Bon, on va procéder par ordre, le sujet d’origine étant très large.
Je vais essayer de traduire les deux positions contradictoires concernant l’influence de la nature chimique du sol sur les caractéristiques du vin :
Première position : il n’y a pas d’influence significative. Pour cela, je m’appuierai sur les propos de David Cobbold, lui-même s’inspirant des travaux de Benjamin LEWIN MW (« Wine, Myths and Realitty »). Selon LEWIN, la structure d’un sol affecte l’état d’une vigne par le niveau de porosité de ses couches (affecte l’élimination d’excès d’eau, la montée de réserves hydriques par capillarité…), cela influe sur la maturation des raisins à des moments clefs de la saison. Il pense aussi que la présence plus ou moins importante de propriétés nutritives essentielles à la plante, comme l’azote ou le potassium puisés dans le sous-sol, auront une influence sur la qualité des raisins. En ce sens, les sols pauvres donnent des meilleurs résultats en termes d’intensité de saveurs que des sols riches. Mais LEWIN a du mal à voir comment les propriétés chimiques d’un sol peuvent affecter arômes et saveurs d’un vin, par exemple en rendant un vin plus «minéral» et un autre plus «terreux». Il ne nie pas l’influence des minéraux, mais il la situe ailleurs que sur leurs propriétés chimiques, et parle plutôt de l’influence de la « structure physique des sols » où le binôme topographie/climat est le plus déterminant dans la nature des vins. LEWIN souligne aussi qu’une vigne obtient 90% de ses besoins de l’air et de l’eau, soit directement, soit via la photosynthèse. Le sol ne fournit que 10% des besoins de la plante en termes de nutrition. Est-ce suffisant pour influencer le goût du raisin, et celui du vin ensuite, sachant que le goût du raisin est transformé assez radicalement par le processus fermentaire et par les différentes techniques de vendanges et de vinification… ? LEWIN et COBBOLD ne le pensent pas.
Deuxième position : les propos de LEWIN repris par COBBOLD ne peuvent remettre en question l’influence du sous-sol sur la qualité des vins (au sens « caractéristiques spécifiques »). Sinon, on ne se prendrait pas la tête pour adapter tel ou tel cépage à telle ou telle nature de sous-sol, et pour pousser à l’extrême, on se contenterait alors de solution nutritionnelle artificielle à l’image des tomates sous serre, la méthode de la culture hydroponique dont on sait qu’elle produit des végétaux sans saveurs et standardisés en texture, en couleur et en goût.
Pour cette position, je m’appuierai sur les travaux et les observations de Georges SIEGENTHALER, vigneron savoyard bio et ancien Maître de conférences en Biochimie à l’Université de Genève. Sur un sol vivant et sain, les échanges sur le plan nutritifs est beaucoup important que semble le dire Mr COBBOLD. Ce dernier parle de 10%, mais il ajoute «eau acceptée ». C’est oublier qu’une partie de l’eau, notamment dans des zones faiblement pluvieuses, est puisée par capillarité (Lewin reconnait d’ailleurs l’influence de la porosité du sol), et que ces eaux sont chargées des propriétés minérales du sous-sol dans lequel elle réside. Il suffit de gouter un panel d’eaux minérales issues de régions géologiques différentes pour être convaincu de l’influence des minéraux sur le goût de l’eau !
Les transferts « plante / Sol-eau » se font autour des micro-racines (les poils absorbants). Une myriade de bactéries et de filaments de champignons (les mycorhizes) dissout la roche par la sécrétion d’acides organiques et aide la plante à absorber ses nutriments ainsi que les sels minéraux contenus dans l’eau.
La science de la biologie végétale nous enseigne que dans une plante, les racines superficielles sont les plus importantes pour son développement, car elles servent à capter les sels minéraux nécessaires à leur développement et fournis par le sol. La fonction des racines en profondeur servent essentiellement à la captation de l’eau. Par conséquent, l’influence de la géologie joue sur la qualité des raisins et des vins, mais essentiellement sur les parcelles non dénaturées par des pratiques viticoles individuelles trop impactantes (faible modification minérale extérieure des propriétés du sol), et ayant des sols pauvres obligeant la vigne à surdévelopper son système racinaire de profondeur. D’où la la position plus avantageuse sur ce plan de la viticulture biologique, moins interventionniste et plus respectueuse de son environnement, sur la viticulture conventionnelle.
Bref, en résumé, je trouve que les deux positions ne sont pas si éloignées l’une de l’autre.
Tous reconnaissent que des traces d’éléments contenus dans les sols se retrouvent bien dans certains vins.
Chacun s’accorde à dire que tout processus visant à dénaturer l’originalité du sol et du sous-sol nuit à l’influence de ces derniers sur ces vins.
Personne ne remet en question l’influence d’autres facteurs physiques (climat, exposition, relief) et anthropiques (méthode de culture, de vendanges, de vinification et d’élevage) sur la qualité des vins.
Le débat se situe bien sur la perception sensorielle de ces particularités apportées au vin par les composantes physiques, biologiques et chimiques du sol et du sous-sol… D’où le débat actuel sur la « minéralité » des vins par exemple.
Et là, personnellement, je n’ai pas d’avis, ni encore moins de certitudes !