Bonjour,
Sans vouloir donner un cours magistral (le sujet est passionnant et permettrait d'écrire des pages et des pages), je me permettrai quelques remarques. Peut-être serait-il nécessaire un jour de faire un résumé sur le sujet, tant il semble titiller les LPViens pour le moment. Cependant, pour faire court et pour répondre (point 2) à une remarque de laurent G (vibration des molécules) quelques remarques :
1. violette/framboise : parenté pertinente, dans les deux odeurs "naturelles" interviennent des beta-ionones. Eric B, qui a peut-être le bouquin de Moiseeff près de lui pourrait confirmer.
2. Le fonctionnement du système olfactif est de mieux en mieux connu. Nous possédons des cellules nerveuses qui portent dans la membrane cellulaire des récepteurs. Ces récepteurs reconnaissent des molécules odorantes. Ces odorants sont reconnus par les récepteurs grâce à la conformation spatiale de certains ligands (liaisons hydrogène, molécules polarisées…). Les récepteurs cellulaires sont des protéines codées par des gènes. Il existe plusieurs centaines de gènes codants pour ces protéines. Cette diversité des récepteurs, est certes étonnante, mais ne rend pas compte des milliers d'odeurs que nous pouvons discriminer. De plus, si on se doute que quelques-uns de ces récepteurs reconnaissent des molécules très spécifiques, on s'est rendu compte que la plupart des récepteurs sont moins discriminants et peuvent "confondre" plusieurs molécules. En fait une molécule odorante peut "exciter" plusieurs récepteurs et un récepteur peut reconnaître plusieurs molécules. Ce "brouillement" de l'information est accru par le fait que les axones de plusieurs dizaines de cellules sensorielles convergent en général vers un seul neurone intermédiaire. Ces neurones intermédiaires sont concentrés dans le bulbe olfactif. Ils transmettent l'information reçue vers plusieurs aires du cortex cérébral (. Le bulbe olfactif doit cependant assurer une partie au moins du traitement de l'information (il reçoit des neurones de diverses régions cérébrales). Cette innervation du bulbe olfactif suppose que diverses aires du cerveau (notamment des aires impliquées dans la vision, la mémoire…) rétro-agissent sur le bulbe. De là, il est tentant d'ajouter "influencent l'interpretation des odeurs perçues. Le système olfactif transmettrait les informations sur les odeurs d'une façon "chimiotopique". En gros, les récepteurs qui reconnaissent une odeur projettent sur des neurones intermédiaires bien précis, ce qui constitue une sorte de "carte géographique" dans le cerveau. Autrement dit, c'est le positionnement des neurones excités qui permet d'interpréter l'odeur. Ce schéma est très simplifié (j'espère d'ailleurs que certains raccourcis ne paraîtront pas pour des erreurs) et nécessiterait de nombreuses explications.
3. Il est possible de discriminer des milliers d'odeurs. Encore faut-il traiter et interpréter l'information. C'est là qu'interviennent : le vécu, l'apprentissage, l'imagination du dégustateur. N'oublions pas qu'il n'est pas naturel pour notre cerveau d'aller trouver de la fraise dans du jus de raisin. De ce point de vue, certaines odeurs sont probablement plus "naturellement" reconnues que les autres parce qu'elles correspondent à des comportements, naturels, ancestraux, sélectionnés… Ainsi, on discrimine facilement les mauvaises odeurs des bonnes, les odeurs en rapport avec le feu. Mais peut-être aussi distingue-t-on facilement le fruit vert, mûr ou blet. Par contre, il est moins évident de distinguer, en dehors de son contexte, une odeur de fraise et cela parce qu'en condition "normale" l'arôme de fraise est associé à la vue du fruit. Dans ce cas, à moins d'un apprentissage et d'un vocabulaire commun qui institue pour tous le fait que telle odeur dans le vin s'appelle fraise, il est logique que des processus cognitifs interfèrent avec la perception de l'odeur de telle ou telle molécule. L'odeur "fraise" dans un vin rouge, deviendra "ananas" dans un blanc, parce que les odeurs d'ananas et de fraises contiennent des molécules communes et que le cerveau traduit ce qui est perçu par le nez à l'aide d'informations visuelles.
4. Quand un vin bruisse de mille parfums et qu'il ravit nos sens à chaque inhalation, on s'en fout des récepteurs et de l'imagination. On prend son pied et c'est le principal, non ?