Etant donné que je n'ai pas retrouvé mes notes qui doivent être restées dans la salle de l'école hôtelière (qui est fermée pour 10 jours pour cause de congé de carnaval), vous m'excuserez pour le caractère un peu imprécis de ce compte-rendu pour la rédaction duquel je n'ai pu faire appel qu'à ma mémoire...
NB : J'ai dit plus imprécis, pas plus court... (bbb)(jjj)
Avocat et crevette grise à ma façon
A vrai dire, ce n'est pas ma façon, mais plutôt celle du professeur de l'Ecole d'Hôtellerie de Florennes (accessoirement mon prof de dégustation depuis 8 ans), qui nous accueillait dans ses locaux et nous a concocté, comme à son habitude, un magnifique repas d'une grande inventivité.
Avocat et crevettes grises en purée, introduite dans des cylindres de pâte feuilletée, à déguster avec les doigts, en toute simplicité mais avec gourmandise.
Mas Daumas Gassac blanc 2001
Un vin à ce stade dominé par le viognier, avec des arômes d'abricot, d'épices et un beau côté floral. Notes empyreumatiques et belle minéralité viennent compléter le tableau. En bouche, puissance, bel équilibre sans être grandiose, car j'aurais aimé un petit peu plus d'acidité, belle longueur. Beau vin, qui a néanmoins souffert de la comparaison avec le suivant.
Château Rayas - Châteauneuf-du-Pape blanc 2000
Mon premier Rayas blanc, et ce fût une révélation ! Les notes empyreumatiques jaillissent du verre au premier nez, s'estompent quelque peu ensuite pour laisser place à un fruité exotique, ainsi qu'à de belles notes florales et minérales. C'est en bouche qu'il démontre sa supériorité, avec un volume extraordinaire, une onctuosité magnifiquement balancée par la très belle acidité, atteignant un équilibre rare pour un blanc du Sud, avec une finale d'une longueur majestueuse. Grand Vin !
Sans contestation aucune, le match est emporté haut la main par Rayas, bien que Daumas se comporte très bien à table, mieux qu'en dégustation pure.
Magret fumé et croustillant au foie gras et peau de lait
Un foie gras mi-cuit amélioré à l'armagnac, agrémenté de quelques tranches de magret fumé sur place, rien de tel pour accompagner deux très bons vins de pays…
Domaine de la Grange des Pères rouge 2000
La robe est intense, brillante, très jeune. Le nez, très mûr mais aérien en même temps, est marqué par le mourvèdre et la syrah, très peu par le cabernet. De fines notes animales accompagnent le beau fruité rouge et noir mûr et les notes épicées, minérales et empyreumatiques. L'élevage est très discret. Magnifique équilibre, du volume, du tranchant, très belle longueur. En un mot, superbe !
Domaine de Trévallon rouge 2000
La robe démontre que l'on ne se trouve pas en face d'un monstre d'extraction et que la délicatesse est recherchée. Le nez est marqué par les notes apportées par le cabernet sauvignon, peut-être un rien végétales, poivron, cassis, mûre, avec également des notes épicées et empyreumatiques. La bouche est bien équilibrée, fine, sans aspérité, de belle longueur, mais il manque un je-ne-sais-quoi qui procure les grandes émotions qu'on est en droit d'attendre pour un vin de ce prix.
A ce stade, la Grange des Pères remporte la palme pour sa complexité, sa maturité supérieure et sa longueur.
Souris d'Agneau compotée aux tomates confites sur coulis de petits pois
Pour ce match devant opposer deux vins issus de syrah, mon choix s'était porté sur des poids lourds (financièrement parlant…), avec Château d'Ampuis et Muntada. Un post récent d'Olif a failli me faire renoncer à présenter ce dernier, mais je suis finalement resté sur ma première idée, tout en ajoutant un troisième vin au cas ou…
Domaine Gauby - Muntada 2000
A l'ouverture de la bouteille, je suis assez confiant au sentir des beaux effluves fruités et boisés qui se dégagent. Mais, suivant les conseils d'Olif, je passe le vin dans ma carafe la plus évasée pour l'aérer copieusement pendant quelques heures. Après ce traitement, le côté boisé s'est très nettement atténué, pour passer quasiment inaperçu. C'est maintenant le fruité qui domine, avec un arôme très prenant de cerise rouge confite, derrière lequel les autres arômes se font très discrets. On perçoit néanmoins des notes chocolatées, épicées et florales. En bouche, remarquable finesse, très bel équilibre, belle longueur, mais le vin est encore un peu monolithique à ce stade. Je confirme donc le diagnostic de mon cher confrère, tout comme celui d'Yves, ce vin est à attendre impérativement. Mais, à n'en pas douter, il sera superbe d'ici quelques années. De là à dire que son prix est justifié, il y a un pas que je ne franchirai pas à ce stade.
Château d'Ampuis - Côte-Rôtie 2000
Assurément, le plus grand rouge de la soirée ! Ce n'est pas vraiment une surprise, bien que le millésime choisi ne soit pas des plus réputés pour l'appellation. Mais Marcel Guigal est un génie, et quand il a le contrôle total de la matière première, il ne peut produire que de grands vins. La robe est brillante, pas très soutenue, très légèrement plus évoluée que celle de la Muntada 2000. Le nez est magnifique, complexe, d'une grande maturité, aérien et gras en même temps (certains évoquent une touche beurrée au nez), avec un élevage qui, bien qu'encore perceptible, ne nous prive d'aucune autre sensation. En bouche, c'est du grand art, surtout si on se réfère à la qualité du millésime ; équilibre parfait, longueur très appréciable, soyeux de texture et toucher de bouche magiques qui sont selon moi la marque de fabrique de la maison. Une mention spéciale à Julien qui a reconnu la cuvée à l'aveugle ! Pour un prix équivalent, voilà un vin qui renvoie allègrement la Muntada à ses études, du moins à ce stade d'évolution.
Domaine de l'Aiguelière - Côte Rousse 2000
Au vu de la grande différence de prix entre ce vin et les deux précédents, on pouvait craindre qu'il ne fasse pas longtemps illusion. Et pourtant, il n'en a rien été ! Il possède la robe la plus intense des trois, un nez mûr et complexe, fruité et épicé, encore marqué par son élevage à ce stade sans doute un peu appuyé, mais de très belle qualité néanmoins. En bouche, on sent le vin puissant et extrait, mais qui a su garder une belle élégance et un équilibre de très haut niveau, tout comme une belle longueur.
Au final un vin qui, sans atteindre la grâce du Château d'Ampuis, donne actuellement plus de plaisir que la Muntada, sans néanmoins en avoir, à mon avis, le potentiel en terme de finesse et de longévité.
Croque de pommes de terre au fromage pressé et poire à la lavande
Ce beau plat de fromage tiède accompagné d'une poire cuite parfumée à la lavande allait servir de terrain de jeu à deux vins que j'avais envie de mettre face à face depuis quelques temps, tous deux composés quasi exclusivement de grenache. Inutile de présenter Rayas et encore moins Los Abuelos aux lecteurs de ce forum, Robert Creus, son géniteur, nous faisant le plaisir d'intervenir régulièrement sur le site.
Voilà sans conteste la paire de vins qui a le plus divisé l'assemblée. Je rappelle que les vins sont dégustés à l'aveugle.
Château Rayas rouge 2000
Si on s'en réfère à l'examen de la robe, le vin fait dix ans de plus que son âge. Son nez ne lui attire pas que des compliments, d'abord animal et fermé, il s'ouvre progressivement sur des arômes assez peu complexes à ce stade de fruits cuits, de cuir et d'épices. Il est néanmoins sauvé par ses qualités en bouche, qui ne sont pas des moindres : grand équilibre, soyeux de texture qui confine au gras tout en étant tenu par une belle acidité, longueur exceptionnelle, la plus grande de la soirée à mon sens. J'ai trouvé dommage que certains se soient arrêtés à la première impression donnée par la robe et le nez et soient passés complètement à côté de ce vin, le considérant comme le moins bon de la soirée, et qu'ils garderont sans doute de ce fait une mauvaise image de cette propriété. Pour ma part, je place les qualités en bouche au-dessus de toute autre considération, et sur ce point, Rayas 2000 ne m'a pas déçu.
Terre Inconnue - Los Abuelos 2001
La robe est intense, brillante, encore très jeune. Le nez est très mûr, sur les fruits rouges, les épices, les notes empyreumatiques, un peu d'écorce d'orange. Très beau. En bouche, on est frappé par une attaque légèrement sucrée, rappelant à certains le style des vins australiens. La puissance est parfaitement maîtrisée, bien mieux à mon sens que dans le 2000 ; avec un très gros volume, ce vin roule des mécaniques tout en conservant une fraîcheur remarquable qui l'équilibre superbement. Grande longueur. Du très beau travail, même si l'impression sucrée de l'attaque me dérange un peu, ce qui n'est pas le cas de la plupart des convives qui l'ont préféré au Rayas dans leur grande majorité.
Finalement, je ne suis pas certain que c'était une bonne idée de mettre ces deux vins côte à côte, tant ils ont montré deux styles totalement différents l'un de l'autre et qu'ils ne présentent finalement, à part le cépage, aucun autre point commun. Il faut noter néanmoins que 10 des 12 invités présents ont préféré le Los Abuelos au Rayas à ce stade d'évolution.
Secret passionné de fruits chahutés
Pour terminer en beauté, le maître de maison nous offre ce magnifique dessert aux multiples ingrédients, dont une boule de glace au curcuma, quelques fraises, des morceaux d'ananas enrobés de noix de coco, des raisins secs baignant dans l'alcool, une purée de mangue et de fruits de la passion, des pistaches concassées, du pain d'épices arrosé d'un sirop aromatisé au… tabac. Bravo au passage à Lab pour avoir retrouvé cet arôme de tabac à l'aveugle ! Ce petit préambule vantant la qualité de ce dessert est surtout là pour éviter de m'appesantir sur la déception engendrée par la qualité moyenne des deux derniers vins présentés.
Château Revelette - Or série 1999
Ce vin porte sur son étiquette la mention de Moût de Raisins partiellement fermenté car, à ma connaissance, il n'existe pas d'appellation pour les vins récoltés en surmaturité en Provence. Il est, je pense, essentiellement composé de chardonnay. La robe est d'un or brillant. Le nez est très miellé, assez peu complexe dans son expression, avec néanmoins des notes d'agrumes confits. En bouche, la liqueur est belle mais n'est pas suffisamment balancée par l'acidité qui fait un peu défaut, rendant l'équilibre imparfait. Une petite amertume vient gâcher la finale qui n'est pas d'une longueur exceptionnelle.
Pierre Gaillard - Jeanne-Elise - Condrieu 1997
Sur la contre-étiquette on peut lire : Vin issu de raisins séchés sur un lit de paille, sans qu'il soit indiqué Vin de Paille sur l'étiquette principale, notion qui est sans doute réservée au Vin de Paille d'Hermitage.
La robe est trouble, aux reflets ambrés. Au nez, on reconnaît le cépage par les notes d'abricot confit qu'il dégage. S'y associent des notes épicées et florales, plus sur les fleurs blanches que la violette. La bouche est malheureusement déséquilibrée par une forte sucrosité associée à un degré d'alcool élevé (16° annoncés !) sans contrepoids acide suffisant, ce qui rend le vin lourd, trop lourd pour une fin de repas. Dommage !
Ces deux petites déceptions ne nous feront néanmoins pas oublier l'excellente qualité globale des vins présentés et surtout le magnifique repas qui les a accompagnés.
A l'aveugle, les grands vainqueurs de la soirée sont sans conteste Rayas en blanc et Château d'Ampuis en rouge, à la quasi-unanimité de l'humble jury amateur présent, comme quoi les grands terroirs ne sont pas toujours perdants dans ce genre de confrontation.
Luc
Message edité (22-02-2004 20:45)