XXIIème Salon des vins de Tain l’Hermitage
Espace Rochegude
25-26-27 Février 2006
Samedi dernier, je me suis rendu en famille (avec mes deux frères et mon père) à un salon que je fréquente depuis déjà quelques années. L’effectif des exposants a encore un peu grossi cette année avec pas moins de 79 producteurs de la Vallée du Rhône septentrionale.
Plutôt que de présenter les domaines successivement, je préfère diviser le CR en deux parties. En effet, nous avons commencer la matinée par les blancs, puis quelques rouges (essentiellement les cornas) et après une pause déjeuner bien méritée (à la brasserie Le Terminus), nous avons poursuivi avec les vins rouges. Même si nous ne nous étions pas donné RDV, j’ai pu retrouvé sur le salon un autre décéien, j’ai nommé David « Pignolo » avec qui j’ai pu discuter et déguster à nouveau avec beaucoup de plaisir tant son approche du vin me semble enthousiaste et passionnée.
Les Blancs :
Nous commençons par le Domaine des Entrefaux (Tardy) avec un Croze-Hermitage Domaine 2004 100% Marsanne élevé pour 2/3 en cuve qui présente une robe claire, un nez floral, une acidité correcte et du gras. Tandis que la cuvée Les Pends 2004 issue d’un assemblage Marsanne/Roussanne (2/3, 1/3) est élevée en barriques de 6-7 ans. Le vin est ample, avec un beau gras et une finale légèrement épicée. Je note à ce stade que les 2003 dégustés l’an passé m’avaient davantage séduit que ces 2004.
Cette année, Mr. Pochon ne présentait pas son « Domaine » car la cuvée est déjà épuisée, par contre, son Croze-Hermitage Château Curson 2004 à 11€ présente une belle structure. C’est un vin déjà prêt à boire, avec du charme, des notes de noisettes et de fleurs de cassis et une acidité un peu plus vive que chez Tardy. Un très beau Croze.
Bonne nouvelle pour les amateurs, cette année le Saint Joseph des frères Gonon produit sur environ 2 hectares n’était pas seulement à la dégustation mais aussi à la vente sur le salon. Le 2004 représente le sommet de l’appellation avec un ensemble encore très floral, pas un monstre de concentration mais d’une grande précision, avec de la pureté et tout en longueur comme d’habitude. Pour les amateurs passionnés, il y a toujours des vieux millésimes en plus sur la stand. Cette année, le Saint Joseph 2000 paraissait un peu plus évolué que son âge avec des notes d’encaustique, de cire et de mousseron mais toujours avec du volume et de la fraîcheur.
Au Domaine Habrard, le Croze-Hermitage 2004 présente une couleur claire et des notes fumées, grillées un peu bizarre à ce stade. La cuvée est issue d’un ancien complantage de Marsanne/Roussanne dont les vignes ont entre 60 et 80 ans. L’Hermitage 2002 possède un nez précis, floral. Une bonne ampleur même s’il est encore légèrement grillé. Cependant cette bouteille est en dessous du 2001 dégusté en juin dernier.
Le stand de Voge présente cette année quatre Saint-Peray tranquilles à la dégustation. Harmonie 2004 est 100% Marsanne. Il est élevé en cuves et présente l’une des robes les plus clairs de la journée, jaune-vert pâle. Le nez est timide et fermé tandis que la bouche après une bonne attaque mais finit plutôt court. La cuvée boisée 2004 élevée 10 mois en fûts de chêne est vanillée. La structure semble un peu plus grasse, très parfumée, avec une acidité qui trace un peu en finale. La cuvée boisée 2003 présente un équilibre très différent, une bouche avec un gras moelleux. Un certain manque de tension mais de la souplesse. Agréable même si je préfère 2004. Pour finir, Fleur de Crussol 2003, une sélection de vieilles vignes avec un élevage plus long d’un an et demi possède en son centre une grosse matière, beaucoup de densité, des arômes de poivre épicé et de bergeron.
Comme chaque année, la maison Delas est présente sur le salon. Aujourd’hui, on peut dégusté le Croze-Hermitage Les Launes 2003 très floral et typé par le millésime. Par contre, je déguste moins bien le Saint Joseph Les Challeys 2004 qui possède de la fraîcheur mais manque un rien de maturité dans son fruit. L’Hermitage Marquise de Tourette 2001 se présente très bien avec sa palette de fruits blancs et jaunes et sa matière enveloppante mais il se déguste plus évolué qu’en juin dernier avec l’apparition de touches oxydatives. Pour finir, le Condrieu La Galopine 2004 est très aromatique et présente les notes variétales du viognier (pêche et abricot).
Le Croze-Hermitage Des Martinelles 2004 ne me convainc pas car il se présente un peu vert, avec des arômes bizarres de bonbon. Par contre, avec leur Hermitage 2004, ses touches finement grillées, sa belle maturité et son grain suave, c’est une toute autre affaire. On peut noter que les vieilles vignes qui entrent dans la cuvée sont situées vers Larnage sur des coteaux exposés est.
Les Rouges :
En général, j’aime bien finir ma matinée par quelques rouges et en compagnie de David, nous décidons de faire un tour d’horizon (non exhaustif) de l’appellation Cornas présente sur ce salon.
Chez Balthazar, on débute par le Cornas 2002 qui présente l’ancienne étiquette du domaine. Le changement a eu lieu avec le millésime 2004 dont l’étiquette revendique maintenant l’origine des vignes dans le lieu-dit « Chaillot ». Pour être franc, j’ai beaucoup aimé ce 2002 qui est une des belles réussites du millésime avec notamment Allemand. La robe est un peu moins foncée qu’à l’accoutumée et le notes dominantes sont le chocolat, la fève de cacao et la terre humide. Par contre, les tanins restent souples et en carafant, on peut déjà se régaler avec ce millésime. Le Cornas Chaillot 2004 présente une définition bien plus classique, avec un nez plus sauvage, du fruit noir, des arômes pas toujours nobles à ce stade mais les tanins sont serrés et abondants. Ils ne sont pas très soyeux, avec un côté légèrement asséchant de rafle qui souligne la vinification en vendange entière sur une terroir argileux.
Le Cornas 2003 de Delas est complètement marqué par des notes de fleurs de cassis et de violette. Même s’il présente un côté sauvage, l’élevage a sur cette cuvée lissé les tanins avec une certaine finesse.
En comparaison, le Cornas 2002 du domaine Juge m’a laissé de marbre, avec les mauvais côté du millésime qui ressortent, un vin simple et plutôt vert.
Retour chez Voge avec un domaine que je n’avais pas très bien goûté l’an passé. Les Chailles 2004 se pare d’une robe éclatante et juvénile mais le vin présente une déviation aromatique qui me déplaît, un manque de pureté. Les Vieilles Vignes 2002, encore marquées par la vanille sont souples dans ce millésime et les tanins me semblent très (trop) travaillés pour que la terre ne puisse complètement s’exprimer. Par contre, avec les VV sur le millésime 2003, on change de registre avec un jus très typé par le millésime, du fruit mûr, beaucoup de tanins et des notes classiques de ronce. La encore, la matière est quelque peu lissée par son élevage. Pour finir, la cuvée Vieilles Fontaines 2003 était également à la dégustation. Sur le Coteau « La Fontaine », Voge a su tirer le meilleur du millésime avec une matière à la fois travaillée et avec un élevage complètement intégré grâce à la concentration du raisin. L’attaque est plutôt souple et douce mais le vin se densifie dans le palais avec un milieu de bouche épais et une longue finale. Un très grand vin abouti, complet et racé.
On termine les Cornas avec le Domaine du Tunnel (Robert). Le 2004 est un modèle. La vigne est travaillée sur 3 hectares dont environ 1,5 en location à Juge. Le nez de fruits noirs présente de la floralité et une belle sève intense, alors que la cuvée Vin Noir 2004 présente un profil similaire avec encore plus d’élan et de concentration. Pour cette cuvée, les vignes sont plantées sur trois parcelles (Combe sud, Sabarotte et Eygats) et sont centenaires. Matière et couleur énormes et grande réussite, comme d’habitude…
Après une pause rapide, nous continuons au fil des stands.
D’abord, le Domaine des Entrefaux propose cette année quatre Croze-Hermitages 2004 : Le Champs Fourné est plutôt simple, avec un fruité croquant qui signe le millésime et une petite touche d’acidité en finale, un vin immédiat. La cuvée Domaine des Entrefaux est un assemblage de toutes les parcelles qui sont centrées sur Mercurol. Le vin présente un beau fruit mais plutôt confituré. Les Pends qui sont issues de jeunes vignes en coteaux sont très souples et suave mais en dessous du 2003 dégusté plusieurs fois l’an passé. Pour finir, Les Machonnières (cuvée VV) présentent davantage de matière mais je n’aime pas trop le profil du millésime chez ce producteur où j’avais déjà acheté à plusieurs reprises.
Le Croze-Hermitage 2004 Les Martinelles est simple et croquant tandis que la Sélection Coteaux 2003 est typique du millésime. L’Hermitage 2004 du domaine est très réussi. Il est issu de trois climats (Pierrelles, Beaumes et Murets), c’est un vin nature, un jus très vivant, changeant, complexe et agréable à dégusté.
C’est la première fois que je goûte le Vin de Table de Gonon. Il s’agit de vignes qui sont sur l’AOC Saint Joseph mais que les producteurs estiment moins bien placées et donc moins qualitatives. Pour moi, ce 2004 présente un fruit souple. Simple mais bon. Le Saint Joseph 2004 est lui aussi fruité, avec un beau soyeux mais une finale quelque peu métallique. Il ne se livre pas complètement à l’heure actuelle. A revoir même si je sais pertinemment que chez Gonon, le blanc est supérieur au rouge. A l’aveugle, le Saint Joseph 1996 a très bien vieilli, la robe présente des reflets orangés, le nez possède un beau fumé, des notes de lard et d’orange sanguine, toujours avec l’acidité intrinsèque du millésime en arrière plan.
Robin nous a ensuite présenté le meilleur Croze-Hermitage de la journée avec sa cuvée Albéric Bouvet 2004. Du fruit pur et précis, un peu de réduction actuellement mais un grand jus très prometteur, serré et de garde. A attendre impérativement !
Nous revoilà au stand de la Maison Delas pour finir la dégustation des rouges. Le Croze-Hermitage Tour d’Albon 2003 est sur la violette mais les tanins sont encore un peu durs. Le Saint Joseph François de Tournon 2001 est pas mal fait mais un peu neutre, sans vice ni vertu. Par contre, à nouveau une belle réussite que la cuvée de Saint Joseph Sainte Epine 2003, très marquée par le millésime mais gourmande, avec ses notes très légèrement viandées, son acidité basse et sa montagne de tanins doux. La Côte Rotie Seigneur de Maugiron 2003 est aussi une belle réussite dans un millésime qui me semble défavorable à cette AOC en comparaison de Cornas et Hermitage. Belle densité, très suave. Pour finir, l’Hermitage Marquise de Tourette 2003 était beaucoup plus retenu mais avec un bon potentiel, un vin fermé, en devenir.
Je termine le salon tout seul, sur le stand de Lombard alors que mes frères récupèrent les bouteilles qui les ont le plus séduit. Le Brézème Grand Chêne 2004 est tout simplement magnifique de pureté. Un 100% syrah qui embaume la violette, très floral, un équilibre impeccable, de la finesse et déjà accessible. Il a tout pour lui et à moins de 10 euros, le rapport qualité/prix est « hors compétition ». La cuvée Eugène de Monicault 2004 présente le même profil en plus retenu et avec plus de tanins. Un très grand vin de garde que je recommande à tous les amateurs. Enfin, Bresemus 2003 est une sélection de VV auxquelles les propriétaires ont apporté un très grand soin. Le nez est fermé puis s’ouvre à l’aération sur du cassis. Un vin très 2003, acidité basse et très beau grain.
Avant de repartir de Tain, j’amène la famille au caveau Chapoutier pour récupérer une ou deux bouteilles qui n’étaient pas disponibles aux Estubiers. Et à ma grande surprise, on nous propose immédiatement une très belle dégustation avec deux grands vins blancs. Le Saint Joseph Les Granits 2001 présente sa tension habituelle, un vin retenu et précis qu’il faut à mon avis attendre encore quelques années. L’Hermitage Le Méal 2002 est floral, avec des touches de fougère et d’acacia, puis évolue ensuite dans un registre de fruits exotiques. La puissance est maîtrisée. Grande persistance et un sommet pour le millésime.
Laurent Bouffier
Auteur du sujet