Nous retrouvons l'ami Christophe alias Pins sur LPV pour ce qui est notre visite préférée désormais annuelle.
Je rassure sa femme, ce n'est pas de lui que je parle quand je dis mon chouchou car je parle bien de vin
Il m'a fait suivre ses notes que je vais ajouter aux miennes lors de la rédaction de ce CR.
Le temps est brumeux en ce jour et il est difficile d'apercevoir le haut du clos
Sylvie Esmonin nous accueille avec une voix qui déraille, elle est également un peu fiévreuse mais elle met un point d'honneur à toujours être disponible pour ses clients qui deviennent des amis au fil des ans.
Elle nous expliquera ainsi pourquoi elle ne veut pas agrandir son fichier de clients particuliers bien que les volumes vendangés sur 17 et 18 soient plus confortables.
Elle n'imagine pas "jeter" 2 cartons de vin vite fait dans le coffre d'un client de passage.
Elle prend le temps d'expliquer son travail et le millésime. Tout cela est bien entendu chronophage pour qq'un qui a beaucoup à faire par ailleurs.
Pour l'anecdote, elle nous dira à la fin de la visite qu'elle ne fut pas dans les pionniers à communiquer par internet. Longtemps le contact se faisait par téléphone et elle reconnaissait ses clients à la voix. Puisque Christophe a de nombreux amis sur LPV qui savent que son Grand-père était un passionné, je peux écrire qu'elle nous a confié qu'à la fin lorsqu'il ne pouvait plus se rendre en Bourgogne, il lui téléphonait toujours pour prendre des nouvelles. Chez elle, la simple relation commerciale n'existe pas. Tout du moins pour les particuliers.
Nous descendons en cave pour goûter ce millésime qu'elle qualifie de frais et aromatique.
Il y a des bouteilles de 2017 soutirées depuis la veille.
Après que j'ai fait une remarque sur l'évolution assez inhabituelle du vin, elle décidera de nous faire goûter toutes les bouteilles déjà prêtes ainsi qu'un échantillon qu'elle remontait prélever sur cuve. Nous aurons ainsi une double dégustation de 2017
Gevrey-Chambertin 2017 (aération 24h):
C: Nez classe de fruit rouge, bouche fine, pointe mentholé en finale. Ça commence bien.
S: Un nez assez inhabituel avec des fruits noirs et la sensation que le vin a déjà plusieurs années .Je le trouve prêt à être bu à table.
Suite à ma remarque elle décidera de tout nous faire goûter en double
Gevrey-Chambertin 2017 (direct cuve):
C: Je le préfère au précédent, tiré direct sur cuve avec ce nez frais assez expressif de fruit rouge. La bouche est éclatante.
Tanins bien polis qui tapissent le palais. La finale est fraiche et pure. Très bien.
S: Un nez plus classique de Gevrey jeune. La perception de fruits rouges est plus forte mais j'avoue être le seul du groupe à avoir préféré le vin de la veille
Gevrey-Chambertin cuvée Vieilles Vignes 2017 (aération 24h):
C:J’avais bien gouté l’an dernier cette cuvée, et l’avais préféré au Gevrey « normal », c’est le contraire cette année.
Nez et bouche du même acabit, la VV associé à l’élevage sont là. C’est puissant, il faut que ça se fonde. Assez large, belle finale puissante et longue.
S: Pour moi pas de surprise, une très grosse matière mais des tannins qui doivent encore se civiliser.
A la dégustation je préfère toujours le "simple" Gevrey
Gevrey-Chambertin cuvée Vieilles Vignes (direct cuve):
C: Plus de fraicheur que le vin précédent ouvert la veille, ça se traduit par un élevage moins perceptible avec un fruit noir, mûre cassis avec un milieu de bouche dynamique, et une finale longue et fraiche. Bien.
S: Sur cette cuvée je trouve qu'en sortie de cuve nous avons une fraicheur et un fruit plus éclatant qui la rend plus docile.
C'est de toute façon une cuvée de garde qu'il ne faut pas ouvrir trop tôt
Gevrey-Chambertin 1er Cru «Clos-Saint-Jacques » 2017 (aération 24h):
C: On monte d’un cran avec cette cuvée toujours excellente. Nez mûr de fruit rouge, cerise fraiche. La bouche est douce, l’élevage est bien intégré et peu perceptible, la vendange entière apporte cette belle fraicheur. Que c’est bon. Excellent.
S: Très belle complexité au nez, un vin soyeux et déjà ample même s'il n'a pas les dimensions des 2 millésimes précédents. Elle met un point d'honneur à récolter des raisins mûrs et nous ne pouvons pas dire que 17 sera un petit millésime sur ce que nous avons dégusté.
Elle ouvrira d'ailleurs une assez longue parenthèse pour nous dire son étonnement d'avoir vu des vignerons récolter très tôt des raisins en 2018 alors que la météo permettait de prendre son temps pour vendanger au moment optimum.
Elle nous citera également les écrits de Duvault-Blochet qui affirmait il y a longtemps maintenant que le pinot noir n'était bon qu'à partir de 13° d'alcool sans chaptalisation.
Pour plaisanter je lui dis qu'elle fait du pinot noir et non pas du pinot vert.
Nous embrayerons également sur la RVF qui était venue avec des idées préétablies à propos de ses vins.
Personnellement je ne vois pas l'intérêt de faire déguster des gens qui savent ce qu'ils vont écrire avant même d'avoir goûté.
J'ai cru comprendre qu'elle partageait cet avis.
Gevrey-Chambertin 1er Cru «Clos-Saint-Jacques » 2017 (direct cuve):
C: Ce vin tiré sur cuve a tout de plus à mon goût avec ce fruit frais qui explose en bouche et qui tapisse le palais.
Stimulation des papilles a son maximum. Quel jus. Excellent.
Et bien, on pouvait penser que les rouges 2017 pourraient être flués, maigre… il n’en est rien, la matière est là.
S: Un vin plein de fruits et déjà très long en bouche.
Elle pense que 2017 pourra s'apprécier plus rapidement que d'autres millésimes
Passons à la série des 2016.
Côte-de-Nuits-Village 2016:
C: Difficile de passer après le CSJ, mais ramenons ce vin sur son appellation et ça en fait une belle bouteille.
C’est frais, rond, mûr ça permettra d’attendre les villages.
S: De la cerise noire, légèrement terreux avec des tannins fins.
Un très beau Côte-de-Nuits village qui n'a rien de trop rustique comme parfois sur cette appellation
Gevrey-Chambertin 2016:
C: Nez soyeux, gourmand, floral pivoine. Beau fruits rouges, queue de cerise. Ça déroule gentiment. Très bien fait.
S: Un nez gourmand, une belle fraicheur. Une bouche soyeuse avec une belle matière. Oups je n'en ai pris que 2 chez Grandsbourgognes, je risque de ne pas aller loin avec ça
Gevrey-Chambertin cuvée Vieilles Vignes 2016:
C: Nez épicé sur les fruits noirs. En bouche, belle expression de la Vieilles Vignes. C’est long et large, ça déroule pour se terminer sur une finale longue et fraiche sur les épices. Une pointe mentholée vient clôturer cette énorme bouche. Excellent.
S: Oh la claque que je me suis pris ! Je m'attendais à un vin un peu rude mais diablerie qu'est-ce que c'est bon.
Un nez d'une grande complexité avec des notes épicées qui partent dans tous les sens. Des fruits très expressifs.
C'est dense en bouche, quelle structure ! C'est large, puissant tout en étant déjà bien arrondi.
On se regarde tous, surpris d'une telle qualité sur cette cuvée encore si jeune.
Je lui demande alors si elle n'est pas tentée de faire des cuvées parcellaires ?
Elle nous répondra qu'il y a un peu de Clos Prieur 1er cru dans sa cuvée VV mais elle trouve que sa parcelle en Clos Prieur village est de meilleure qualité. Elle ne voit pas l'intérêt d'isoler une cuvée Clos Prieur car d'une part elle "affaiblirait" un peu sa cuvée VV et puis pour faire une micro cuvée de Volnay, elle sait que ça ne lui simplifierait pas la vie, bien au contraire.
Je dois avouer que cette dégustation de VV 16 ajoutée à ma dégustation d'un magnum de VV 09 en début d'année me laisse à penser qu'elle a sans doute raison.
Gevrey-Chambertin 1er Cru «Clos-Saint-Jacques » 2016:
C: Fruit noir cendré. Un floral de très grande qualité. Belle complexité en bouche avec un équilibre remarquable.
Cette bouche offre un jus superbe avec un boisé luxueux. Un beau vin, une future grande bouteille.
J’aime ce millésime 2016
S: Une excellente bouteille encore une fois mais je vois là toutes les limites de mon amateurisme.
Encore sous le charme de la cuvée précédente, je trouve que cette fois ci la marche n'est pas énorme entre le VV et le CSJ
J'aurais même tendance à dire que le CSJ 16 commence à se refermer au niveau aromatique.
La griotte s'estompe légèrement et je perçois un peu plus de notes réglissées.
Cette impression s'est d'ailleurs accentuée après la dégustation de la bombe atomique qui est arrivée ensuite.
Personnellement j'aurais tendance à dire qu'il faut laisser le CSJ 16 dormir en cave pour en profiter dans 10 ans ou plus alors qu'il va être difficile de se retenir d'ouvrir les 13 et surtout les 15 assez vite.
Gevrey-Chambertin 1er Cru «Clos-Saint-Jacques » 2015:
C: Sylvie va nous permettre de déguster le CSJ sur 15, 16, 17, ce qui permet de bien mettre en évidence l’effet millésime.
Elle met un point d’honneur à ne pas gommer le millésime…
Ce 2015 est grand, d’une complexité folle, la bouche est mure, concentré et juteuse, puissante et docile à la fois.
C’est superbe de finesse et magnifiquement équilibré. Gros potentiel. Excellent.
S: Rien à ajouter à ce que dit Christophe.
Cela fait 3 ans de suite que je goûte ce CSJ 15 et c'est à chaque fois une révélation. Un des plus grands vins que j'ai pu goûter.
C'est assez incroyable de parvenir à allier la complexité avec l'accessibilité, la densité avec la finesse, la fraicheur avec la pleine maturité.
Rien que pour cette cuvée, chapeau bas madame. Au diable les étoiles de la RVF, vous avez le cœur des amateurs.