteurs (de plus en plus nombreux,certes) situé à  St-Emilion.
Je n'ai encore pas rencontré de Pessac-Léognan ou de vins du Médoc avec un style surpuissant et bien au contraire même, puisque les domaines s'attachent à  bien garder le style qui à  fait leur identité ( je ne vois vraiment pas Margaux , Lynch-Bages , Calon-Ségur ou d'autres changer de style ).
En fait lorsque l'on dresse une liste des châteaux (de haut niveau ) réalisant ce style surpuissant et,surtout, que l'on fait le total de leurs productions ont s'apercoit vite que le volume produit est quasi insignifiant par rapport à  celui produit par les "châteaux classiques".

En fait je trouve que ce "nouveau style" surpuissant met encore plus en relief le remarquable mariage de finesse,d'élégance et de puissance réaliser par les autres châteaux du bordelais.