Je m'explique (désolé si c'est un peu long).
Cette session à Hong-Kong a été un peu organisée à la dernière minute, car elle suivait de 48 heures tout le travail fait à Villa d'Este pour le Wine Symposium.
Croyez bien que pour les prochaines du même style, qui se feront l'an prochain à Shanghaï et Beijing, je rajouterai d'autres "pirates" comme Rollan de By ou Haut-Carles ou d'autres. D'ailleurs, la prochaine session du 11 janvier au Laurent verra enfin un groupe de producteurs bordelais m'ayant demandé de déguster leurs vins selon notre mode de fonctionnement. Et j'y mettrai le vin chinois SILVER HEIGHTS d'Emma Gao qui m'a impressionné lors de mon voyage à Yinchuan.
Le gros problème que j'ai, outre de trouver les financements pour les voyages et l'hôtel, est surtout d'apporter les vins avec nous. Ce qui fut fait pour Hong-Kong vu que les douaniers sont relax et qu'il n'y a plus de taxes sur les vins. Nous étions 5 das l'avion, avec 12 caisses de vins ! Il faut gérer ce supplément de bagages. Le financement de cette session a été pris en charge par la Chambre de Commerce de Hong-Kong qui nous attend d'ailleurs l'an prochain, pour une session similaire avec des crus italiens.
Si j'ai choisi encore Reignac, la raison est simplissime : est-ce que oui ou non, à Hong-Kong, on aurait des résultats équivalents à ceux de Paris au Laurent ? Cela valait le coup de vérifier, non ? En sus, là, j'avais 42 chinois (dont Bizeul qui n'est pas encore chinois) dont pas mal de pros, attirés comme il se doit par la présence de Lafite, Mouton, Montrose, les deux Pichon, LLC, Lynch-Bages, etc. Je n'aurais point choisi Reignac qu'on m'aurait questionné sur ce point. A juste titre.
Je mentionne Reignac comme "Pirate" simplement parce que dans cet aéropage de grands noms, il fait un peu désordre, non ?
GOGO :
Au sujet de la crédibilité que vous mettez en doute, gentiment (merci) : que les choses soient claires :
a : oui, je m'entends bien avec Mr Vatelot qui, quoiqu'on dise, a un vrai terroir et souhaite vraiment produire un vin d'exception.
b : oui, pour éviter tout quiproquo, je donne aux dégustateurs la liste des vins sachant simplement qu'ils sont servis dans un ordre différent, cet ordre ayant été choisi par un quidam sur place n'y connaissant strictement rien.
c : non, je ne déguste jamais lors de ces sessions et comme tout a été filmé et se trouvera vite sur YOUTUBE, vous pourrez constater de visu comment nous avons travaillé. En aucune façon, je n'ai pu influencer ou donner des indications quelconques à qui que ce soit.
Maintenant, vous pouvez toujours dire qu'on a triché en trafiquant les bouteilles. Franchement, peu me chaut.
GJE :
Ce qui était intéressant, c'était de voir si oui ou non, les membres du GJE présents sur le podium auraient la même opinion, peu ou prou, que les 42 chinois de la salle. Cela va vous paraître étonnant, mais grosso modo, les membres du GJE se répartissent comme les amateurs chinois dans leurs appréciations. Sauf un, qui, ayant reconnu Reignac, lui a mis une mauvaise note sur son nom. Il s'est fait morigéné. Comme quoi…
Et merci de ne pas me dire que ces chinois de Hong-Kong qui dégustent en une semaine ce que nous dégustons sur une année en matière de crus classés, sont de joyeux gamins à côté de nos nobles connaissances. La vraie question à poser est simplissime : pourquoi Reignac plaît - il autant ?
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'avec le temps, les grands noms émergent souvent (mais pas toujours, loin de là) avec éblouissement. Ce midi encore, au Laurent, nous avons dégusté Mouton 1990, légèrement éventé, mais dieu : quelle émotion sur ce cru !
Le gros problème dans cette histoire est qu'il n'y a pas encore assez de recul pour voir comment se comportent des Reignacs, Haut-Carles, Haut-Condissas après 20 ans : tout simplement,ils n'existaient pas : à nous d'être patients : mais, s'il vous plaît, pas de procès d'intention a priori car, faut-il le rappeler, Bordeaux en 1855 c'était un classement très limité à certaines communes et le terroir de Reignac était totalement inconnu. Or, il est évident à Bordeaux que ceux qui ont l'argent, l'intelligence, la volonté de faire "grand", s'ils ont trouvé un bon terroir : pourquoi ne feraient-ils pas un grand vin ? On a largement accepté Thunevin, Mitjavile et d'autres. Je n'arrive pas à saisir les éventuelles différences en matière de vinification qui feraient qu'à Margaux ou Lafite, on traiterait le raisin d'une façon spécifique afin qu'il explose simplement après 20 ou 30 ans.
En Bourgogne, les choses sont bien différentes tant il est vrai - avec toujours de notables exceptions - que généralement un "grand cru" d'un bon faiseur sera toujours supérieur à un "premier cru" ou à un "villages". Là, on connaît les terroirs depuis des lustres alors qu'à Bordeaux, il y a une réelle élasticité de cette notion de terroir.
Il est bien clair pour chacun que ce serait une ineptie de vouloir échanger un Reignac contre un Cheval-Blanc ! Là n'est pas le problème. La question est simplement d'accepter que nous sommes tous, moi le premier, sensible à l'étiquette et tout ce qu'elle porte de culture, d'histoire, de références. Mais qu'on accepte aussi de reconnaître qu'il y a eu de sérieux échecs sur plusieurs millésimes de ces grands noms. Il n'y a aucun automatisme entre "grand nom" et "grand vin".
Enfin, ne jamais oublier qu'à la base de nos dégustations de ce type, il y a toujours la volonté d'offrir à des noms nouveaux, la possibilité d'être confrontés, dans des conditions correctes, aux références. Au nom de quoi devrai-je m'interdire de telles dégustations ? Nous sommes les seuls à le faire à cette échelle et de cette façon (par un Jury pouvant être filmé ou vu) alors que chacun sait très bien que les revues, financées par les pubs de ces grands noms, ne pourraient pas se lancer dans ce type d'aventures sans en subir, un jour ou l'autre les conséquences.
Et qu'on me conteste mon leit-motiv habituel : "x dégustateurs (en l'occurence 42 chinois et 7 GJE) ne peuvent pas se tromper le même jour sur le même vin dégusté au même moment". Je reconnais : c'est dur à accepter, et on trouvera mille arguments (comme cela vient de se faire sur le site de Parker) pour critiquer cette vue des choses.
Permettez moi de citer ce qui est maintenant ma signature sur le site de Parker :
""Whatever is said about the necessity to avoid sometimes blind tastings, most of the time the reasons behind are simply to "protect" our tiny confidence in our own capacity to judge clearly a wine and accepting the results".