Voici le récit de la fin des vendanges sous le soleil comme le début ;-)
Lundi 26 septembre 2011
La fin de semaine a été chaude et ensoleillée. Nous sommes en conditions anticycloniques. Cette journée est à nouveau très chaude. Une vraie journée d’été.
Nous démarrons sur la Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé dans les parcelles de Pinot Blanc. Ce cépage ne peut être revendiqué en Grand Cru. Les parcelles sont conduites selon les règles des Grands Crus. Nous séparons cette cuvée : c’est le Pinot Blanc Ribeauvillé. Nous sommes surpris par le décalage entre les prélèvements des contrôles de maturité réalisés en fin de semaine et ce que nous notons au pressoir : les moûts sont plus riches que ce que nous attendions. C’est un phénomène classique qui se produit tous les ans : à partir d’une certaine date la méthode utilisée pour prélever de manière aléatoire des baies de manière à estimer l’avancement de la maturité des parcelles devient de plus en plus imprécise. En général la maturité réelle est plus élevée. Lorsque l’on arrive à ce stade, le mieux est de vendanger une partie des parcelles et de regarder ce que cela donne.
Sur la base de ces résultats, nous modifions notre programme pour aller dans les Pinot Gris du Grand Cru Kirchberg. La semaine dernière je les mesurais entre 12.5 et 13°. Il y a fort à parier que compte tenu de la remarque précédente nous devrions nous situer entre 13.2 et 13.7°. Les pépins étant bien bruns, il est grandement temps de rentrer ces Pinot Gris. La journée est ensuite passée dans les Pinot Gris en appellation Alsace. Compte tenu de la chaleur étouffante dans l’après-midi nous arrêtons la journée tôt. Le programme de la semaine nous commande en effet de préserver l’équipe : il y aura encore de rudes coteaux à grimper durant cette semaine qui arrive : Hagel, Grossberg, Kirchberg, Osterberg…
Au pressoir les moûts de ces Pinot Gris développent des arômes fumés voire épicés.
Mardi 27 septembre 2001
Il fait toujours aussi beau et chaud. Les nuits sont même très douces et de nombreuses chauves-souris se gavent des milliers de drosophiles qui rôdent autour du vendangeoir. Les températures en journée atteignent 27°C.
Pour la première partie de la journée l’équipe des vendangeurs est scindée en deux. D’un côté les « montagnards » vont récolter la parcelle du Hagel au dessus de la gloriette tandis que le reste de l’équipe se chargera de la parcelle du bas. Le Hagel se situe sur les contreforts granitiques des Vosges, sur des pentes très raides et non mécanisables sous les ruines des Trois châteaux de Ribeauvillé. La présence de granit, les sols très pauvres et les vents qui rafraîchissent ces coteaux pendant les nuits d’été confèrent au Hagel une finesse, une minéralité et une droiture exceptionnelles. Ce vin sec, pur, racé, ciselé par une acidité délicate est un véritable cru de gastronomie.
Nous changeons ensuite de coteau et passons sur le Trottacker. Situé sur des marnes argileuses et profondes, à l’Est du Grand Cru Osterberg, le Trottacker produit un vin très ample, complexe et structuré. Sa légère douceur est toujours équilibrée par une belle fraîcheur, permettant à ce vin une grande polyvalence à table et hors repas. Cette année ne fera pas exception : la majeure partie du pressoir s’écoule en effet entre 14.5° et 15°.
Enfin, pour terminer la journée, nous glissons vers un petite parcelle du Grand Cru Osterberg en Pinot Gris. Ce seront les derniers Pinot Gris pour ce millésime.
Si les vignes avaient gardé leurs couleurs estivales jusqu’à présent, nous notons depuis 2 jours un basculement vers les magnifiques couleurs automnales.
Mercredi 28 septembre 2011
Il fait toujours beau et chaud.
Nous démarrons la journée sur les pentes du Grossberg. Sur ce terroir calcaro-gréseux, exposé au sud et sud-ouest et jouxtant le Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé, les parcelles sont conduites avec de très petits rendements. Comme tous nos raisins, les Pinot Noir sont vendangés à la main et scrupuleusement sélectionnés pour leur maturité et leur parfait état sanitaire. Ils sont ensuite éraflés et foulés avant cuvaison pendant laquelle pigeages et remontages vont se succéder de manière à extraire les pigments des peaux des raisins. Avec 13.5° d’alcool potentiel sur les raisins, le vin devrait supporter le passage sous bois qui renforcera sa structure tannique.
Nous continuons ensuite sur le Rotenberg : La « colline rouge », seul terroir à calcaires rouges de Ribeauvillé, produit chaque année des vins élégants, expressifs, riches et complexes sur des arômes où se mêlent les épices, les fleurs et fruits mûrs. Cette année la parcelle est restée très saine. A la faveur des conditions météorologiques des derniers jours les quelques foyers de botrytis présents ont été stoppés dans leur développement. La progression des maturités se fait donc plus par concentration des jus des baies que par le fonctionnement de la plante.
La dernière partie de la journée est destinée à « tester » les Riesling dans les Grands Crus. Nous attaquons donc la partie basse du Grand Cru Osterberg située au cœur du Grand Cru non loin du dessableur. Nous avons bien fait. Il est en effet grand temps de rentrer ces raisins qui titrent déjà 13.5°. Aller au-delà nous exposerait à obtenir des vins déséquilibrés compte tenu du rendement des levures. En effet, n’oublions pas qu’un moût à 13.5° doit être considéré comme un moût à 14° d’alcool potentiel au minimum. Si nous ne voulons pas avoir plus de 8 g/l de sucres résiduels dans le vin, il faudra motiver les levures pour qu’elles travaillent jusqu’à 13.5°. Au pressoir les jus sont clairs, nets et semblent montrer un côté tannique. Le caractère « osseux » de l’Osterberg s’exprimerait-il déjà ? A voir…
Jeudi 29 septembre 2011
Les conditions météorologiques restent inchangées : beau temps chaud et ensoleillé. La soirée est plus fraîche que la veille. Ce n’est pas une mauvaise chose.
Comme prévu, nous terminons les Riesling sur le Grand Cru Osterberg . Il s’agit de la parcelle située à la confluence des trois Grands Crus de Ribeauvillé : Kirchberg de Ribeauvillé, Geisberg et Osterberg. Cette parcelle présente une maturité marginalement moins élevée que celle récoltée hier (13°1). Il y a fort à parier que les deux parcelles seront assemblées pour arriver à un vin équilibré. La suite est logiquement la récolte du Grand Cru Kirchberg avec ses Riesling. Les conditions sont difficiles : pour les vendangeurs il fait très chaud (ce Grand Cru est exposé vers le sud et la parcelle du cœur du Grand Cru sur laquelle nous avons nos Riesling est très pentue). Les sols sont très secs. Les évolutions du tracteur vigneron qui sort les botiches vers les remorques se font avec une grande prudence. Les raisins présentent très classiquement quelques traces de botrytis. Le cycle de pressurage choisi est donc un cycle long (12h30) et doux permettant d’extraire les jus surmûris en essayant de ne pas endommager les structures de glucanes liées au botrytis (ce qui aurait entre autres pour conséquence des soucis de débourbage et de filtration). La pression maximale du dernier cycle de pressurage est réduite de manière à ne pas extraire les derniers jus plus faibles en acidité (présence de potassium). Cela diminue par ailleurs le risque d’extraire des éventuelles amertumes qui auraient pu avoir été induites par la sécheresse du début de l’été. Les presses seront séparées et iront dans notre Edelzwicker qui donc contiendra une part issue des Grands Cru !
Vendredi 30 septembre 2011
Les hautes pressions sont toujours bien en place. Pas un nuage dans le ciel. Temps chaud (26°C).
Nous remontons sur l’Osterberg pour nous cantonner dans les Gewurztraminer. Les raisins dans les différentes parcelles sont plus ou moins attaqués par la pourriture noble. Les peaux commencent à se distendre signe du début du phénomène d’évaporation et par conséquent de concentration des sucres, des acides et des minéraux dans les jus des baies. Après un long pressurage (12h) assurant un contact long entre les jus et peaux des baies le moût est mesuré à 14.8° d’alcool potentiel. Au déchargement les marcs dégagent de beaux arômes d’épices. Ils seront éraflés et mis à fermenter. Après distillation nous obtiendrons notre Marc de Gewurztraminer.
Un tour des dernières parcelles de Gewurztraminer à vendanger nous laisse entrevoir la possibilité de récolter des raisins pour l’élaboration des Vendanges Tardives. La rosée présente sur les raisins le matin est un facteur favorable pour l’évolution du botrytis qui, rappelons le, a besoin d’humidité (mais pas trop) pour se développer. Les journées ensoleillées de la fin de semaine permettront d’assurer que ce départ de ce botrytis se transforme bien en pourriture noble.
Lundi 3 octobre 2011
Temps inchangé : beau chaud et sec. Tout au plus une petite rosée est présente au sol le matin.
Nous passons la journée dans les Gewurztraminer des piémonts de coteaux. Ceux–ci présentent quelques traces de botrytis, des baies très concentrés voire desséchées et des baies saines. Nous faisons valider ce premier pressoir en Vendanges Tardives par un agent officiel.
Mardi 4 octobre 2011
Il fait toujours beau. Les nuages sont prévus pour demain.
Nous terminons les Gewurztraminer. Le Gruenspiel et le Hagenau en matinée. Ces sols lourds permettent une belle maturation des raisins grâce à un apport régulier d’eau au cep de vignes. Nous poursuivons ensuite sous le Grand Cru Osterberg dans les Turnert. Le botrytis est présent de manière discrète mais sous sa forme noble et pure. Après une programme de pressurage combinant douceur et longueur, les moûts issus de ces raisins sont validés en Vendanges Tardives par l’ODG (Organisme de Défense et de Gestion).
La journée et les vendanges 2011 se terminent dans une petite parcelle de chasselas et autour d’un pot pris à l’ombre et au frais du vendangeoir.
Il y a maintenant près d’un mois nous plaisantions en voyant arriver le beau temps et en souhaitant (sans trop y croire) qu’il fasse beau durant un mois. C’est ce qui est arrivé. Reste maintenant à bien gérer les équilibres de ces vins. C’est tout à fait faisable et ces vins devraient ravir les amateurs de vins purs, amples et gras.
La totalité du récit avec les photos ici :
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A bientôt !
Etienne Sipp