Quand Michel vous envoie un mp pour vous inviter à déjeuner chez lui un dimanche, vous êtes surpris, ravi et désolé parce qu'il est prévu de partir en vacances avec la petite famille le jour j, à l'heure h. Vous devez donc décliner.
Et puis, après un nouveau contact, une relance, vous vous dites que le départ peut être décalé de quelques heures, que vous n'êtes pas si pressé que ça de vous précipiter dans les bouchons. Commence alors un subtil travail de persuasion, digne des plus grands stratèges de l'histoire :
Moi: " Laissons d'abord partir les autres vacanciers tu ne crois pas ma douce ? On roulera mieux, en toute décontraction. Ça nous permettra de nous organiser tranquillement et pendant ce temps j'irai chez Michel, tu comprends il insiste beaucoup, ça a l'air important pour lui.
Elle : Mais oui quelle bonne idée, tu es vraiment un homme merveilleux. Va donc boire avec ces gens que tu ne connais pas mais je te préviens que je ne serai peut-être plus là à ton retour."
Hop là, le tour est joué, c'est donc avec l' assentiment total et sans restriction de ma douce que je fonce au bord de l'Yvette.
Nous sommes 4 lpviens, Michel, Jean-Daniel (jd-krasaki), Patrick (Gibus), moi, ainsi qu'un ami de Michel.
5 donc. Pour 14 bouteilles.
(une 15ème bouteille était prévue, mais Michel l'a oubliée. Personne ne lui en a voulu. C'eût été déraisonnable...)
Pas de thème, sinon le plaisir de la rencontre et du partage. Ça a eu l'air de plaire à tout le monde...
Bon, il est temps de s'y mettre.
On commence par 1 bulle et 4 blancs secs.
Champagne Fallet-Gourron. Blanc de blancs grand cru. Extra brut. 100% chardonnay.
Robe or pâle.
Nez sur l'oxydatif (oxydation ?) Je mise plutôt sur l'oxydatif.
Confirmation en bouche. Ça prend un peu de place, mais j'aime bien. Matière assez dense, crayeuse, qui se mâche, bulles discrètes, ce qui ne me déplaît pas. L'aération permet à un fruité jaune de s'exprimer. Autour de la table, ceux qui s'y connaissent plus que moi évoquent un style Selosse. Je le note sagement.
Bien.
Domaine Jean-Paul et Benoît Droin. Chablis 1er cru. Montée de Tonnerre 2017.
Robe claire.
Nez pierre à briquet, floral, un zeste d'agrumes.
Bouche vive. De la tension mais aussi du fruit. Aucun ressenti boisé. Le vin, au-delà de sa vivacité, laisse entrevoir une souplesse qui lui donne un beau toucher de bouche. Présence subtile des agrumes et de la pierre, superbe longueur. Un équilibre d'ensemble qui permet de penser que quand le moment viendra, cette bouteille sera superbe.
Château Carbonnieux. Pessac-léognan blanc 2003.
Robe or soutenu évoluée. Nez qui me paraît plus fruité que floral. Mais j'ai du mal à en faire une lecture nette. La bouche est boisée, mais n'écrase pas le fruité qui mélange agrumes et fruits jaunes. Le vin est soutenu par une belle vivacité salivante. C'est bon, même si la finale est un peu courte.
J'ai pensé à certains Gaillac. Que nenni. Surprise à la tombée de la chaussette, le vin ne fait pas ses presque 16 ans.
Il n'est pas du tout en fin de vie. Quelle aptitude au vieillissement !
Domaine Camin Larredya. Jurançon sec. La virada 2013.
Magnifique robe très dorée. Nez sur les fruits jaunes. La bouche par contre offre plutôt un panier exotique et des agrumes. Le vin est vif, tendu, droit. Bel équilibre qui mène vers une finale à la très longue persistance. Très bien mais
devrait pouvoir se conserver des années et probablement s'améliorer encore.
En 2 temps 3 mouvements, les acolytes réalisent le grand chelem: appellation, domaine, cuvée, millésime.
Oundidiou, sont fortiches !
Domaine Ogereau. Savennières. Clos le Grand Beaupréau 2015.
Robe claire. Nez assez mutique, le vin est servi un peu trop frais. En bouche, le réchauffement aidant, on perçoit quelques saveurs d'agrumes. Elle ne sont pas éclatantes. Le jus est très fin mais pas maigre, doté d'une belle tension qui lui donne une structure longiligne. De la droiture. Très longue finale.
Un vin un peu austère en l'état mais qui laisse entrevoir un bel avenir.
On passe à une série de 4 rouges.
Château de Villeneuve. Saumur Champigny. Le grand Clos 1996.
Robe assez sombre, laissant paraître de légères traces d'évolution sur le bord du disque.
Nez splendide dominé par les fruits rouges et les épices. Des notes animales de fourrure.
La bouche est magnifique, fruitée, fraîche, pleine de matière gourmande. De beaux tannins mûrs se manifestent. Chaque élément joue sa partition dans un ensemble superbe.
Tout cela nous accompagne dans une sarabande joyeuse jusqu'à une longue finale. C'est difficilement crachable...
Lorsque l'étiquette est dévoilée et qu'apparaît le millésime, on est soufflé par la folle jeunesse de ce vin de 23 ans.
Car ne croyez pas qu'il montre le moindre signe de fatigue. Du tout ! Ce jeune homme a encore beaucoup à dire et il semble décidé à prendre tout son temps pour le faire. Énorme coup de cœur personnel
Martin Wassmer. Maltesergarten GC. Pinot noir 2010.
Robe claire, un peu évoluée.
Nez sur l'orange sanguine. En quelques secondes le château des Tours est évoqué. C'est pas ça.
L'orange sanguine est peut-être encore plus présente en bouche qu'au nez. Le jus est très frais, extrêmement digeste. Il paraît un peu sucré. Impression ? Sucres résiduels ? S'accorde très bien malgré tout au bœuf bourguignon. Aucun ressenti ni boisé ni tannique. Très jolie bouteille.
Une découverte en ce qui me concerne.
Domaine Fabrice Gasnier. Chinon. La queue du poëlon 2015.
Robe qui tire très fort vers le violet.
Nez violette, mûre, poivre... Ça ressemble à une Syrah non?
Oui...mais non.
La bouche est fruitée, encore dominée par la mûre, il y a de la finesse et beaucoup de fraîcheur. C'est bon. La fin de bouche est marquée par l'apparition de tannins mûrs qui resserrent et laissent penser que ce vin doit être attendu un peu. Bien. Sans doute très bien d'ici peu.
Château de Saint Cosme. Gigondas. Les claux 2014.
Robe pourpre. Nez d'épices et de fruits noirs.
La bouche est animée par une belle fraîcheur fruitée. Vin très digeste, pourtant il y a de la matière, c'est mûr, il y a sans doute pas mal d'alcool mais on ne le sent pas, même au réchauffement. Au contraire, ce réchauffement exhale un fruit plus net encore. Bel équilibre de puissance potentielle et de finesse. Finale poivrée avec de beaux tannins qui resserrent un peu. Belle longueur.
Très beau vin, à l'aube de sa vie sans doute, offrant déjà beaucoup de plaisir.
Retour aux blancs secs pour les fromages. Le désormais célèbre gruyère suisse de Michel est de la partie. 3 vins sont servis.
Jean-François Quénard. Vin de Savoie. Le Bergeron. Comme avant 2011.
Robe dorée.
Nez assez peu causant, me semblant plus fruité que floral.
La bouche est assez ronde, dotée d'une certaine suavité. Le jus est souple, délicat. L'aromatique n'est pas éclatante.
La structure et le toucher sont intéressants mais ne permettent pas au vin d'exister vraiment face au gruyère suisse.
A revoir dans un autre contexte.
Domaine Dupasquier. Roussette de Savoie. Marestel 2013.
Robe or prononcé.
Nez sur les fruits exotiques, avec un peu d'agrumes et de miel.
Le vin est en place, conforme aux attentes (là je ne suis pas à l'aveugle) jus souple, délicat même, la matière n'est pas énorme, mais le panier de fruits miélés est là. Jolie longueur.
Tout va bien, mais face au gruyère suisse (un ogre) le vin n'existe pas. L'accord n'est pas réussi du tout. J'ai voulu essayer, ça n'a pas fonctionné.
Domaine Berthet-Bondet. Côtes du Jura. Savagnin 2006. Non ouillé.
Robe dorée légèrement trouble.
Nez oxydatif, fruits secs, noix, fleurs...
La bouche confirme le nez. De la puissance, de la rondeur aussi. C'est riche et aromatique, mais une belle acidité canalise l'ensemble et mène à une longue finale sapide et salivante.
C'est très bon et l'accord avec le gruyère suisse est réussi. Les deux fauves s'entendent et se mettent à ronronner de plaisir.
Pour clore ce moment de bonheur, 2 sucres vont accompagner une tarte aux mirabelles. Des sucres de compétition. Michel a placé la barre TRÈS haut.
Domaine Josmeyer. Alsace Grand Cru Hengst riesling 2002. Sélection de Grains Nobles.
La robe est spectaculairement dorée. Magnifique.
Nez explosif sur les fruits exotiques, les fruits confits, les fruits jaunes.
La bouche est merveilleusement équilibrée. Les saveurs fruitées multiples et le sucre sont tenus par une acidité parfaite qui les enrobe, une acidité "de velours" qui s'impose tout en se fondant dans un ensemble rendu digeste, fin, délicieusement subtil.
La finale est interminable. Grand vin !
Domaine du Clos Naudin. Vouvray moelleux 2009.
Robe or intense.
Nez exotique.
La bouche est très sucrée, les fruits exotiques et confits sont présents, avec du bonbon acidulé. Ça pourrait être écoeurant. Mais tout cela est canalisé par une acidité à la fois salvatrice et salivante. Elle permet à cet ensemble exubérant d'être parfaitement tenu et totalement digeste. Grande longueur.
Superbe bouteille !
Mazette, quelle dégustation...
Je retiens le très bon niveau général des vins. Aucune bouteille ne s'est mal présentée. Celles qui s'en sont le moins bien sorties étaient confrontées au monstre suisse (délicieux) de Michel. Dans les 2 cas, c'est l'accord qui les a desservies.
Tous les rouges étaient gorgés de fraîcheur. Aucun vin ne nous a fatigués. Il y aurait pourtant eu de quoi flancher un peu
Les blancs secs de la première série étaient eux aussi de très bon niveau. Et que dire du bouquet final sucré? Quel festival.
Merci Michel pour m'avoir convié à ce repas, alors que tu ignorais totalement où je vis (ça, camarade, ça m'a soufflé !)
Merci J-D, Patrick, sans oublier Philippe pour ce superbe moment passé ensemble.
Forcément merci LPV. Je me rappellerai de ce moment que je dois bien sûr au forum.
Donnez à LPV, il vous le rend au centuple...
En espérant qu'il y aura une suite et qu'on retournera au bord de l'Yvette...