Après la visite de Baalbek, nous filons vers Zahlé...
QUATRIEME PARTIE "Zahlé: il faut y z'aller pour le Château Khoury"
De retour de Balbeek où nous avons notamment visité le temple de Bacchus situé au milieu de la plaine de la Bekaa, qui est très fertile et produit également du raisin de table cultivé en pergola sur un sol très riche et de couleur presque noire, nous gagnons Zahlé qui est la première ville chrétienne de la région (où de nombreux Chiites vivent, surtout vers Baalbek). Le Château Khoury est situé vraiment sur les hauteurs, au sommet d'une colline qui surplombe la ville. Les bâtiments sont splendides. On sent que tout a été prévu, avec une vision de long terme…
Là aussi, nous arrivons à l'improviste et nous sommes cependant accueillis avec gentillesse par Brigitte et Raymond El Khoury. Elle est médecin tandis qu'il dirige un laboratoire d'analyses médicales (le matin il se rend à son laboratoire et, l'après-midi, il se consacre à son domaine). Leur fils Jean-Paul, absent lors de notre passage, est diplômé en œnologie de l'Université de Reims (après des études au Lycée viticole de Rouffach), et travaille au domaine depuis 2005. Trois membres de la famille et trois employés travaillent en permanence sur le domaine qui fait appel à des travailleurs saisonniers, si nécessaire.
Les vignes ont été plantées dès 1995 (sur une superficie de treize hectares actuellement et à une densité de plantation de 4.000 pieds par hectare) et proviennent de France. Raymond El Khoury avait cependant retrouvé de vieilles souches et de la vigne sauvage sur ce terroir qui a donc déjà accueilli ce type de culture de par le passé (essentiellement pour la production d'arak).
Les chais ont été construits dès 2002 et la production propre du domaine a démarré en 2004 (les raisins étaient apparemment vendus auparavant). Nous sommes impressionnés par la taille et le modernisme des installations qui permettent de produire environ 50.000 cols par an. Les rendements sont d'environ 30-40 hectolitres par hectare (les rendements étant plus élevés pour les blancs), en culture biologique (Raymond El Khoury procédait à de l'épandage lorsque nous sommes arrivés). Alors que nous montrons notre admiration devant ces installations construites en si peu de temps, Raymond El Khoury nous fait part des difficultés qu'il a rencontrées pour la réalisation de celles-ci, le plan de financement étant calculé sur un cours USD/Euro très différent du cours effectif lors de la réalisation (ce qui est très important car l'essentiel du matériel, y compris les fûts, vient d'Europe). Les cuvaisons ont duré environ trois semaines en 2009 et les vins viennent d'être transférés en cuve ou en barrique.
Raymond El Khoury nous donne quelques détails relatifs au climat continental de cette région du Liban (et leur domaine est situé à 1.300 mètres d'altitude, ce qui en fait un des plus hauts du Liban). L'hiver est froid et pluvieux tandis que l'été est sec et très chaud en été, avec un écart de température considérable entre le jour et la nuit (en août, l’amplitude peut atteindre 15°C). En été, la moyenne des températures est comprise entre 25 et 35°C et elle peut descendre à -5°C en hiver. La situation du vignoble à 1.300 m d’altitude assure une atmosphère plus fraîche que dans la plaine de la Bekaa pendant la chaude période estivale. De janvier à mars, le vignoble est régulièrement recouvert par d’abondantes chutes de neige. La vigne bénéficie d’un ensoleillement idéal avec environ 300 jours de soleil par an. Il ne pleut que l’équivalent de 600 mm de pluie par an, sur une période assez courte allant de mi-octobre à fin avril. L’eau est néanmoins présente en sous-sol mais elle se résume à quelques veines souterraines très faibles qu’il est difficile de capter (il y a cependant un puits sur le domaine). Le stress hydrique intervient au niveau de la vigne à la bonne période c'est-à-dire vers la mi-véraison, durant le mois de juillet.
Ces particularités du climat ont une grande influence sur le cycle végétatif de la vigne. La maturation plus lente favorise la synthèse de polyphénols, notamment, est bénéfique sur la qualité de la vendange et favorise un équilibre harmonieux du vin. Son analyse rejoint celle de Marwan El Mechelany qui nous expliquait ce matin les grandes variations thermiques que connaît cette région presque chaque année.
Nous goûtons les vins (le domaine produit aussi de l'arak, non goûté). Nous commençons par la
Cuvée Rêve blanc 2007 qui est un assemblage de Riesling, Gewurztraminer et de Chardonnay. Sa robe est très claire, ses arômes sont sur la rose -bien typé Gewurztraminer- et les fruits blancs avec une touche de minéralité. Bouche équilibrée, marquée en attaque par la structure du Riesling, le milieu de bouche révèle les arômes du Gewurztraminer et la fin de bouche est celle du Chardonnay, sur des notes un peu beurrées. Étonnant et, comme souvent, difficile à placer au Liban à l'aveugle. Un bon vin, bien fait, pour un prix modique (moins de 5 Euros).
Nous poursuivons par la
Cuvée Pinot gris 2006; robe plus foncée, nez sur les fruits jaunes (pêche), bouche bien équilibrée. Un vin avec, à mon avis, une quinzaine de grammes de sucres résiduels (prix: 8 Euros).
La
Cuvée Sainte Thérèse 2006 est l'entrée de gamme en rouge. Elle est issue d’un assemblage peu commun de Caladoc (croisement des cépages Grenache noir et Cot) et de Pinot Noir. La robe est rouge cerise, le nez est sur les fruits rouges, avec une touche de pruneau. C'est un vin facile à boire, avec une longueur correcte. Il doit être impérativement servi frais car, sinon, sa charpente alcoolique est trop présente (le domaine nous a laissé cette bouteille qui a été regoûtée plus tard et "pinotait" un peu mais sur des notes de fruits macérés à l'alcool). Prix: 5 Euros. Vin élevé en cuve.
Raymond El Khoury estime que les deux vins qui suivent doivent être impérativement mis en carafe. Nous commençons par la
Cuvée Symphonie 2005. Issu de Cabernet Sauvignon, de Cabernet Franc, de Merlot et de Syrah, ce vin a une robe rubis, son nez est sur les fruits rouges et sa bouche est bien structurée. Les tanins sont un peu serrés pour le moment. Un vin bien fait pour un prix toujours raisonnable de 8 Euros. Vin élevé en cuve et en barriques.
Nous concluons cette dégustation par la
Cuvée Perséïdes 2006. Ce vin, composé des meilleures parcelles de Syrah et de Merlot, a une belle couleur sombre (pourpre) et un nez sur les fruits noirs. Belle structure (vin élevé en barrique dont une partie est neuve) et belle longueur en bouche; les tanins sont également serrés. Regoûtée plus tard (le domaine nous a laissé également cette bouteille), elle montre une palette aromatique plus large mais l'alcool ressort également (attention donc à nouveau à la température de service…). Prix: 12 Euros.
Nous repartons un peu trop vite à mon goût car il nous faut impérativement rentrer sur Beyrouth avant la nuit.
Les coordonnées du site Internet sont les suivantes:
www.chateaukhoury.com/
Prochain (et dernier) épisode: les dégustations d'autres vins et le point sur les domaines existant au Liban.
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