Deux séries au programme pour cette soirée. Des Bandols 98, avec quelques pirates provenant d’autres millésimes. Et des Pomerols issus de tous bords, de 1993 à 2001.
Nous passons donc sans vergogne de vins puissants et tanniques, les Bandols, souvent débordants de matière, de tannins ou de fruits, à des flacons qui misent sur la finesse, les Pomerols, mais frôlent souvent l’évanescence ou la déstructuration.
Pomerol sauvé des eaux, ce fut en effet en fin de course surtout, comme vous pourrez le lire.
Un petit compte rendu subjectif...
1. BANDOLS
Le Bandol a parfois appelé la métaphore animale. Le premier, une cuvée longue garde de LAFRAN VEYROLLES 2000 est un vrai pachyderme : matière forte, presque terreuse, concentration, tannins asséchants,un nez de laurier et poivré, quelques fruits rouges en suspension, le tout malheureusement avec une attaque plutôt molle (trop à mon goût).
Le deuxième, un DOMAINE BUNAN 1998 (Mas de la Rouvière), est déjà plus goûteux avec une jolie matière, de la finesse et un bel équilibre. Une finale poivrée qui enflamme le palais, s’étend et s’étend, avec des tannins mieux intégrés.
Quant au LAFRAN VEYROLLES 2000 (cuvée courte garde),il présente un nez des plus fermés. Ce n’est pas ce soir que nous percerons ses mystères. Il n'offre que quelques effluves de caoutchouc. Par contre, ce flacon présente une belle fraîcheur. Ce qui est sûr, c’est qu’il veut qu’on le laisse en paix encore quelques années.
Le quatrième, un GAUSSEN 1999 (longue garde) se présente sous des auspices nettement plus fruités. Au nez, de l’eau de vie de prune ; en bouche, de la cerise rouge, du fruit confit, avec une finale que j’ai trouvé doucereuse et qui se dilue. Ce Bandol là ne tient pas ses promesses.
Au suivant ! A nouveau un GAUSSEN, mais 1998 (longue garde). Ce vin a divisé, mais je l’ai trouvé passionnant, un des meilleurs selon moi (parfois, les mal aimés sont les plus stupéfiants). Un nez très étonnant : viande, pétrole, et même, passez moi l’expression, « cul de chevreuil ». C’est long, c’est concentré, c’est tannique. Le liquide tapisse le palais, le râpe, le polit, ça part sur la mûre, le chocolat, avec ce qu’il faut de poivre pour éveiller tout vos sens.
Comme dans un jeu de chaises musicales, l’on repart avec un LAFRAN VEYROLLES 1998 (cuvée de base) qui ne m’a pas laissé de souvenirs impérissables. Je le trouve un brin déstructuré (de la famille des invertébrés), avec des arômes réglissés.
Le septième, il nous a fait faux bond. Un défaut. On le laisse sur le bas côtés, comme un chien que l’on abandonne pour continuer la route des vacances.
Le huitième, si vous me permettez cette hérésie, fut le plus « bourguignon » des Bandols,et la belle surprise de cette série : PRADEAUX 1995. Au nez, il exhale des notes de fruits rouges et d’eau de vie de prune. Il joue tout en finesse, avec ses arômes de grenadine et sa structure à la fois charpentée et fine. C’est soyeux, les tannins commencent d’être domptés. Il y a une vraie tension, une vraie poésie dans ce vin. On aurait voulu l’accompagner d’une selle de chevreuil… Comme quoi, l’adage selon lequel il faut laisser crever ses Bandols en cave pour mieux les ressusciter est des plus sages. Ce Pradeaux 95 peut encore vieillir, c’est certain, mais il commence de se livrer.
Nous terminons sur un PIBARNON 1998. C’est pas mal du tout, mais encore trop jeune, à peine prépubère, avec une jolie minéralité cette fois et des tannins qui commencent doucement de s’assagir.
Comme le soulignait Philippe, nous nous sommes retrouvés face à une appellation homogène. De beaux vins pour des plats de chasse lorsque l’automne a pointé le bout de son nez.
2. POMEROLS
Voilà une série qui nous a offert de belles déceptions, et quelques bijoux, tout en tension et en finesse, presque fragiles.
Les trois premiers flacons bus me font penser à ces bonbons anglais, un brin écoeurants qui se diluent dans la bouche avec des arômes artificiellement parfumé, vers la grenadine, le sureau ou les fruits rouges.
GRANGE NEUVE 2000 nous offre déjà plus de matière, une bonne concentration, des arômes de fruits rouges, de griotte, avec un début d’équilibre, mais pas de quoi fouetter un chat, à défaut d’un autre animal de compagnie.
Nous sommes servis alors de GAZIN, dans un millésime réputé difficile, 1993. Je trouve que ledit millésime a même été très ingrat avec ce château, le vin manque d’équilibre, de vivacité, de longueur. Je me console en contemplant l’étiquette que je trouve très belle et très « Pomerol ». Si vous croisez ce flacon sur ebay, passez votre chemin.
Le sixième, GOMBAUDE GUILLOT 1997 n’a en tous cas pas racheté son prédécesseur. A peine en bouche, il s’est affaissé. Pas de corps, encore moins de vertèbres.
Par chance, un GUILLOT 1995 a pointé le bout de son nez. Un début de réconciliation avec ces dames évanescentes. Il offre un nez plus complexe, avec quelque chose de végétal, voire animal, et du laurier, ainsi que de la menthe. En bouche, il nous offre une fraîcheur ma foi suave, une jolie longueur et des tannins bien enrobés.
On passe soudain à des arômes fumés, des notes de pain d’épice et de pain grillé avec un CERTAN-GUIRAUD 1995. Le vin a du corps, de la structure et un bon équilibre. On décèle des arômes de groseilles, de mûres sans doute aussi.
Arrive alors une danseuse, encore jeune, volatile mais avec une jolie attaque : c’est un CERTAN DE MAY 2001. Ce Pomerol est léger (presque trop ténu, il pourrait se briser les chevilles), structuré et fin, avec de l’allure et du fruit (rouge), un once de réglisse et une jolie longueur qui se perd dans le dédale de nos papilles.
Pour conclure, notre nez plonge dans un très beau vin, encore enrobé de son élevage, avec des notes boisées, de cacao et de café. C’est un VIEUX CHATEAU CERTAN 2001 complexe, soyeux, qui évoque la crème de myrtille, avec cette fragilité touchante qui est rattrapée en finale par une belle acidité. Ce vin a de l’architecture, à l’italienne, avec des flèches qui percent les cieux. De la matière a revendre. Une jolie concentration pas trop ostentatoire. Vous avez dit 2001 ? Laissez-le encore un peu traîner « underground ».
Les Pomerols s’avèrent être (est-ce une surprise ?) des vins aussi étonnants que fragiles, aussi excitants que décevants, mais avec un rapport qualité/prix assez rhédibitoire…
Au plaisir de vous lire.
Cordialement
Frédéric