Notre séjour à Florence ne pouvait exclure un dîner à l'Enoteca Pinchiorri, tant l'endroit est plein de promesses de délices culinaires et oenologiques.
Giorgio Pinchiorri est un amoureux fou de vins et il décide d'ouvrir le concept d'Enoteca en 1972, où les gens pourraient goûter les vins au verre, acheter des bouteilles dans la cave et les emporter, chose qui semble tellement ancré dans la normalité aujourd'hui.
Notre sommelier fait alors des aller-retours réguliers entre la Toscane et la Bourgogne pour ramener en Italie, dans sa simple voiture, des vins de la région. Il sympathise avec Henri Jayer dont il devient un très bon ami. Il commence alors sa fabuleuse collection.
Annie Feolde passe ses 20 premières années à Nice avant d'occuper un poste au PTT sur Paris. Las, elle décide de partir en Angleterre pour perfectionner la langue de Shakespeare avant de tomber amoureuse de la Toscane. Elle rejoint Pinchiorri dans son aventure pour concocter de petites bouchées destinées à accompagner les dégustations. Les petits plats deviennent buffets puis menu de restauration avant d'atteindre la qualité que l'on sait.
Florence oblige, le restaurant se trouve dans un ancien palais de la Renaissance aujourd'hui transformé en Relais & Château.
Nous sommes Vendredi 8 Mai, il est 20h30. Nous patentions un bref instant avant d'être installés dans la salle à manger.
Un Spumante Nature Antinori en guise d'apéritif, clair, léger floral, correct.
L'heure du choix du programme de la soirée: La carte est composé de quelques plats individuels, d'un menu dégustation de 6, 9 ou 12 plats et d'un menu retour de marché de 9 mets. Afin de goûter la diversité je me décide sur la dégustation de 9 plats et Madame sur le menu du jour.
Pour les vins, le choix est conséquent. Différents "forfaits thématiques" permettent de goûter des crus classés des années 1990-2000, en blanc, rouge. 3 choix à majorité française, un seul toscan. Pour le reste, des verticales à faire pâlir n'importe quelle cave dans le monde.
Une chose est frappante: les prix, le coefficient atteint parfois 7-8...
Une discussion avec le sommelier, Massimo, nous décide sur les vins suivants:
Arrive alors le premier met: bouchée de caviar de "Kaluga Amur" (un esturgeon de la rivière Amur)
Assez simple, les oeufs sont bons, un peu moins fin que du caviar mais très goûtu.
Le Richiari 2007 Poggio Scalette est alors versé dans nos verres.
D'une couleur très, très claire
Au nez : pas mal de tisane forestière et d'ananas. En bouche, on ajoute de la chlorophylle, un peu de poivron. Beaucoup de rondeur. Ma foi pas trop désagréable sur les premiers verres, un peu entêtant ensuite.
Des spaghetti cuits dans du chianti accompagné de langoustines et burrata
Une belle combinaison de textures entre le craquant des pâtes, l'al dente des langoustines et le fondant du fromage.
Le poisson mêle de façon originale le fruit et le légume de la saison: un turbot aux asperges et fraises.
Je continue sur des Passatelli et ses coques dans un consommé de tomates
Je ne peux m'empêcher de goûter l'oeuf poché de Madame à la crème de courgette et son croustillant de parmesan fondu. Oh surprise à l'intérieur de l'oeuf: de la pancetta et un rappel de parmesan. Je me demande encore comment ils ont remis tout cela en coquille.
La suite sera les cannelloni de ricotta et mortadelle, parsemés de noisette et parmesan fondu.
Le Percarlo 1997 San Gisuto a Rentnnano (100% Sangiovese) arrive alors dans nos verres.
Je vous laisse juger de sa teinte.
La robe demeure dense.
Le nez est puissant, envoûtant, une impression de bouillon vite disparue. Au palais, la fraise est juste mure. Elle se perd vite entre un trait vanillé et surtout le côté encré et noix grillée qui font la persistance du vin. Les tanins sont fins et fondus. C'est très bien exécuté mais pas trop mon style du moment.
Il se marie bien avec le porcelet, sa peau craquante, sa purée, les pommes, câpres , fruits rouges et sorbet d'oignon
Une pincée de créativité avec le cubicle de risotto au gingembre (un délice!) et son foie gras d'oie
Le fromage arrive à point nommé en une crème de Pecorino, sa polenta, son feuilleté d'olive noire
Un pré-dessert qui est une vraie gourmandise, parce qu'il est dans le bon timing du repas, parce qu'il est innovant pour nous: un sorbet de carotte, des pignons, un flanc de chocolat blanc et une pointe de fleur d'oranger. J'ai adoré.
Et pour terminer sur la note finale de douceur: un mille feuille de mangue glacée et yahourt, une salade de basilic frais et un crumble chocolat
Histoire de chipoter, j'aurais préféré un fruit plus sucré
Vous l'aurez lu, la cuisine reprend les classiques de la ville et de la région en leur apportant la touche suffisante de modernité. Les portions sont parfaitement calibrées, point d'excès ou de trop quantitatif. Il est dommage que la partie elixir soit si onéreuse.
En souvenir le menu de la soirée, où vous trouverez le choix de ma moitié.
En fin de repas, en guise de balade digestive, nous demandons à Massimo s'il nous est permis de visiter la cave ce qu'il accepte avec plaisir. Nous descendons alors dans l'antre au 75 000 flacons tous plus prestigieux les uns que les autres. Notre guide nous mentionne que 75 000 autres bouteilles dorment pas très loin du lieu.
Nous lui demandons les proportions, il nous répond que près de 50% sont d'origine française, 40% italienne et 10% du reste du monde (californienne surtout).
A peine la porte ouverte que nous sommes face à des caisses empilées des plus impressionnantes, surtout lorsqu'elles portent le numéro 1 de la série...
Note: Les 2 photos qui nous a été gentillement permis de prendre l'ont été à la fin du parcours ce qui explique leur faible nombre.
Tous les coffrets, boîtes et objet collector sont estampillés n°1 ou 2, tel l'Ornellaia Masseto 2005.
Nous passons par le coin champagne face aux nombreuses distinctions décernées par Wine Spectator pour la meilleur cave de restaurant au monde. Krug a bonne place, Sélosse est plus discret.
Nous continuons dans ces interminables allées pour croiser dans une alcôve, derrière une grille: les biens les plus précieux dont Mouton Rotschild 1893.
Plus loin, Yquem 1896 cellophané pour conserver l'étiquette. La couleur est d'un brun café qui n'a plus rien à voir avec sa couleur d'origine.
En passant devant les vins italiens, je fais remarquer à Massimo que les blancs italiens sont tout de même pas mal boisés. Il me dit effectivement que c'est souvent le cas et que ce ne sont pas trop ses favoris. Des exceptions cependant tel Gaja, qu'il aime beaucoup car proche des blancs de Bourgogne.
Dans un autre méandre, les plus grands formats:
Je remarque que la vallée du Rhône est peu représentée mis à part quelques Rayas. J'échange mes coordonnées avec notre G.O. pour que nous partagions réciproquement nos envies, découvertes et coup de coeur à venir. Peut-être vais-je améliorer ma culture italienne
La visite se termine. Nous repartons les sens émerveillés d'une soirée qui nous est devenue mémorable.