Ayant eu l'accord de Mr Ziliani, je me permets de vous mettre la traduction On-line et merci Patrick pour la correction orthographique ;-)
Trinoro par Ziliani
Regardez bien cette terre, observez ces vignes d’une incroyable densité (dix mille plants/ha)… J’ai cherché à fixer cette lumière, ce paysage unique dans mes photos.
Comment ne pas rester subjugué, ne pas avoir un coup de foudre intense quand vous êtes confrontés à cette beauté lors de votre route du vin.
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Tout ce qui va suivre me paraît, encore, en fait, bien étrange, irréel…
Comment moi, défenseur féroce des vignobles autochtones un «sangiovista» et un «nebbiolista» auto-convaincu, toujours prêt à défier les vins devenus «Culte» au prix déraisonnables, puisse tomber amoureux d’un vin de ce style ?
Et pourtant ce que je cherche à raconter et que j'ai déjà partiellement cité dans un autre post (sur la Tenuta Passopisciaro), surprendra, … et fera même probablement un peu de bruit.
C’est l’histoire d’un coup de foudre dés ma première visite, l’unique visite d’ailleurs (mais d’autres suivront, j’en suis certain) dans cet endroit magique qu’est la Tenuta di Trinoro, littéralement sorti de terre par le Baron Andrea Franchetti à Sarteano sur un haut plateau situé entre le Val d'Orcia et la Val di Chiana.
Je dis « sorti de terre » car jusqu'en1992, après que le baron Franchetti eu fini de voyagé dans le monde et profité de ses « privilèges », il décida que c’était vraiment à Trinoro qu’il construirait sa Tenuta. Il y prit sa baguette magique et sortit de son chapeau un Terroir incroyable qui n’existait alors que dans son fort intérieur… dans ces collines habituellement fréquentées de bergers sardes, de moutons et de chèvres…où, avant lui, des vignes, il n’y en avait même pas l’ombre d’une. Nada de nada.
Pourtant cet homme de grand courage, cette utopiste à la recherche d’une idée précise de son vin pouvant rivaliser quelque peu avec les plus grands Bordeaux, Riesling allemands ou Bourgognes qui vieillissent bien, vins , d’ailleurs en grand nombre dans son appétissante cave.
Cette Utopiste refusa de faire siennes les conclusions qui seraient naturellement arrivées à l’esprit d’autres (les non-utopistes, les travel-far, les calculateurs adeptes du wine-wizard influencés par des charlatans qui sévissent encore énormément dans les cantines italiennes) selon lequel si personne n'avait jamais planté vigne c’est d'abord parce qu’on ne pouvait pas obtenir du bon vin.
Il planta ses vignes d’abord par intuition mais aussi dans une certaine euphorie comme il aime à le rappeler.
Il se mit à planter un peu de tout, mettant à l’épreuve cette terre en rajoutant chaque année de nouvelles variétés (du cesanese del Piglio, de l’uva di Troia des Pouilles mais aussi du muscat Picolit, du sauvignon et du petit verdot)
La réponse fut une accolade de cette terre si spéciale à ce raisin destiné à devenir vin. Des vignes d’origine plantée dans un esprit d’ouverture et de lucidité.
Avec une chaleur régnant en maître dans ces contrées, des terrains composés à 40% d'argile et une sécheresse hors du commun, personne de sensé ne se serait mis à vouloir faire du vin, qui plus est un grand vin, et avec un prix aussi élevé à … Sarteano.
Beaucoup ont choisi les Bolgheri plus banals (trop) ou « Montalcino » cet ancien eldorado du vin…(NDLR : c’est Ziliani qui a contribué à lancé le brunello-gate)
Le résultat est qu'aujourd'hui, Franchetti est devenu un personnage dont on parle avec Trinoro et son autre hacienda jumelle sur les pentes de L’Etna, la Passopisciaro qui l’a construit avec pareil fantaisie et douce folie mais aussi avec des bases plus solides,.
Depuis, il a été intégré à juste titre dans le giron des producteurs qui font débattre. Ce que soit on aime soit que l’on déteste.
Jusqu' à ce 22 Juillet, lorsque je me suis décidé d’abord par curiosité, poussé ensuite par la personnalité originale d’Erika Ribaldi à laquelle Trinoro devrait dédier un monument.
J’étais, à ce moment, convaincu, conditionné et insatisfait par de précédentes dégustations. Je croyais faire partie de la seconde catégorie.
Depuis, j‘ai une idée plus précise, un mix entre le rationnel et l’émotionnel, entre l’instinctif et la provocation.
Je dois donc reconnaître que je me trompais, que je ne disposais pas des éléments nécessaires…
Avoir été sur place, avoir compris, en étant dans un endroit si spécial me permettant désormais de le juger.
Certes ces vins sont encore assez éloignés philosophiquement, je dirais même qu’ils sont aux antipodes de mon idéal « platonique » du vin, qui serait l’expression fidèle d’un territoire et de son raisin comme le barolo avec le nebbiolo, le Pinot noir avec la Bourgogne, le Riesling avec l’Allemagne, la Syrah et le Rhône, le Chenin Blanc et Vouvray ainsi que le Gewurztraminer et l’Alsace … qui symbolisent selon moi parfaitement le mariage entre le terroir et la vigne.
Mais le second vin, le Cupole un assemblage de 40% Cabernet Franc, 22% Cabernet Sauvignon, 30% Merlot, 8% Petit Verdot (85.000 Bouteilles en 2007) ou
La “Tenuta di Trinoro” qui dans sa version 2007 assemblé avec 40% Cabernet Franc, 30% Merlot, 20% Cabernet Sauvignon e 10% Petit Verdot produites à +- 9000 bouteilles, sont des vins qui dénotent malgré l’idée assez particulière et si lointaine selon mes critère d’élégance.
Je me suis baladé dans les vignes comme disait Veronelli, jouissant de ce panorama et de cette lumière ; je suis resté ébloui par ce spectacle, parce que oui, c’est un vrai spectacle !
Quel trésor que ce vignoble de 20 ha partiellement vendangé, parce que Franchetti n’a pas perdu goût pour les essais et lorsqu’il s’aperçoit qu’une parcelle ne donne pas de résultat désirés, il ne la vendange pas et quelque temps après, il regreffe une autre variété.
Après avoir visité la cave, simple, rationnelle, minimale (avec beaucoup de barriques naturellement, où le vin fermentera de 7 à 9 mois maximum), mais également ses silos en ciment (oh yes), j’ai évacué mes préjugés et me suis laissé porté par le vin.
J’ai goûté le Cupole et la Tenuta comme si ils étaient en aptes à me parler comme l’avez fait le paysage et l’esprit des lieux avant eux. Tout cela en plus de la personnalité non arrogante du Baron (qui ne veut d’ailleurs pas qu’on l’appelle ainsi…, un monsieur suffit...
Le Cupole a une couleur si intense que l’on croirait poche du plastic. Son nez est vif, avec des senteurs de cassis, une touche méditerranéenne, terreuse et surtout un parfum puissant. Beaucoup de structure et de satisfaction en bouche dotée de puissance et d’une matière pulpeuse.
Ensuite, voici le Tenuta di Trinoro, je ne me souviens plus avec quoi il a été servi (nous avons bu les vins à table), mais c’était un plat de viande gouteux pas s’en recherche...Un de ceux que l’on mangerait bien volontiers tous les jours.
Dés le premier nez, j’ai eu la confirmation que mes sensations vis-à-vis de ces vins avaient changé comme enrichies de nouvelle complexité.
Comme si dans mon monde, mon sancta sanctorum des vins les plus vrais possibles, il me manquait la contribution offerte par ces cépages que je n’aime pas plus que ça, les deux cabernets sauvignon et francs, le sauvignon et petit verdot et merlot.
Trinoro arrive à les dévariétiser, à être moins reconnaissables, prévisibles, caricaturaux dans leur mode de manifestation. Pour acquérir une complexité, un caractère un charme en se mélangeant et ne devenant plus qu’un avec énormément de nuances.
C’est certainement encore meilleur dans ce magnifique endroit, avec comme scénario le monde à part qu’est l’univers de Sarteano, de Trinoro.
Je ne connais pas encore les raisons de ce miracle, mais je pense qu’il est utile avant de continuer ma description, d’aller jeté un œil sur le site Internet du domaine et de se rendre compte que l’an dernier en Toscane les vendanges ont commencés le 15 septembre et qu’en une semaine tout avait été quasi vendangé.
A Trinoro, ils ont vendangé plus d’un mois après le reste de la Toscane …, commençant le 16 octobre par le Merlot et finissant fin du mois avec le petit verdot.
Comment décrire ce vin si on ne veut pas se limiter à dire qu’il est meilleur de tous…
La couleur est impénétrable, très riche, visqueuse, intense, concentre mais jamais fausse comme certain pseudo grands.
Il est doté d’une véritable majesté, une sorte de mystère qui le rend profond et dénote par sa complexité rien que du regard.
Et puis le nez est tout autant riche, avec une présence plus sauvage plus terreuse, un caractère insoumis, agrémenté de touches de genièvre, poivre noir, de cuir, de réglisse et d’un fruit vif, juteux, pulpeux mais jamais confituré, tout cela avec beaucoup de fraicheur et beaucoup d’énergie mais surtout jamais envahi par le bois quasi muet, tellement discret qu’il a su rester contributeur et non protagoniste.
Grande structure pulpeuse en bouche, beaucoup de caractère, de volume d’ampleur de largeur qui ne tombe jamais dans l’excès. C’est une sensation plaisante d’un équilibre parfait entre la matière et la fraicheur sans note astringente et amer qui favorise la buvabilité de ce vin.
Je le sais ce vin est très cher, c’est une folie, trop cher pour les poches des communs des mortels quorum ego. ; 130-140 euros pour du vin, c’est vraiment beaucoup.
Mais ça reste un vin avec le plus de matière, de richesse, d’excès, de puissance que je n’ai jamais dégusté.
Il fait partie des vins les plus imposants que j’ai goûté, pas une pâle copie de ce que l’on peut faire avec des cépages bordelais en Toscane non, c’est un vrai vin de terroir qui justifie à elle seule l’admiration pour le lieu et la lucidité de cette utopiste qu’est le Baron Franchetti.
Goûter ces vins une seule fois fait partie des expériences qui resteront gravées dans votre mémoire gustative pour toujours
Franco Ziliani