la Dépêche du 14 décembre 2004.
Mardi 14 Décembre 2004 12:00
Article paru le 14/12/2004
VIN. LE PATRON DU DOMAINE DE TARIQUET à€ EAUZE INVESTIT DES MILLIONS POUR POUVOIR MOINS POLLUER.
Yves Grassa veut ses 1.000 hectares de vigne propre
Avec ses faux airs de cosaque triomphant, chapka vissée sur la tête en ce froid vendredi de décembre, Yves Grassa fait la visite guidée de son domaine viticole… côté station d'épuration. Et c'est non sans fierté qu'il présente cet ouvrage « fabriqué en Hollande », capable de traiter les eaux usées pour l'équivalent d'une ville de 16 000 habitants. » Je l'ai acquise il y a quatre ans pour près d'un million d'euros. Elle permet en plus de produire un des gaz les plus propres qui soit : le méthane, qui me sert à réchauffer les chais. » Puis il enfonce le clou : son système renvoie une eau si propre, qu'il n'est plus tenu de payer les taxes de traitement des eaux usées. « Avant, j'avais une facture de 30 000 €. Aujourd'hui, j'y enlève près de 25 000 €. »
Ce matin-là , c'est une autre trouvaille qu'il tient à exposer : un procédé de purification totale de l'eau de mélange des produits phytosanitaires, permettant d'utiliser ces derniers de façon optimum et donc d'en réduire la quantité. Sa première rencontre avec « les jeunes de l'école d'ingénieur agro de Purpan » qui lui ont montré le procédé, a été déterminante : il s'est immédiatement lancé. « Pourtant, quand j'ai fait savoir que je souhaitais tester cette machine, j'ai reçu nombre avertissements de la part de mes fournisseurs m'expliquant que ce secteur était bardé de charlatans. » (Lire ci-dessous).
à‰CONOMIES à€ à‰CHELLE INDUSTRIELLE
Comme il n'en fait qu'à son instinct, il a suivi le conseil des jeunes. Et comme il ne voit qu'en grand, il a commandé cinq stations d'un coup, pour couvrir l'ensemble de son vignoble. Après une saison d'utilisation, l'industriel du Tariquet s'en félicite encore : « J'ai dû gagner 180 000 euros sur les pesticides alors que le procédé m'en a coûté 150 000. »
C'est que l'Elusate, âgé de 53 ans, devenu depuis 1972 un véritable magnat viticole à l'échelle gersoise avec ses 1 000 hectares de vignoble et 15 à 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, entend montrer qu'on peut être énorme et propre. « à‡a fait dix ans que je mène une réflexion globale sur la question. Je veux respecter le client, l'environnement et le patrimoine dont j'ai hérité », déclame l'homme qui a extrait, cette année encore, sept millions de bouteilles de son domaine. « Moi, je ne veux pas que les gens aient mal à la tête après avoir bu (modérément - ndlr -) mon vin. »
CHASSE ANTI-GASPI
Du coup, il mène sa chasse anti-gaspi et anti-pollution à tous les niveaux. Il remplit des poubelles de sept couleurs différentes selon le type de déchets. Il vient d'investir dans une plateforme sur laquelle passent toutes les machines pour être minutieusement nettoyées après utilisation. Il affirme privilégier les pesticides et engrais laissant un minimum de résidus nocifs, comme ces algues séchées qui fertilisent sa vigne. « à‡a m'a permis de ne plus apporter d'azote qui remplit les rivières de nitrates. Et bien, vous me croirez si vous voulez, mais les analyses foliaires démontrent aujourd'hui un excédent d'azote de 10 % à 20 % : on a relancé la vie microbienne dans les sols. »
Alors que le viticulteur compte encore augmenter sa production jusqu'à 10 millions de bouteilles par an, il remarque : « Je travaille avec des gens qui exigent des garanties, ils ne veulent pas avoir à faire face à des accidents alimentaires. J'exporte dans 49 pays et l'agriculture propre est un souci majeur de tous mes clients. »
Valérie Cueillens
Auteur du sujet
