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Vins anciens en "9" et cigares... dans l'assiette

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REPAS DES GASTROPOTES© 12 DECEMBRE 2009

Le pinot 2009 sur grappe, au hasard de bucoliques promenades chapardeuses, promet déjà des sommets. Année du nouveau siècle. Oui, grâce aux talents que les artistes des côtes exprimeront. Le vin est un art, majeur. Je pensais à ce repas qui allait se dérouler dans quelques semaines lorsque je goutais avec mesure quelques perles de Chambertin. Magies des années en 9 qui méritent bien une symphonie à Bacchus. Musique Maestros.

Nous nous réunissons chez notre ami Didier, membre éminent du club, au Castel de Tres Girard (21 - Morey Saint Denis) pour allier ces crus en 9 du XXème avec les premières créations habanistiques du jeune chef Frank Schmitt, qui a fait ses classes chez les frères Pourcel. Je m’apprêtais dès potron minet, bravant l’hiver naissant avec une excitation non dissimulée, en tablier de caviste amateur pour l’ouverture de… 19 fabuleuses bouteilles. Elles m’attendaient, en position idéale et verticale, depuis 1 semaine. De cette douce mais quelquefois ferme défloraison matinale pour les plus anciennes, se dégageait des notes … parfaites. Certaines me subjuguaient totalement. Je pouvais les respirer profondément, une a une, revenir par petites touches, pour tenter d’imaginer l’air de cette partition élaborée à l’inspiration avec le maitre de céans, fruit d’une sélection parmi les généreux apports et d’une réflexion itérative pour définir l’ordre et les accords. Elle allait être grandiose. La jeune serveuse qui allait nous servir avec professionnalisme m’observait avec curiosité. La répétition n’est pas un exercice possible car chaque flacon est unique, et le son voire l’instrument pas toujours connu. Il faut donc baser ses choix sur l’intuition, l’analogie, l’audace. On comprend que le métier de sommelier, avec la somme de ces connaissances quotidiennement enrichies et renouvelées, se rapproche de celui de Chef d’orchestre.

Le champagne Gosset 1999 ouvre le premier mouvement avec de fines bulles et de belles fragances encore peu évoluées, très fraiches. C’est une grande année, et nous pourrons facilement retenter l’expérience gustative dans 20 ou 30 ans, si le grand architecte nous prête vie.

Le Coteaux du layon Saint aubin de Luigné 1949 a une couleur ambrée magnifique. La bonne acidité du chenin permet aux aromes évolués de coings compotés, d’abricot, de miel juste sucré de se mettre en avant avec légèreté et parcimonie. L’accord avec le N’œuf de caille poché en soupe de lentille, foie gras et cuillère en fleur de savane est une majeure parfaite.

Le 1er vin surprise qui suit étonne par sa minéralité, sa fraicheur, avec un gout légèrement grillé. La complexité du nez se raccourci fort naturellement en bouche dévoilant le cépage, mais le vin a charmé : Bourgogne Aligoté, Etang Vergy, 1979 .

Le tempo monte ensuite d’un cran avec le Corton Charlemagne Dubreuil Fontaine 1999 et un Châteauneuf du Pape Domaine de Nalys 1979, qui accompagnent avec justesse un Carpaccio de homard fumé en marinade de cigare, mousse d’artichaut, noisettes et sauce corail. Deux beaux numéro 9, de belle couleur. Le rhodanien blanc reste en demi ouverture, le corton attaque et marque les palais, en alliant robustesse et finesse. Le homard cru vient alors se lover dans de la vanille douce, de l’herbe citronnée, de la fleur blanche, et la complexité du plat intelligemment pensé s’exprime longuement grâce à la minéralité majestueuse, tendue, droite, qui devrait se lustrer et s’arrondir avec le temps, que 10 ans ont à peine patiné avec une lime de soie.

Les rouges peuvent faire leur entrée et les premiers sont bordelais : Château Gadet 1929, Château Beychevelle 1969. 40 années les séparent, pour ne pas avoir à les comparer. Ils auront une sonorité bien différente. Année de ma chère et tendre mère pour le cru du médoc appartenant aujourd’hui à un célèbre comédien, cette année mythique se retrouve dans ce cru bourgeois, encore alerte. Il plait beaucoup à certains, ce qui me fait plaisir. Son acidité balsamique s’estompe et laisse place a un gout appuyé de torréfaction, qui permet une alliance franche avec les effluves de cigare bien présentes dans l’écume de Roméo & Juliette N°1 brochette de saint pierre en croute de manioc et fricassée de haricots rouges. Le Saint Julien noble, aux arômes d’humus et de fraise confiturée se pose en impétrant à de belles fiançailles.

Une nouvelle expérience intéressante s’offrent à nos papilles encore alertes avec 3 beaux cadets de bourgogne qui arrivent en chantant, joyeux et fantasques : Volnay santenots A. Rodet 1er cru 1979, à la belle robe pourpre, fin et charmeur, Corton Clos du roi Dubreuil Fontaine 1969, au beau de nez de fruits encore bien rouges, et si jeune en bouche, et le Corton P&G. Ravaut 1999, plus fermé mais tellement prometteur. L’odeur herbacée et fumante se dégageant de la Papillote de Montecristo, moelle de bœuf, grenouilles et fruits de mer nous emporte dans des flots d’une musicalité de douceurs infinies.

Place aux ténors : le second vin surprise exécute un brillant solo. Les avis sont aussi unanimes que les réponses diverses sur son origine. Mais oui mais c’est bien sur. : Rioja Prado Enea Bodegas Muga 1989. Epices, tanins assouplis, bois fondu et légèrement sherry sherry, tout le monde l’embrassa avec la Royale de cigare Montecristo, salade de morilles et cuisse de pigeon glacée.

Arrive ensuite un vin unique d’un des plus grand domaine du monde, mythique: DRC. Nue, marquée à la craie blanche « romanée conti 1999», cette bouteille « melting pot(es) » réservée au personnel à toutes les caractéristiques du domaine. Nez complexe, fruits noirs intenses, poussière subtile de la cote de nuit, le vin se retient un peu en bouche puis tourne, tourne tourne avec des tanins soyeux et une finesse gourmande. Très belle et unique expérience.

Les esprits se reposent, et l’un même, peut être bouleversé par tant de sollicitation gustative et atteint du syndrome de Morey, s’envole dans une sieste réparatrice au bord de la cheminée dont il ne reviendra que pour saluer ses amis toujours content de le voir revivre.

Point d’entracte pour les braves. Le suprême de pintade « Les Bons Amis » fumé à la havane, pleurotes, banane Plantin et duo sauce blanquette jus de cacao arrive et s’avancent en duo un Clos Saint Denis Jadot 1999 et un Clos Vougeot Château de la Tour 1959 qui jouent un air céleste sur stradivarius. La note vougeotine est parfaite, étalon pur pour l’oreille absolue. 50 ans de façonnage en bouteille ne lui ont apporté qu’un poli polissage, juste ce qu’il faut pour laisser place à un bel équilibre. Les fruits sont à peine cuits et s’habillent de cuir et de dentelle pour passer en sous bois. La caudalie confirme l’exceptionnelle année. Il semble à peine adulte. Le grand cru de Morey montre s’il était besoin que ces climats à quelques mètres de Chambertin méritent leur appellation, apportant leur finesse et leur élégance avec des nuances subtiles qui forcent le respect et l’humilité dans cet apprentissage permanent de la divine diversité d’un des plus grand cépage du monde : le pinot noir.

Respirons un peu. Le Brie farci au mascarpone et truffe fond dans la bouche et le mouvement se repose en andante avec le Chambolle Musigny 1er cru J. Drouhin 1999 et le Gevrey chambertin 1er cru Crapillot Domaine Humbert 1999, excellents. Un convive fait remarquer avec la pertinence qui le caractérise que ces vins auraient été servis en d’autres circonstances comme des grands vins anciens, après de juvéniles et fougueuses bouteilles, alors qu’ils apparaissent ici incroyablement jeunes.

Nous évoluons dans ces repas dans des contrées à la musicalité inconnue, et nous perdons nos repères pour mieux voyager.

Le Carpaccio de mangue grillée, marinade de mandarine et poivre, Râpé de cigare dominicain est une exécution magistrale du cuisinier torcedor, et nous touchons les sommets d’accord avec le Sauternes A. Moueix 1949, générique mais de belle plénitude, encore riche, gras, miélé, d’une couleur or cuivrée.

Je ferme les yeux. Je ressens toutes ces notes, ces accords, ces odeurs, ces saveurs qui m’ont pénétrés, ces voyages harmoniques, ces échanges d’amitiés et ces partages d’amour qui m’ont enrichi.

Un rapide tour de chocolat avec le Maury mas amiel 1999 pour les plus solides, qui m’a laissé un souvenir gourmand de grenache fruité.

Les cigares enfin s’allument sur l’Armagnac Castarède 1969. La générosité de mon ami serveur et la grandeur des verres me font oublier de passer aux votes sur les vins.

La prochaine fois. Nous ne connaitrons pas la malédiction de la IXème symphonie. Nous parlons déjà des vins de l’année prochaine. Montrachet 2000 proposé et accepté ! les réserves de ce jour, notamment Cornas Domaine du tunnel 1999, Pommard 1er cru Les Rugiens Parent 1989 entreront bien sur en scène.

excellente année 2010 a tous.

Jean -Pierre

www.castel-tres-gira...

"on n'est pas riche des bouteilles qui sont dans la cave, mais de celles qu'on a bues"... et partagées.
29 Déc 2009 12:49 #1

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Superbe repas , bravo , mais l'ordre de service des vins ........:S:S:S

"Mes goûts sont simples : je me contente de ce qu'il y a de meilleur ". O.Wilde
29 Déc 2009 12:56 #2

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Je serais vraiment intéressé par les recettes de ce menu incroyable !!!

Eric
Mon blog
29 Déc 2009 12:56 #3

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Les trois derniers n'ont pas été bus mais mis en réserve pôur l'année prochaine.

Pour le reste, jamais facile d'autant que chacun est venu avec des apports variés et j'ai du composé. En général, je suis, sur la base de la méthode "Audouze", l'ordre suivant pour les vins francais et cela marche assez bien : champagne, vins blancs de toutes régions -eventuellement moelleux si peu de sucre - ce qui est le cas des vins anciens, bordeaux rouge -anciens c'est bien à cette place je trouve, bourgogne rouge -cote de nuit surtout- , rhone rouge, liquoreux (fromage bleu et/ou dessert), puis maury et/ou vieux alcools avec chocolat et cigares.

Le service en deux ou trois vins sur chaque plats a été précédé d'une courte dégustation sur table pour donner l'ordre aux convives. Ils semblent s'être bien accomodés a tout cela et il y avait de redoutables palais.

Je reste ouvert à d'autres partages d'expériences !

jpierre

"on n'est pas riche des bouteilles qui sont dans la cave, mais de celles qu'on a bues"... et partagées.
29 Déc 2009 13:22 #4

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Un grand merci pour ce superbe texte que j'ai parcouru avec délectation ! (tu)

[size=x-small]Une petite présentation ICI ;)[/size]

Oliv
29 Déc 2009 22:27 #5

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