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ce soir j'aurais aimé une cuisine minimaliste...

  • François Audouze
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ce soir j'aurais aimé une cuisine minimaliste... a été créé par François Audouze

Nous récidivons à l’hôtel des Roches, ce qui indique que nous nous y plaisons. Cette soirée m’aura montré que dans le jugement que l’on fait sur un restaurant, pour autant que l’on éprouve le besoin de juger, il y a l’observé et l’observant. En ce qui me concerne, l’influence de l’humeur de l’observant compte pour beaucoup.
J’étais heureux d’avoir conclu un investissement qui m’intéresse par les perspectives de développement que j’entrevois, et il fallait que cela se fête avec des amis.

D’humeur joyeuse, je commande Krug Grande Cuvée qui doit avoir un peu moins de cinq ans de bouteille. Une immense personnalité. Ce champagne est vivant comme pas deux. Il est expressif, typé et ne laisse pas indifférent. Il aurait fallu ne pas nous donner la première mini-entrée standard à base de crème de tomate, qui stérilise le Krug, alors que l’autre mini-entrée créée juste pour nous faire plaisir, à base de chair de rascasse, purée discrète de fenouil et jus « roquette » est un démarrage gustatif de vraie gastronomie. Cette remarque, que je fais souvent, je vais la refaire encore : quand on repère une table où les vins vont être de gros calibre, il ne faut pas servir l’amuse-bouche standard, mais en adapter un au choix des vins, s’il est déjà fait.

En l’occurrence, la rascasse appelait le premier vin que j’avais commandé à mon arrivée, Château Rayas, Châteauneuf du Pape blanc 1998. Le mariage avec ce blanc étonnant est idéal, la chair expressive du poisson mettant en valeur le blanc merveilleux. Ce qui frappe d’abord, c’est la longueur du vin. On dirait un tapis qui se déroule, qui découvre à chaque pli des couleurs et des dessins nouveaux. L’exposé des motifs est quasi interminable. Ce blanc étonne car il change d’aspect à chaque mouvement de langue. C’est sans doute moins complexe qu’un bourgogne blanc, mais c’est terriblement envoûtant. J’avais commandé sur ce vin une brandade de morue aux truffes d’été, émulsion au thym des collines, car je sentais que l’accord serait parfait entre l’ail et le fumé du Rayas. Or je suis un peu resté au milieu du gué, car je voulais de la brandade, de la pure, de la virile et je trouvais en fait une interprétation de la brandade intellectualisée, qui aseptisait le choc gustatif que j’attendais. C’était bon, bien sûr, mais n’avait pas la pureté brute que j’avais imaginée. A ce vin typé, affirmé, il fallait une brandade claire, directe, franche comme le « jus de pomme » des Tontons Flingueurs.

Ayant adoré les cigales de mer sur l’Yquem 1987 lors du dernier dîner, il était tentant de les revisiter sur un rouge, et pourquoi pas l’un des plus grands : Château de Beaucastel, Châteauneuf du Pape, Hommage à Jacques Perrin 1995. Matthias Dandine a fort intelligemment adapté l’accompagnement en changeant la préparation du menu pour des légumes du potager discrets et des girolles d’été, mais n’a pas remis en cause la sauce trop prononcée qui masque la pureté de la chair. L’accord ne s’est fait que lorsque j’ai cureté de la chair pure dans la tête de la cigale. Là, le vin rouge s’est mis à chanter. Avec une cigale en plein été, n’est-ce pas ce qu’il doit faire ? Cet « Hommage » est trop jeune, c’est évident. Mais le bambin a déjà une morphologie d’athlète. Pur, simple, direct, s’exprimant dans une langue claire, ce vin rassure par la précision de sa construction. Le Rayas blanc miroitait de mille facettes. Là, ce futur sumo pousse toute fioriture en dehors du cercle de combat. Le vin est affirmé, puissant, sûr de lui, et il est bon. Que demander d’autre, quand on a tant de plaisir en bouche.

Là où l’observant joue son rôle, c’est que je voulais ce soir m’installer dans les arts culinaires premiers. Je voulais une brandade qui joue la brandade et une chair de cigale dans sa pureté intrinsèque. Ce soir les


Cordialement,
François Audouze
03 Aoû 2006 11:34 #1

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: ce soir j'aurais aimé une cuisine minimaliste...

le texte a été tronqué, et en appuyant sur "valider", j'ai eu un plantage de mon PC, phénomène que j'avais déjà signalé il y a quelques mois et qui avait disparu.
Comme - bien évidemment - je n'avais pas sauvegardé ce texte, la fin est perdue.

Elle était, en gros ainsi :

... Ce soir, les variations sur des thèmes ont occulté les accords purs que je souhaitais. Il est sûr qu'un autre soir, je serais satisfait de ces recettes.

Je rêverais de refaire le même repas, avec les mêmes vins, car je suis très satisfait de mon choix de vins, et avec les mêmes plats, car je crois en eux, mais minimalisés au profit de saveurs franches et pures. Je crois que ce serait grandiose, et le chef le réussirait avec élégance.

Me méfiant autant de mon rôle d'observant que de ce que j'observe, j'ai réservé une nouvelle table pour dans huit jours ...


Cordialement,
François Audouze
03 Aoû 2006 12:34 #2

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Merci pour ce nouveau récit alléchant, François !

Bu en juin une immense Krug Grande Cuvée, qui brillait par sa subtilité ...

J'ai aussi trouvé magnifique le Rayas blanc 95, véritable corne d'abondance très complexe et fine.

D'accord aussi sur Hommage 95 (aussi grand que Hommage 99).
03 Aoû 2006 13:13 #3

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: ce soir j'aurais aimé une cuisine minimaliste...

Merci de ce témoignage qui concorde.
La phrase de René Char me laisse perplexe, car elle donne lieu à de nombreuses interprétations. Mais c'est particulièrement joli.


Cordialement,
François Audouze
03 Aoû 2006 15:33 #4

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C'est une phrase poétique, métaphorique, allégorique, sensible, qui parle en particulier aux gens qui ont connu les affres de la dépression.
Elle est presque le contraire de l'oxymore Kubrickien "eyes wide shut" de Ganesh.

Il faut lire le livre de Styron, "face aux ténèbres", un authentique chef d'oeuvre autobiographique, qui se termine précisément sur un immense rayon de soleil !
03 Aoû 2006 16:12 #5

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J'ai un Rayas blanc 98 qui attend son heure gentiment.
Merci de m'avoir encore une fois mis l'eau à la bouche :)
03 Aoû 2006 16:16 #6

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