Vina Prez Cruz
400 km et moi et moi et moi !
Samedi 23, 8:30 départ de la cité jardin de Vina del Mar pour la vallée du Maipo, et plus précisemment la vina Perez Cruz.
Vous ne connaissez pas ? Ne vous en faites pas, vous n'êtes pas les seuls.
En fait, aucun vin n'est encore sorti à la vente pour ce domaine récent, mais les premiers échos doublés d'un accueil téléphonique atypiquement sympathqique (visite personnelle et personnalisée, de surcroît un samedi quand les autres sont fermés) m'ont mis l'eau à la bouche. Après plus de deux ans au Chili, l'attrait de sortir des sentiers battus et de m'intéresser aux nouveaux domaines ou aux nouvelles vallées vinicoles se fair de plus en plus fort.(bbb)
Belle mais fraîche journée et un voyage sans encombre, bien accompagné musicalement (Queen et Led Zep) qui m'a amené à Santiago par la vallée de Casablanca dans un brouillard à couper au couteau (il faisait 0 degré sur certaines vignes), puis destination sud jusqu'à Buin (vivement que les travaux de la Route 5 soient finis !). Ensuite sortie d'autoroute et direction Alto Jahuel, un des haut-lieux de la viniculture de la vallée du Maipo. Les Andes se rapprochent et l'on peut voir qu'ici aussi, l'hiver a été sec. La route passe près du vignoble de Santa Rita mais je bifurque avant, direction Huelquén puis arrivée à l'entrée de la vià±a Perez Cruz dans le « fundo de Linguén », une région naturelle au pied des Andes, 200 km et 2 heures 30 plus tard.
N'en déplaisent à ceux qui aiment les histoires avec une tradition à la clé, la vina Perez Cruz est le fruit du projet récent du businessman Don Pablo Pérez Zanartu, propriétaire d'une terrain dans le fundo et qui s'est révélé être un excellent terroir à vins rouges dans la vallée du Maipo. Bon emplacement, bon business et voilà la vina Perez Cruz née !
Ceci dit, ce n'est pas parce que l'on a pas de famille vigneronne depuis 300 ans que l'on est dénué de bon goût et de tout sens de la nature. Car Perez Cruz, c'est avant tout le respect ultime de son environement. Sa bodega - la plus incroyable que j'ai jamais vu de visu ou en photo est en harmonie complète avec le paysage. Mélange de bois et de pierre, elle joue sur les formes arrondies qui rappellent la barrique, le verre, la bouteille ! Le toit est ondulé, formant de près comme de loin une symbiose avec les cîmes des Andes, elles aussi rappellant les vagues de l'Océan. Le toit est partiellement verré, pour s'octroyer la lumière naturelle, mais grâce au mélange avec le treillis, on s'y méprend avec le feuillage d'un arbre et la lumière filtrée qu'il laisse passer.
Å’uvre (d'art) de José Cruz Ovalle (qui avait créé je crois le pavillon chilien à l'Exposition Universelle de Séville), il s'agit vraiment d'une réussite. Pas seulement extérieure comme on va le voir.
Arrivée donc au domaine, après un chemin en pierre qui sur 1 km me fait traverser les quelques 140 ha de vignes planté actuellement. Les travaux sont encore en cours autour de la bodega mais mon hôte, la très charmante directrice de ventes nationales Daniela - (bbb) m'attend de pied ferme avec un sourire qui en dit déjà long sur l'aimabilité de cette vina.
A peine sorti de voiture, elle me propose de remonter tout de suite dans son 4x4 pour aller faire le tour des vignes. Bien volontiers ! Je remarque tout de suite cette particularité du sol de la région : énormément de pierres sur un sol argileux à base alluviale. Les pierres sont tellement présentes que le propriétaire conscent beaucoup d'efforts à garder un petit mur d'enceinte fait des ces galets du Maipo. Il s'agit en plus d'un des trois éléments qui constitue le logo de la vigne (c'est pas sans me rappeler les Baux de Provence quelque part !) avec la vigne en elle-même et les Andes.
Nous prenons la route qui longe le vignoble et je peux apprécier les 140 ha plantés en Cabernet Sauvignon (70%), Syrah (5%), Merlot (5%), Carmenère (10%) et Cot (5%) ... eh oui Cot, le domaine ayant décidé de ne pas l'appeler Malbec au vu des différences qu'il y a avec les Malbecs argentins. J'ai par la suite demandé à l'oenologue du domaine si son Cot se rapprochait plus de ceux de Cahors, mais il paraît avoir son style à lui (le vin, pas l'oenologue !(bbb)) ... on va pas l'appeler Auxerrois quand même !
Ce sol rocailleux aide au drainage tout en étant peu fertile, ce qui favorisera ces plants relativement jeunes. En effet, tout à été planté en 1998, à part quelques plants de Cabernet Sauvignon existant depuis 1994. Dans son souçi constant de mariage avec la nature, le domaine a laissé des arbres parmi les vignes et le petit ruisseau délimitant la zone occidentale rajoute une touche supplémentaire à ce paysage que je ne me lasse pas d'apprécier.
Retour à la bodega et là je comprends tout de suite que les détails extérieurs n'ont rien à envier à l'architecture intérieure.
Segmentée en 3 zones contigues, une pour l'arrivage des raisins et la fermentation, une pour le vieillissement et une pour la mise en bouteille, cette cave allie charme et technologie à un niveau que lui jalouserait plusieurs domaines bordealais ou bourguignons ! Jugez plutôt : le raisin vendangé main à 100% arrive en petites caisses qui sont montées au 1er étage par une grue. Là , tables de triages dans une grande salle voutée qui fait aussi office de salle de réception et de mariage en dehors de la période des vendanges.
Puis, par gravitation, descente en cuves (au rez-de-chaussée) où une pré-macération à froid de 4-5 jours suivi d'une fermentation alcoolique de quelques semaines prend place. Ensuite, sous-tirage des cuves directement en barriques (placées au sous-sol) ou se fait la fermentation malolactique et le viellissement (entre 12 et 18 mois en fonction du vin). Les barriques sont à 67% françaises et 33% américaines. Pour que la malo commence, un tableau de contrôle permet d'augmenter la température en cave, puis de la réfrigerer pour a garde.
Nous faisons ensuite chemin vers la salle de dégustation, équipée de crachoirs intégrés dans les tables (c'est pour Bertand ça !(aaa)). Là nous rejoint l'oenologue du domaine German Lyon avec une bouteille du Cabernet Sauvignon 2002 Reserva, mis en bouteille il y a à peine 2 mois. Cabernet, Cot, Syrah, Carmenère … vous l'aurez remarqué, ce domaine ne fait que des rouges (Claudius, ils t'attendent !(aaa)). A ma question à moitié-innocente, j'ai eu la réponse que j'attendais : il s'agit d'un terroir à rouge et le domaine tenant au concept de « mis en bouteille à la propriété » ou Estate Bottled Wine comme le disent les étiquettes, il n'y a ni blanc ni vigne en dehors des ces 140 ha qui entourent la bodega.
Ce Cabernet Sauvignon Reserva 2002 tire à 14.5% d'alcool et se remet gentillement de son choc de la mise en bouteille.
Belle robe grenat pas sur-extraite.
Le nez surprend tout de suite par son côté fruit pur. La barrique est très bien intégrée et j'aime beaucoup cette touche minérale qui me surprend au plus haut point dans un vin rouge ! J'ai l'impression d'avoir un des galets du vignoble en bouche. L'oenologue parlant parfaitement bien le français, ayant obtenu son diplôme à l'Université de Montpellier me dit que ça lui rappelle les notes balsamiques du laurier.
La bouche confirme cette excellente impression. La trame est d'une finesse que je n'aurais pas soupçonné pour une vigne de 5 ans. L'élevage est au service du vin, un petit côté épicé venant se faire sentir. En fait, ce Cabernet est un 92% Cabernet, le 8% restant étant apporté par la Syrah et le Carmenère.
Beau vin, encore jeune, mais qui montre le potentiel énorme de ce domaine.
Tout au long de cette bouteille, nous avons conversé du domaine, de LPV (et oui, ils ont été faire un tour sur le site avant mon arrivée (hhh)), de la viniculture chilienne, de Gaillac, du Languedoc, du Roussillon, du projet Cruz Perez. Je remarque de suite cette flamme dans les yeux de ces 2 jeunes, conquis par cette expérience unique où il a tout fallu construire depuis zéro (vignoble, bodega, domaine, nom, ventes, etc.). J'apprends aussi que le domaine est conseillé par Alvaro Espinoza, petit génie de la viniculure organique chilienne et étant le seul avec son propre domaine Antiyal de mener la biodynamie (censée !) à des résultats grandioses.
Au niveau qualitatif, le domaine continuera à faire ce qu'il sait faire et ne cherche pas à s'entendre à d'autres cépages pour l'instants. Les rendements limités entre 3.5 et 8.5 tonnes / ha sont un gage de qualité indéniable.
Au niveau ventes, il faut savoir que le domaine a choisi une stratégie logique et qulitative. 3 niveaux de crus seulement ce Cabernet en entrée de gamme (!), les 3 vins de Syrah, Cot et Carmenère, puis en haut du pavé, un assemblage du nom de « Linguai » avec Cabernet, Syrah et Carmenère à parts égales et 95% d'export. Les 5% locaux seront vendus via vente directe du domaine (Yes !!!(hhh)), cavistes et restaurants spécialisés. Même stratégie à l'export et donc vous ne trouverez pas ces vins en supermarché. Le premier conteneur a du reste déjà été envoyé à l'importateur Suisse !
2h45 plus tard, je me décide quand même à reprendre la route, non sans avoir acheté un vin qui n'a jamais été et ne sera jamais commercialisé, le «Casa Dieciocho» Cot 2001. Un vin qui au départ était le vin test avant la première vendange 2002 mais qui a tellement plû aux Å“nologues, qu'il a été commercialisé en vente privée à amis et passionnés.
Pour les intéressées, les vins sortiront en Europe d'ici à Noel. L'oenologue aime respecter les 6 mois en bouteille avant que le vin ne passe à table. Sur le marché chilien, ils seront en vente en fin d'année ou début 2004.
Retour à Vina del Mar, toujours avec Led Zep, mais en plus content d'avoir découvert un nouveau domaine à la chaleur humaine et aux vins de qualité. Attention, une révélation est née. Last but not least, leur site web
- bien qu'encore un pu lent donne une excellent idée de ce que j'ai vécu en cette belle journée d'hiver chilien.
Message edité (25-08-2003 14:05)