Repas chez Jocelyne Puibusque et Pascal Perez
Dimanche 4 juin 2006
Une production Ganesh Club
Le contexte :
Pour cette occasion, Jocelyne et Pascal convient un petit groupe de passionnées chez eux, dans le centre de Toulouse.
Les participants sont les suivants : Sophie et Vincent Mercier (VM), Jocelyne Puibusque, Charles Vivier, Jean-Philippe Durand, Laurent Gervat, Laurent Gibet (LG), Jacques Prandi et Pascal Perez (PP).
Le menu est royal :
- Flan au parmesan
- Filet de saumon cuit au sel et à l’huile d’olive, poireaux et orange
- Rougets avec parmentier de leurs foies, jus d’artichaut et huile de vanille
- Crème d’asperges au caillé de brebis, asperges râpées à cru
- Filet de turbot, rouelles de pieds de porc en persillade, jus de viande
- Pigeon, melon à la plancha, morilles et petits pois
- Fromages de chez Xavier (munster, brebis aveyronnais)
- Glace minute au lait ribot et bâtonnets de rhubarbe confits à la grenadine
La synthèse des commentaires de dégustation est assurée par Laurent Gibet.
Les vins :
1. Champagne – Jacques Selosse 1992 :
VM16,5 – JP17 - LG16,5 – PP16,5
- Dégorgé le 4/11/2000.
- Le nez corsé et alliacé implique des notes raisonnables de pain d’épices, de pêche jaune bien mûre, de minéral, d’orange. L’évolution pointe sous la forme d’odeur de noix.
- La bouche, agréable à l’apéritif, déroule sereinement ces mêmes goûts. Elle s’avère assez solide mais fine, au style un peu débridé. On apprécierait un supplément de puissance et de longueur pour tenir la note prégnante du rigolo flan au parmesan servi pour amuser les bouches.
2. Champagne – Ruinart – Dom Ruinart Rosé 1986 :
VM17 – JP18 - LG17,5 – PP18
- Le nez, plutôt baroque et jeune, communique des notes très fines : fruits rouges (cerise en tête), épices variées, fumée, café, kumquat, orange (un côté Grand-Marnier). Un nez qui peut rappeler, selon un dégustateur, l’élégance fruitée d’un Morey-St-Denis.
- Bouche en douceur, subtilement fruitée et épicée. Personnalité, race aromatique et longueur imposante, puissance relative mais insigne finesse, étonnante jeunesse aussi.
- Nettement plus posé que le farouche 90 bu à Paris en décembre 2005.
3. Trebbiano d’Abruzzo – Azienda Agricola Valentini 1994 :
VM15,5/16 – JP15,5 – LG15 – PP15
- Le nez sert initialement des notes évoluées, un peu simples et banales : cédrat, œuf, paille. L’aération le complexifie avec bonheur en dévoilant de la minéralité (craie), du mousseron, du balsamique (thym), du curry et selon les verres vides des participants plus ou moins de flaveurs d’oursin, d’huître ou d’iode. On est alors sur une expression sudiste (Hermitage ?, Châteauneuf ?, Corse ?).
- Bouche de belle complexité méditerranéenne donc, pour cette cuvée transalpine recherchée, possédant un indéniable caractère, mais on peut regretter sa finale trop lâche. Son évolution est au final cohérente avec son âge.
4. Alsace Grand Cru Rangen de Thann – Domaine Zind-Humbrecht – Riesling Clos St-Urbain 1989 :
VM17 – JP17,5/18 - LG17+ – PP17,5/18
- Le nez, particulièrement odoriférant, propose des odeurs signées (cépage et domaine) : végétal, gros impact fruité (agrumes, fruits exotiques), épices, minéral, menthol. L’expression n’est que peu fumée en l’état.
- Bouche riche, imposante, avec un peu de sucre résiduel, à la fois forte (minérale) et douce, équilibrée et très longue.
- Il semble que le vin, malgré son âge relativement honorable, n’exprime pas encore son maximum de potentiel. A revoir dans 5 à 10 ans.
5. Corton-Charlemagne – Domaine Rapet 1990 :
VM17,5 – JP18 – LG18 – PP18,5
- Le nez offre ici des senteurs idéales que l’on pourrait aussi situer à Meursault ou surtout à Chablis : miel, agrumes, fleurs, menthol. Propre, distingué, avec en bonus une impeccable rétention du minéral.
- Bouche sans tapage mais d’une parfaite noblesse. Remarquables fraîcheur et tenue en bouche pour cette sève fine et dense, encore jeune, se terminant par des goûts très persistants et friands de pêche et de cannelle s’associant parfaitement à l’austérité plus minérale (très cristalline) et réglissée du vin.
6. St-Julien – Château Gruaud-Larose 1975 :
VM16/16,5 – JP16,5 - LG16 – PP16,5
- Au nez, on devine des senteurs bordelaises (médocaines ?) : caractère herbacé et forestier (humus, champignon, pointe truffée), menthol, graphite, cèdre, fumée, amande ainsi qu’une note plus insolite mais claire de fraises des bois.
- Bouche à tendance acidulée (on dirait presque qu’elle « pinote »), pas commode à situer en termes d’origine géographique. La matière peut paraître un peu défaillante mais ce vin reste fin et frais, servi par une allure académique et une longueur correcte soutenue par la trame acide.
7. Clos de Tart – Mommessin 1990 :
VM17 – JP17 - LG17 – PP17
- Ce flacon au profil résolument chaleureux sent la figue, les épices, la fraise, la fourrure, la réglisse. On peut vraiment penser à une expression de grenache ou de syrah du Rhône.
- Bouche opulente aromatiquement mais fine gustativement, très corsée, plutôt svelte, capiteuse.
- Beaucoup ont pensé ici à un vin sudiste (Hermitage La Chapelle ?, Châteauneuf ?), ce qui n’est pas si anormal vu le caractère solaire de ce clos si particulier (vu aussi le millésime). Un vin de classe, équilibré malgré tout, qu’on ne peut toutefois pas placer au zénith.
8. Sancerre - François Cotat – La Grande Côte Cuvée Spéciale 1986 :
VM16 – JP15,5 - LG16 – PP16,5
- Patchwork réussi d’odeurs grasses dues à la grande maturité (rillette), de fumée, de menthol, de minéral, de citron, de citron vert (un aspect « sprite ») ainsi qu’une pointe de truffe blanche et une trace végétale. On pourra penser cette esquisse au style demi-sec provenir de la Loire (Foreau ?), de Jurançon (Clos Joliette), de Moselle ou encore d’Alsace.
- Bouche à la liqueur retenue, originale, fondue, faisant preuve de finesse et de longévité.
- Un vin d’esthète, rare, qui n’est certes pas parfait mais attachant, en raison de la nature si particulière de sa liqueur demi-sec sans concession.
9. Quarts-de-Chaume – Domaine des Baumard 1997 :
VM16,5 – JP17 – LG16,5 – PP17
- Le nez au fruité très exotique est constitué de ces notes assez habituelles de coing, de safran, de fruit de la passion, d’orange, de citron vert, de fruits confits (angélique).
- Bouche beaucoup plus identifiable que celle du vin précédent, plus convenue aussi, valorisée par des qualités de pureté et de finesse. De très beaux amers compensent astucieusement une pénalisante défaillance en acidité. Bel accord sur la rhubarbe et la grenadine du dessert.
10. Ukraine/Crimée – Massandra Collection - White Muscat Koktebel 1989 :
VM15,5/16 – JP15,5 – LG16 – PP16
- L’aspect visuel, bruni, très trouble, flouté par beaucoup de voltigeurs, n’est guère encourageant.
- Le nez, un peu étrange, juxtapose de belles senteurs : pruneau, miel, abricot, zeste d’orange, mirabelle, lavande, thé earl grey, confiture de pêche ...
- Bouche un brin régressive mais plus solide qu’il n’y paraît, faussement désinvolte, fruitée, douce, rémanente. On y devine un mutage léger.
- Certains évoquent un porto vintage (fruit), d’autres plutôt un tawny (robe orangée, rancio et patine de temps, feu alcoolique modéré). Encore une belle cuvée (culturellement connotée) produite par cette maison historique.
Conclusion :
- Un superbe repas, fondé sur une sélection de recettes de grands chefs, qui réunit des passionnés de gastronomie et de vins.
- Un haut niveau pour un amateur qui cuisine à la maison, avec des produits de haute qualité et un beau succès dans l’application plus ou moins scrupuleuse de voyages culinaires validés par des professionnels.
- On salue au passage l’investissement de Jocelyne et Pascal dans la préparation, dans la réalisation puis dans le service de ce menu.
- Le choix des vins est judicieux, souvent hors des sentiers battus (certains ne sont certes pas parfaits mais brillent par leur originalité, parfois sans concession à toute forme de canon oenophilique).