Certaines molécules ou parties de molécule ont la propriété d'exciter les terminaisons sensibles des cellules nerveuses de nos sens. Elles agissent à la façon d'un interrupteur qui permet à une information d'aller des neurones des nerfs sensitifs au cerveau. Chaque molécule a son modèle et correspond à un type de récepteur sensoriel ; elle crée la sensation correspondante. On dit alors qu'elle a une odeur ou un goût. La synthèse de ces informations est réalisée dans la zone spécialisée du cerveau qui compare les informations mémorisées dans l'expérience du dégustateur. Lorsqu'il y a reconnaissance entre une sensation et une information mémorisée, il y a perception. La sensation est inconscience, la perception est prise de conscience. Ainsi, si 18% des personnes testées sont sensibles a un demi gramme de sucre (saccharose) par litre, elles ne peuvent identifier le goût de sucre qu'au-dessus de un à deux grammes.
La dégustation du vin est l'interprétation d'une somme de sensations perçues simultanément ou successivement. Le nombre des substances est très grand : plusieurs centaines. Pour le commun des mortels, ces sensations forment un tout. Tout le travail du dégustateur est de séparer, d'ordonner et d'identifier, dans la mesure du possible, ces sensations brutes.
Contrairement à l'ouà¯e et à la vue, sans cesse sollicités, l'odorat et le goût sont des sens secondaires, beaucoup moins utilisés. La dégustation du vin est là pour ça. Goûter attentivement un vin implique plusieurs organes (Å“il, nez, bouche) qui véhiculent des sensations visuelles, olfactives et gustatives. Interviennent aussi des sensations tactiles (consistance, viscosité, fluidité, liquidité), une sensibilité chimique (réaction des muqueuses, astringence, causticité, pétillant) et même une sensibilité thermique, donné par la température, qui a une influence importante sur la perception des arômes et des saveurs.
D'un point de vue scientifique, la relation entre la structure chimique et la sensation odorante est encore mal connue. Le sens olfactif est terriblement aiguisé, même chez l'homme. Si l'on compare les seuils olfactifs et gustatifs, la sensibilité de l'odorat apparaît 10 000 fois plus grande que celle du goût. Les parfumeurs et goûteurs ont acquis une certaine forme d'hypersensibilité qui leur permet d'identifier et de classer des centaines d'odeurs différentes.
La capacité olfactive est plus forte le matin et la réceptivité aux odeurs varie d'un individu à l'autre. Les femmes ont en général un meilleur odorat que les hommes. A partir de 60 ans, s'amorce une baisse de la sensation, de la discrimination et de l'identification des odeurs. Plus de la moitié des personnes de plus de 80 ans ont un mauvais odorat. 25 % d'entre elles ne sentent plus rien. La perception olfactive est influencée, chez la femme, par les hormones sexuelles. Elle est augmentée lors de l'ovulation et au début de la grossesse. Par contre, une baisse de son odorat est observée en cours de menstruation, en fin de grossesse, et après la ménopause. L'odorat connaît aussi des faiblesses. Certaines personnes sentent, par exemple, une odeur à la place d'une autre (dysosmie) ou encore identifient une odeur qui n'existe pas (phantosmie).
Les arômes
Le mot arôme vient du grec « aroma » qui signifie épice, dont dérive le latin « aroma », qui a le sens d'aromate, d'onguent parfumé ou tout simplement de parfum. Au 12ème siècle, le terme prend le sens unique de « parfum », émis par des essences végétales ou tout autre substance volatile. Aujourd'hui, le mot arôme a acquis une certaine autonomie sémantique et il recouvre les odeurs rattachées aux aliments, alors que les odeurs non alimentaires sont appelées « parfums ». Une seule exception, les arômes de glace sont appelés parfums. Enfin, en matière de dégustation, le terme arôme acquiert un sens supplémentaire : il n'est pas perçu seulement en tant qu'odeur, mais aussi en tant que flaveur, c'est-à -dire goût et odeurs perçus simultanément en bouche et par voie rétro-nasale, ce que les dégustateurs appellent dans leur jargon la rétro-olfaction.
Les odeurs sont des molécules ou des parties de molécules. Mais pour être odorante, une molécule doit être volatile. La volatilité correspond au passage de l'état liquide à l'état gazeux. Pour être captée par la muqueuse olfactive, la molécule doit pouvoir se détacher de son support et s'en aller dans l'espace ambiant.
Les arômes volatils remontent à travers les poils des narines, pénètrent les fosses nasales, traversent cette jungle que forment les cornets supérieurs, médians et inférieurs, pour finalement atteindre les muqueuses olfactives, un organe d'une surface apparente de 4 cm2, probablement un peu plus étant donné son caractère accidenté.
La muqueuse olfactive est formée de neurones spécialisés dans la détection des molécules. L'extrémité de ces neurones est composée d'un ensemble de cils olfactifs baignant dans le mucus. Ce sont ces cils et des structures protéiques appelées récepteurs olfactifs qui entrent en contact avec les arômes volatils. Les neurones envoient des informations sur les odeurs dans une zone spécialisée du cerveau appelée « bulbe olfactif ».
Voilà comment cela se passe : les récepteurs olfactifs fixent certaines molécules volatiles pendant un certain temps. Durant cette période, la perméabilité membranaire de la cellule est modifiée. Cette modification entraîne un signal de nature électrique qui remonte le long du cil, puis le long du neurone pour conduire l'information détectée au niveau du bulbe olfactif. Et cela est encore bien plus compliqué : il existe des récepteurs olfactifs différents pour certaines odeurs (la vanilline et le menthol par exemple) - c'est pour cela que tout n'a pas la même odeur - mais des molécules différentes peuvent exciter le même récepteur et donc transmettre le même message au cerveau, au bulbe olfactif, ce qui nous empêchera des les distinguer.
Où sont stockés ces arômes ? Les signaux sont transmis par les neurones vers les bulbes olfactifs, qui les transforment en information. Ces informations sont transmises aux zones du cerveau qui traitent ces données . L'hypothalamus, le néocortex et le lobe temporal où des structures spécialisées permettront de les stocker. C'est ainsi que nous pouvons reconnaître et identifier des odeurs.
L'odorat humain, bien que moins sensible que celui d'autres mammifères, est une source d'informations sur les substances chimiques qui nous entourent. Le nez humain est capable de reconnaître jusqu'à 4.000 odeurs à des concentrations très faibles en molécules odorantes. Nous pouvons par exemple détecter l'hydrogène sulfuré (Å“uf pourri) à une teneur dix mille fois plus faible que la concentration toxique.
Dans le vin, surtout dans le vin ayant été élevé dans le bois (barriques de chêne), on trouve souvent des arômes de vanille. Or, la molécule responsable de l'arôme de vanille, la vanilline, ne représente que 5% de l'extrait total de vanille. La teneur de vanilline dans le vin y est de l'ordre de 1 pour un million. Plus clairement dit, avec un fût d'environ 250l de vin, on ne pourrait extraire qu'un quart de gramme de vanilline pure ! encore actuellement, malgré les appareils de chromatographie gazeuse, le nez de l'homme reste aussi performant que les meilleures machines lorsqu'il s'agit de détecter certaines molécules à des concentrations inférieures au milliardième.
Les substances volatiles qui composent le bouquet du vin sont innombrables. Les chercheurs en ont dénombré plus de 500, dont guère plus de la moitié a été identifiée.
cordialement
Yves Z
merci à Emile Peynaud et J. Blouin, Le goût du vin, Dunod, dont le livre - que je recommande chaudement - à beaucoup inspiré ces quelques lignes.