Bonjour à tous,

J’envisage une reconversion dans le monde du vin depuis un moment déjà mais le risque lié à la consommation fréquente d’alcool me freine et m’empêche de franchir le cap.

C’est quelque chose auquel je fais très attention au quotidien dans le privé: j’ai un mode de vie très sain, je fais beaucoup de sport, ne bois presque jamais la semaine et jamais seul, mais j’ai bien peur que cette discipline indispensable soit mise à rude épreuve dans un cadre professionnel où les tentations sont constantes et où les occasions de faire des entorses au règlement se multiplient.

J’aime le vin et j’aime partager ma passion, mais je ne souhaite pour rien au monde être pris dans un engrenage où la modération n’est plus de mise et où ma santé en subit les conséquences.

Je serais curieux et intéressé de connaître votre expérience si vous travaillez dans le monde du vin. Comment gérez-vous cela au quotidien? Parvenez-vous à conserver une hygiène de vie irréprochable et à ne pas vous laisser influencer par la pression sociale?

Merci pour vos retours d’expérience!

Bonjour Bdc,

Pour être caviste depuis 18 mois, je peux témoigner que ma consommation n'a pas augmenté. Etre professionnel permet de franchir le tabou de ne pas cracher, surtout si la bouteille est chère. Finalement, avec un crachoir à portée de main et un peu de discipline, la consommation reste tout à fait contrôlée pour le foie.

Après cela dépend de la branche que tu envisages de rejoindre mais un caviste n'a pas de raison fondamentale de cracher à l'intérieur : s'il organise une dégustation, le crachoir est à portée. En salon ou événement de relation fournisseur, c'est la même chose. Un oenologue crachera évidemment (surtout qu'il paraît que les vins en prise de bois sont vraiment pas bons).

En revanche, c'est vrai que la sommellerie en restauration est nettement plus délicate puisque l'on goûte sans cracher, avec un état de fatigue nettement plus élevé et des circonstances nettement plus addictives. Mais en général, la restauration est un métier de jeunesse.

Quant à la pression sociale liée à l'alcool, autant celle-ci est très forte dans le monde estudiantin, elle est nettement plus auto-subie que réelle dans le monde professionnel et un caviste a rarement à subir le pensum de dîner d'affaires alcoolisés. De plus, un caviste travaille souvent seul dans sa boutique => zéro pression pour ouvrir une quille.

Bonjour,

C'est une question intéressante, qui fait j'ai l'impression l'objet d'une certaine omerta dans le milieu. Je ne travaille pas dans le vin mais connaît très bien mon caviste, devenu un copain, avec lequel j'ai évoqué la question il y a quelques temps.
De son point de vue, deux points :
- il est difficile de consommer modérément de l'alcool dans ce contexte
- le crachoir est ton meilleur ami, y compris, et c'est là que ça peut devenir complexe, dans un contexte de dégustation "à la cool", contexte qui peut se présenter plusieurs fois par semaines...

Si je peux me permettre, je trouve que le simple fait que tu te poses la question montre que tu as déjà fait une bonne partie du chemin dans la bonne direction. Je me reconnais dans ce que tu écris (mode de vie, sport, etc...) et aurais clairement peur de surconsommer en travaillant dans le milieu.

Edit : Sven, nos réponses se sont croisées. Toi qui travailles dans le milieu, ne ressent-tu pas l'omerta dont je parle au sujet de l'alcoolisme dans le milieu? Est-ce que c'est un sujet qui est discuté?
 

Boubzou écrit:

Edit : Sven, nos réponses se sont croisées. Toi qui travailles dans le milieu, ne ressent-tu pas l'omerta dont je parle au sujet de l'alcoolisme dans le milieu? Est-ce que c'est un sujet qui est discuté?


 

Je fais parti d'un réseau de plusieurs dizaines de cave, et la centaine de cavistes que nous sommes avons des parcours très différents. Pour moi, cette omerta me semble évidente dans le monde de la restauration où l'engrenage est nettement plus puissant, en raison du rythme intense et des circonstances qui permettent nettement moins de contrôle. Parmi mes collègues, les anciens de la restauration ont effectivement globalement une tendance à boire plus souvent.

Honnêtement, quand on est en cave, et en dehors de la haute saison, le temps de travail effectif devant le client ne doit pas excéder 10% et en général j'ouvre un bouquin, et m'occupe de mes violons d'Ingres.

 le crachoir est ton meilleur ami, y compris, et c'est là que ça peut devenir complexe, dans un contexte de dégustation "à la cool", contexte qui peut se présenter plusieurs fois par semaines...

Les contextes de dégustation dépendent vraiment de l'intensité de sa vie sociale et des cultures de groupe. Personnellement, je n'ai aucune arrière-pensée à rester à l'eau ou au jus de fruit en début de semaine quand je suis avec des amis : je n'ai rien à prouver ni besoin d'aucun adjuvant pour être à l'aise avec des gens dont j'apprécie la compagnie et que je connais bien. Mais c'est vrai que mon caractère introverti fait que je n'ai pas besoin d'être en permanence sur la brèche à voir des gens.

Ce que je peux concéder est en revanche une dépendance psychologique : à force de parler vin, ça traîne quand même beaucoup dans les pensées. Mais je trouve les conséquences physiques d'une gueule de bois tellement pénibles que je stoppe ma consommation très vite maintenant.

Pour certains, je vais me répéter, car j'ai déjà abordé le sujet dans plusieurs rubriques. Cracher est systématique au boulot comme à la maison, et si possible lors des repas avec mes amis qui ont adopté les mêmes habitudes à ce sujet. Ca n'empêche pas de prendre du plaisir et ne nuit pas à la convivialité. Au contraire, l'alcool désinhibe et vous fait dire ou faire des choses que vous ne feriez pas à jeun. Finalement, il n'y a que lorsque je vais dans des restaurants que je ne crache pas (et encore, je crache dans les restaus où je fais mes repas / dégustation plusieurs fois par mois).

Cela dit, cracher n'est pas miraculeux : tu ingères tout de même un peu de vin, et de l'alcool passe directement dans le sang via la voie sublinguale. En plus, déguster un certain nombre de vins dans une journée, même en crachant, laisse le palais et la langue dans un état "pâteux/râpeux" que je n'apprécie guère. Donc, en plus le fait de cracher, j'ai pris le principe de ne jamais boire chez moi quand je suis seul, histoire de faire des breaks. Je me sens beaucoup mieux  ces jours là à tous points de vue.

Au printemps, j'ai passé une semaine en Géorgie avec une dizaine de professionnels du vin (caviste et vignerons). J'étais de loin le plus sobre de la bande. La plupart crachaient très peu et–  apparemment en manque–  continuaient à ouvrir des bouteilles dans le mini-bus entre deux destinations. J'ose penser que la situation est paradoxalement plus grave dans le milieu "nature", car vu que pas mal estiment que leur vin n'est pas nocif, ils en boivent jusqu'à plus soif (cf des récits qui ont été faits sur les afters de la Dive). 

PS : lors de mes dernières analyses de sang, j'avais un gamma GT de 15 UI/l

Eric B écrit:

Pour certains, je vais me répéter, car j'ai déjà abordé le sujet dans plusieurs rubriques. Cracher est systématique au boulot comme à la maison, et si possible lors des repas avec mes amis qui ont adopté les mêmes habitudes à ce sujet. Ca n'empêche pas de prendre du plaisir et ne nuit pas à la convivialité. Au contraire, l'alcool désinhibe et vous fait dire ou faire des choses que vous ne feriez pas à jeun. Finalement, il n'y a que lorsque je vais dans des restaurants que je ne crache pas (et encore, je crache dans les restaus où je fais mes repas / dégustation plusieurs fois par mois).

Cela dit, cracher n'est pas miraculeux : tu ingères tout de même un peu de vin, et de l'alcool passe directement dans le sang via la voie sublinguale. En plus, déguster un certain nombre de vins dans une journée, même en crachant, laisse le palais et la langue dans un état "pâteux/râpeux" que je n'apprécie guère. Donc, en plus le fait de cracher, j'ai pris le principe de ne jamais boire chez moi quand je suis seul, histoire de faire des breaks. Je me sens beaucoup mieux  ces jours là à tous points de vue.

Au printemps, j'ai passé une semaine en Géorgie avec une dizaine de professionnels du vin (caviste et vignerons). J'étais de loin le plus sobre de la bande. La plupart crachaient très peu et–  apparemment en manque–  continuaient à ouvrir des bouteilles dans le mini-bus entre deux destinations. J'ose penser que la situation est paradoxalement plus grave dans le milieu "nature", car vu que pas mal estiment que leur vin n'est pas nocif, ils en boivent jusqu'à plus soif (cf des récits qui ont été faits sur les afters de la Dive). 

PS : lors de mes dernières analyses de sang, j'avais un gamma GT de 15 UI/l

Cracher est quand même extrêmement efficace. Le côté pâteux et la fatigue surtout lié à la dégustation est indéniable. Par contre, je trouve qu'en crachant on contrôle quand même extrêmement bien l'apport en alcool. A mon sens, c'est marginal. Je n'ai pas la discipline de ne pas boire à la maison mais forcément peu et de manière contrôlée. Après, il faut aussi être un peu lucide sur le fait qu'un abstinent va difficilement pouvoir vendre du vin

Mais donc oui, cracher est indispensable et je le fais systématiquement (de toute façon dans un salon à 150-200 échantillons, si tu craches pas...) mais pas au restaurant ou chez moi.

Comme Eric mais en consommant nettement plus, je suis au même taux

J'abonde aussi sur la team Nature. J'ai aussi remarqué dans ce milieu des consommations proprement dingues.

Ah et surtout dans ta formulation, quelque chose me gêne beaucoup. Si tu considères que ce sont des tentations, alors clairement ne te lance pas là dedans. Si tu veux que ça se passe bien, il faut que ta relation au vin et à l'alcool soit la plus neutre possible. Au sens où tu en bois parce que ça te fais plaisir mais tu peux tout aussi bien ne pas en boire. Si pour toi, ton mode de vie est un exercice de la volonté et que la consommation d'alcool a un côté interdit excitant alors je ne peux que te conseiller de ne pas prendre le risque.

 

Bonjour Benjamin,

Je pense que tu es bien au courant que je participe régulièrement à des dégustations. Mon leitmotiv est de cracher systématiquement quand il s'agit d'un cours / d'une formation, d'un salon, même lorsqu'il s'agit de grands crus. Pour les repas, dégustations avec d'autres amateurs je crache aussi mais pas forcément tout. Je m'accorde quelques gorgées qui ne représentent jamais beaucoup plus de 2 à 3 verres sur toute la durée et avec beaucoup d'eau.

J'ai une fois été contrôlé pour l'alcoolémie après une telle soirée. J'étais totalement clean pour la machine.

Quand j'ai travaillé en caviste, lorsque nous faisions des tests d'échantillons, cracher était systématique. Globalement, le milieu est ouvert sur la question.

Il m'arrive de consommer seul du vin pour le simple plaisir de profiter d'un vin avec un livre ou un film, mais alors jamais plus de deux verres et en respectant la ligne ci-dessous.

Ayant pas mal réfléchi à la question, je fais aussi systématiquement trois jours par semaine sans toucher à de l'alcool, sauf exception ( par exemple, si j'ai 5 jours de dégustations sur une même semaine, ce qui est assez rare).

Bàt.

Salut Benjamin

Mon expérience personnelle et qui peut mettre en exergue des témoignages précédents.
Ca fait maintenant 10 ans que je travaille dans le monde du vin, 7 ans en restauration, 3 ans en cave.
Comme dit plus haut, la restauration est un monde où le ou les coups de fin de service sont réguliers voire institutionnalisés. Le besoin de "décompresser" à des heures pas possible avec ses collègues après de longues journées, où la "redescente" des heures de services quand on est toujours à fond fait que l'on boit des coups.
Je pense avoir un profil sensible aux addictions ( une partie de ton message peut aussi le laisser entendre ). Je n'ai pas de honte à dire que j'ai un problème avec ma consommation d'alcool qui est trop régulière et excessive.

Cependant dans ma pratique professionnelle, que ce soit en restaurant, en cave, en salon professionnel il n'y a qu'une règle : goûter, cracher.
Cela relève d'une éthique et d'une pratique professionnelle. Cela relève aussi d'un respect envers les vignerons que tu représentes et envers tes clients.
Etre un professionnel du vin et par extension de l'alcool ne te donnes pas la légitimité d'être limite, au contraire.

Aussi je pense que l'alcoolisme dans le milieu professionnel des vins et spiritueux est un tabou.
Si tu sens que tu as des tendances addictives et que tu sens que tu risque de te laisser emporter réfléchis y à deux fois.
Personnellement je me permet de te donner un son de cloche différent de mes "confrères" qui on posté ci dessus. Il est facile de se laisser emporter (encore un fois comme dit plus haut la restauration m'a bien aidé à avoir une consommation excessive). Alors à toi de faire la part des choses.

Ceci dit si comme tu le dis tu as un mode de vie sain, pas de tendances fêtardes, une pratique régulière du sport, pourquoi ceci changerai?
Si tu réfléchis à être caviste, les occasions de t'enfiler des verres devraient être minimes. Le caviste ne passe pas ses journées à ouvrir des quilles pour faire déguster ses clients !

Cela fait peut être deux ans que je n'ai pas posté sur le forum, même si je le consulte de manière très régulière. Ton interrogation m'a touché et je voulais vraiment que tu ais aussi le point de vue d'un caviste alcoolique. Poses toi juste les bonnes questions et regardes toi en face, dans un miroir.

Bonne chance dans tes projets !

François

Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est facile de se laisser emporter. C'est pour ça qu'il faut de la discipline et pas de tendance à l'addiction.

Il est aussi clair que certains milieux sont plus risqués que d'autres. Je pense en effet que la restauration, c'est le pire. En effet le coups en fin de service, c'est un incontournable. C'est d'autant plus facile et dangeureux que tu es fatigué, a besoin de décompressé et surtout normalement tu n'as pas bu de la soirée, donc pas de fatigue du palais.

Je bosse dans l'importation et franchement en sortie de salon (quand les échantillons se comptent en centaine), tu es tellement lessivé du palais qu'il n'y a plus de plaisir possible... 

Donc je dirais en effet que le domaine est une question importante. Caviste, surtout si c'est en ligne, comporte nettement moins de risques par exemple.

Caviste, surtout si c'est en ligne, comporte nettement moins de risques par exemple.

Ca dépend si tu as du self-control ou pas. Au début, je ramenais les bouteilles inachevées à la maison que je re-dégustais chez moi, tout en les crachant. Il m'a fallu un certain temps pour comprendre que ça me provoquait des troubles du sommeil et un surpoids (car ça donne méchamment faim, de boire, même si tu craches). C'est pour cela que j'ai arrêté. J'ai rapidement mieux dormi et perdu du poids. Maintenant, soit c'est mon boss qui les boit, soit elles finissent à l'évier (on en donne aussi aux clients de passage). Je les amène également en "bonus" aux dégustations que j'organise. 

Le maître mot est discipline

C'est vrai que les restes de dégustation, c'est un danger à ne pas négliger, j'en sais quelque chose