Une petite semaine de vacances au mois de mai, c’est toujours bon à prendre. Un avant goût de l’été sans la pression touristique, les routes surchargées et les plages encombrées.
Je profite donc de ces quelques jours bienvenus pour prendre la direction du bord de mer. Un séjour à Gruissan, près de Narbonne et me voilà près à reprendre mon bâton de pèlerin pour repartir de plus belle dans un exercice que j’affectionne tout particulièrement, les balades vinicoles dans ce «Magic Languedoc».
Le village de Gruissan
Mais, cette fois, mon épouse ne me délivre les bons de sortie qu’avec parcimonie
. Je n’ai droit qu’à de brèves échappés dans le vignoble. La majorité du temps se doit d’être consacré à la famille. Bon, l’humeur du moment n’est pas franchement à la négociation et je vais devoir mettre à profit ces «courts instants» afin de les faire fructifier au maximum et en profiter pour m’éclater un peu.
Domaine Bertrand Berger
Première étape au cœur du village de Paziols. La route, superbe mais sinueuse à souhait, se faufile entre les vignes et le cru Fitou dessine ses contours. La cave du domaine Bertrand Berger m’accueille pour la seconde fois cette année. J’espère alors y découvrir les vins du millésime 2003. Hélas ! 3 fois hélas ! Il ne sera mis en bouteille qu’en juin ! Je me « contente » donc du 2002, déjà goûté et déjà acheté.
Ancestrale et Mégalithes 2002 restent toujours égaux à eux mêmes. Bien faits et au caractères affirmés. Et puis, une nouvelle fois, la cuvée
Jean Sirven 2002 me démontre son grand potentiel. Plein, profond, séveux, élégant, le vin déploie toute sa magie et son élégance intense et m’incite à penser que décidément, cette cuvée se hisse régulièrement au sommet des crus languedociens.
Un peu déçu, non par ce que j’ai goûté au domaine mais plutôt par l’absence du 2003, je reprends la route en sens inverse. Je n’irai pas juste qu’à dire que j’ai perdu mon temps mais lorsque j’ai téléphoné au domaine pour prendre rdv j’aurai du me renseigner sur les disponibilités actuelles. Bah ! Le temps est magnifique, la route superbe et les vins étaient bons. Donc, les regrets s’en trouvent fortement atténués.
Domaine des Deux Anes
Les vignes du domaine des Deux anes
L’étape suivante se situe du côté de Peyriac-de-Mer, sur la route entre Narbonne et Perpignan. Le domaine des Deux Anes fait partie de ces nouvelles exploitations que je suis avec grand plaisir. Désormais, je connais la production depuis son origine avec un premier millésime en 2001. Sur place, les époux Terrier m’accueillent et c’est Magali qui conduit la dégustation. Dominique, le mari, est pour sa part plongé dans la partie administrative de la propriété.
L’entame se fait, traditionnellement, avec la cuvée d’entrée de gamme,
Premier Pas 2003. Un vin frais, aux belles notes de fruits bien mûrs, à la bouche puissante et gourmande, marqué par son millésime mais sans lourdeur ni extravagance. C’est rond et gouleyant, sur des notes aromatiques de fruits noirs, de cassis et d’épices.
Vient ensuite la cuvée
Fontanilles 2003, au nez très pur de pruneaux et de cerise à l’eau de vie. Un vin plus structuré, plus profond mais auquel il manque un peu de chair et d’allonge. En finesse, il propose une persistance fruité de bon niveau mais je lui préfère le caractère enjoué de la première cuvée.
En suivant vient
L’Enclos 2003. Le nez est discret, sur de subtiles notes de prunes, d’épices, de garrigue. La bouche est élégante, suave, sur des tannins un peu serrés mais bien intégrés. C’est rond, gras avec une puissance certaine. On retrouve les notes de fruits, d’épices mais aussi de cacao. Loin des stéréotypes du millésime, cette cuvée garde minéralité et fraîcheur et une allonge surprenante.
Enfin, nous terminons avec la cuvée
Les Cabrioles 2003, pas encore en bouteille mais qui le sera cet été. Le vin se présente bien avec la douceur de sa texture, la finesse de son grain, la souplesse, la richesse et l’ampleur d’une race distinguée. Le boisé est finement perceptible et accompagne des notes florales et épicés. Long et persistance du fruit en finale avec une petite pointe alcoolisée.
C’est l’heure du départ. L’horloge m’indique que l’après-midi est déjà fortement entamée. Le seul problème étant que je n’ai pas encore terminé, loin de là, ma petite tournée dans les vignes ensoleillées.
Château La Voulte Gasparets
Les vignes du Château La Voulte Gasparets
Je remonte en direction de Carcassonne et entre maintenant dans le petit village de Boutenac. La voiture connaît le chemin par cœur et stoppe impeccablement devant les grilles du caveau du Château La Voulte Gasparets. Un de mes crus préféré. Régularité dans la qualité, prix encore abordables, accueil très agréable... Ce domaine possède beaucoup de charmes à mes yeux.
Au sein du caveau de dégustation, la température est fort sympathique. Il fait bon et cela donne envie de découvrir la gamme 2003 du domaine.
Nous entamons la série avec le
Rosé 2004. Un vin tout en fruit, vineux à souhait, qui se tient parfaitement et assume pleinement son rôle de vin de plaisir. Gras, avec une concentration surprenante, il a sa place à table.
Le
Blanc 2004 est quand à lui encore légèrement en retrait, encore sous l’effet de la mise mais laisse découvrir de fines notes florales, de fruits blancs et d’agrumes. Beaucoup de finesse, de longueur accompagné d’une jolie persistance des arômes de fleurs. A redécouvrir d’ici 2/3 mois. Il sera parfait cet été.
Nous passons ensuite aux rouge avec la cuvée
Réservée 2004. Un vin riche et généreux, puissant et fortement marqué par la qualité de son fruité. Crème de cassis, boite à épices dominent les sensations avec une petite pointe d’acidité qui lui va bien. Homogène, long, gourmand mais encore sous l’effet de tannins assez imposants, le vin se montrera encore plus agréable d’ici quelques mois.
Pour terminer, la cuvée phare,
Romain Pauc 2003. Et là c’est un véritable régal ! La violette, les épices douces, le cuir, les fleurs des champs, les fruits noirs. C’est, au nez, complexe et généreux. La bouche est au diapason, avenante et riche. Dense, équilibrée, élégante et compacte, sur des tannins vifs et saillants, la structure de ce vin est imposante mais sans heurter la sensibilité du palais. Un peu chaude, la finale est longue sur les épices et la noix de cajou. Un vin délicieux d’ores et déjà mais qui gagnera vraiment à rester caché plusieurs mois.
Il ne me reste qu’à quitter le domaine non sans avoir pris le soin de poser quelques cartons dans le coffre. Je me promets alors de repasser cet été pour faire le plein de rosé. Actuellement, il me reste quelques 2003 auxquels il faut que je fasse un sort.
Domaine Jean-Baptiste Sénat
Un dernier domaine m’attends pour cette journée. Ce n’est pas le plus proche géographiquement parlant et sans attendre, je prends alors la direction du Minervois, quittant les Corbières et l’enchanteur de La Voulte. Le domaine de JB Sénat sera le terme de ma dernière étape. Au cœur du village de Trausse Minervois, Jean-Baptiste m ‘accueille avec gentillesse. Avec lui, je vais passer 2 heures extraordinaires ! Il n’est pas avare de son temps le JB et je l’en remercie chaudement.
Malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous narrer l’ensemble des magnifiques échanges de cette visite. Il y en a trop mais je vais tenter de synthétiser en quelques phrases l’essentiel.
Tout commence dans les vignes où JB nous conduit. Nous montons dans sa voiture et direction la sortie du village pour découvrir de VV de Grenache. A côté, dans un champ voisin, sur la droite, les jeunes vignes. A gauche, des plants de syrah, plantée en abondance dans le coin. Oh !, ce ne sont les siens mais ceux d’un autre viticulteur. JB, pour sa part, ne comprend pas pourquoi les producteurs s’acharnent à vouloir planter ce cépage sur ce terroir qui n’est manifestement pas fait pour l’accueillir. Parlez lui plutôt de Grenache, Mourvèdre, d’un peu de Carignan (mais point trop n’en faut) mais pas de Syrah. En tout cas pas ici.
A quelques centaines de mètres de là se présente le terroir de La Livinière, toute proche appellation qui concentre les « stars » du coin ». Sur les terres de JB, je me délecte en l’écoutant me parler des vignerons locaux. Et puis, devant ces terres friables et meubles, nous évoquons le millésime 2003, pas franchement à son aise sur ce terroir qui retient difficilement l’eau. Les jeunes vignes ont fortement souffert. Les VV ont mieux supportées les écarts climatiques et les t° élevées.
Nous reprenons la route et le petit chemin de cailloux et de terre pour nous diriger vers un champ en friche, terrain de futures plantations de Grenache (qui doivent être déjà plantées à cette date). Le sol est exactement le même. La parcelle embaume le thym, le romarin ... la garrigue quoi ! Entourés d’un petit bois, les plants de Grenache vont s’épanouir à l’ombre des rangés de pins aux senteurs incroyables.
Nouveau départ et nouvel arrêt, un peu plus loin. Quelques plants de Carignan poussent tranquillement aux côtés de quelques Grenache. Les notes de thym envahissent l’atmosphère, intensément. Mais l’heure tourne et il est temps maintenant de nous en retourner au caveau afin de profiter des derniers rayons du soleil en sirotant un peu de vin
.
Dans la fraîcheur du chai, nous évoquons le sort qu’a réservé JB à sa cuvée L’Enclos de L’Ane. Il a tout bonnement et simplement décidé que ce vin ne lui correspondait plus, qu’il ne lui plaisait plus, qu’il était même trop cher ( !) et a donc décidé de ne plus le produire ! Chapeau car prendre une telle décision ne doit pas être toujours le plus facile. Maintenant, il ne veut produire que des vins qui lui plaisent, à lui, proposés à un prix raisonnable (nous discuterons alors des prix de certains vins du Languedoc et du « délire » remarqué chez quelques producteurs). Des vins bons à boire à table et qui ne cherchent pas à trouver leur accomplissement dans un long vieillissement. Passionnante conversation !
Tout en continuant à dialoguer, nous nous approchons des diverses cuves qui entourent les lieux et entamons la dégustation. Je n’ai lamentablement pas pris de notes et espère que JB viendra sur LPV à mon secours (je le lui ai d’ailleurs demandé
) sur les diverses cuves dégustées.
Je me souviens de la cuve de La Nine 2004, excellent vin de soif, dense et bien en chair.
Je me souviens d’un cuve de Carignan fortement parfumée.
Je me souviens d’un Mourvèdre au top, développant des notes animales envoûtantes et très riches.
Je me souviens surtout de la cuve contenant le
Bois des Merveilles 2003. Un vin à la densité superbe, tout en profondeur, sur de très belles notes d’épices, de plantes aromatiques, de fruits noirs frais et mûrs. Sur des tannins serrés et profonds, la matière est élégante, toute en velours et en tendresse. Longue et belle finale sur des notes d’épices, de lavande et de cuir.
Au total, 5 cuves dans lesquelles nous plongerons notre verre tout en continuant à disserter gentiment (manque 1 cuve d’assemblage il me semble).
Puis, nous passons aux bouteilles avec tout d‘abord la cuvée
Mais Où Est Donc Ornicar 2004. Un vin gourmand, gorgé de fruits noirs bien mûrs accompagnés de douces notes de miel et de thym. Fondant en bouche, rond et droit, il y a du gras et du volume sur une petite astringence qui ne gâche absolument rien. Le fruit est très présent et donne des envies de croquer le raisin.
Nous terminerons la série avec
Les Arpettes 2003, au nez pur et net, de petits fruits rouges, sur des notes mentholées et épicées. La gourmandise s’installe en bouche, avec une matière ronde, dense et généreuse avec en toile de fond une acidité bien enlevée et le fruité savoureux. LE vin plaisir !
Et voilà. La première journée s’achève là. Tout en finissant de remplir le coffre de la voiture, je quitte à regret les terres du Minervois pour m’en retourner vers le bord de mer. Le soleil se fait maintenant plus discret. Il est bientôt 20h et mon estomac crie famine. Sur la route du retour, avec tout de même de sacrés images en tête (mais pas assez dans mon appareil photo que j’avais, chez JB, oublié dans la voiture
), je repense à cette extraordinaire rencontre avec un vigneron passionné.
Le lendemain, j’ai encore le droit de m’absenter. Je saurai rester plus raisonnable en terme kilométrique et me vais me contenter de cerner quelques propriétés de La Clape, ce massif montagneux toute proche de mon domicile. Et quand je dis proche, c’est très proche puisque le premier domaine auquel je vas m’attaquer n’est distant que de quelques 6 km de mon « home »
.
Des vignes perdues au cœur du massif de La Clape...en attendant le prochain CR.
A suivre donc... enfin, si vous appréciez la prose poético-vinique