Et oui la periode hivernale et son cortege de saveurs giboyeuses touche à sa fin ... Aussi hier tel un barroud d'honneur se presentait à nous une jolie pintade farcie à l'aide des foie/coeur/gesier, qq noix, armagnac et de la mie de pain pour lier le tout. Parti à la cave avec en tete de prendre un Beaune 1997 Bouchard P&F, je tombe sur un Beaune-Bressandes 1964, plutot bon millesime, Boisseaux-Estivants Nég., de pas bien haut niveau (6 cm) acquise recemment aux enchères. Et je me dis pourquoi pas ?
Je vous raconte, mais autant vous dire tout de suite que ca n'a pas été ni un grand moment mais ni une mauvaise expérience non plus.
Au moment de l'ouverture, je tente de piquer le bouchon avec la pointe du tire-bouchon mais celui-ci (le bouchon !) tombe dans la bouteille. Panique à bord ! Sachant que les particules sur le dessus du bouchon et les odeurs de la face externe du bouchon peuvent contaminer rapidement le vin, je verse un peu de vin dans un verre pour estimer tout d'abord le nez et me donner le temps de la reflexion. Celui est tres discret, un peu aigre mais pas nauseabont. Je decide de transvaser doucement le vin dans une carafe (qu'aurais-je pu faire d'autre ?) sachant que trop d'oxygene d'un coup peut nuire au vin mais vu que le nez est moyen, cela peut aussi peut-etre aider un peu. En fait, je n'ai pas observé de reel difference entre les vins versés dans le verre avant carafage et celui ayant sejourné en carafe.
Si le nez etait plutot discret, la couleur est inquiétante tant portée sur le brun foncé, sans meme plus aucun ton, meme lointain, tirant sur l'oranger. Je n'avais jamais vu une couleur si proche du marron pour un vin, meme les banyusls gardant ces quelques traces de couleur oranger ou rougeatre sur le bord du verre. En plus, le vin semble opaque tant rien ne semble passer en transparence. En bouche, l'attaque est surprenante car il y a une certaine acidité (qui passera au cours du repas) mais ce vin porte en lui une saveur ample et de grande longueur. On pense au banyuls. Et avec la pintade accompagnée de marrons et champignons, l'accord sur les aromes tertiaires se fait bien. Plus de fruit, plus de tannins, mais des aromes variés comme un vieux banyuls mais avec davantage de legereté car avec moins de sucre résiduel, moins d'alcool (je pense que le vin restant dans la bouteille ne titrait plus les 13 degré indiqués) et une petite acidité.
Ce vin m'a fait pensé à un Fieuzal 1962 ouvert il y a quelques mois et qui avait évolué lui aussi proche du type banyuls, toujours avec beaucoup d'ampleur et une grande longueur (mais sans l'acidité). Le bouchon aussi ne tenait plus qu'à un fil. Peut-etre lui aussi avait-il subi une trop grande influence de l'oxygène venant de l'exterieur ? Cela me laisserait à penser qu'un certain nombre de vins anciens, pas tous bien sur, mais peut-etre les bouteilles ayant soufferts le plus de l'oxygene, deviennent très typés vieux banyuls. A partir de là, certes cela nivelle un peu l'origine des crus. Aussi : soit on aime les banyuls, soit on n'aime pas (comme mon épouse pour qui j'ai ouvert un Brouilly à sa demande).
Pour ma part, j'ai aimé, et tout le vin fut consommé ce même jour, ce qui est un signe.
Chevalier.