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L'émotion, doit-on l'inhiber ou la développer ?

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Les souvenirs sont très souvent liés aux émotions. Mais les émotions masquent, altèrent ou subjuguent notre objectivité.

Avec l'âge, les émotions peuvent se diversifier, grandir et se développer. Aussi, comment rester objectif ? Les notes enregistrées il y a 10 ans, 15 ans ou 20 ans, peut-on les comparer avec celles d'aujourd'hui ?

Ou alors, doit-on éliminer toutes nos notes de dégustations ayant laissé une émotion, présumant qu'elles ne sont pas objectives ? Ne devrait-on pas aussi complèter les notes avec une description des émotions laissées ?

Par exemple :

"....avec une couleur pourpre foncée, me rappelant des rosiers observés dans le jardin royal anglais, en 1992......"

"...exhumant une odeur caractéristique que répendait le train à  vapeur de mon ami d'enfance, François, .....lors de nos vacances d'hiver en Autriche, en 1962...."

"...me rappelant le cuir des accoudoirs des fauteuils de la salle de concert de Montréal, en 1996, lors de l'Adagio du 5ème concerto de piano de Beethoven, interprèté par une talentueuse soliste costa-ricaine, aux phrasés isochroniques exagérés et qui m'avaient tant agacés..."

"... un goût minéral semblable à  celui que j'avais ressenti lorsque je m'étais si fortement heurté la tête lors d'une chute à  vélo, dans une rue pavée de Bruges, sous une pluie battante ..."



Je sais aujourd'hui (et j'y travaille), que je dois m'appliquer à  mémoriser les parfums et les fragrances, à  l'aide d'outils de référence, sans quoi je me laisse envahir par une approche subjective et trompeuse. J'inhibe par conséquent mes émotions. Mais quelle est la place laissée au plaisir ?

Et vous, qu'en est-il ?
04 Juil 2003 17:13 #1

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  • Thierry Debaisieux
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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: L'émotion, doit-on l'inhiber ou la développer ?

Pierre,

Il est vrai que les souvenirs anciens et précis de vins que j'ai en mémoire sont tous liés à  des moments d'émotion.

L'émotion d'un événement marquant de l'existence comme celle d'un moment touchant.

L'émotion a peut-être rendu les vins meilleurs, elle a permis également de les mémoriser.

On dit généralement que les seules impressions olfactives et gustatives sont difficiles à  mémoriser longtemps si elle ne repose pas sur un support.
L'émotion en est un.

Voilà  une première ébauche de réponse à  une question passionnante.

Cordialement,
Thierry
04 Juil 2003 18:30 #2

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Thierry,

Merci pour votre réponse. Je vous lis toujours avec beaucoup d'intérêt (comme bien d'autres intervenants d'ailleurs) car vos interventions sont précises, intéressantes et remarquablement formulées.

Aussi, ais-je lu que vous exercez votre passion depuis plus de 25 ans. Vos notes, relatives à  des dégustations, sont nombreuses. Vous possèdez par conséquent un recule que je n'ai pas. Vos notes, reposent-elles sur des écrits d'alors ou les relatez-vous de mémoire ? Et 25 ans après, comment les considérez-vous, sachant que votre parcours a aiguisé votre perception et élargi vos expériences ? De quelles manières vous sont-elles encore utiles ?

De plus, (et c'était ma question initiale), les émotions souvent se développant avec l'âge, comment les canalisez-vous pour vous assurer d'une objectivité lors de vos analyses ? Réfraindre ses émotions, n'est-ce pas prendre le risque de ne pas les mémoriser avec le support que vous citiez ?

Chaleureusement

Pierre
05 Juil 2003 15:13 #3

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  • Thierry Debaisieux
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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: L'émotion, doit-on l'inhiber ou la développer ?

Pierre,

Merci pour cette réponse et surtout pour votre question sur l'influence des émotions.
Je souligne à  nouveau que le débat peut être captivant et je suis surpris de ne pas voir se multiplier les échanges.
Sans vouloir faire de la psycho, on peut rappeler que les émotions ont une place centrale dans la vie psychique.
Elles sont très fortement liées aux tendances.
Ainsi, la satisfaction d'une pulsion va être à  l'origine d'une émotion dont la tonalité sera agréable, tandis que sa frustration sera source d'une autre de tonalité désagréable.
L'émotion est une force motivante puissante et les apprentissages émotionnels sont marquants.
L'émotion et le vin peuvent donc se concevoir à  deux niveaux:
- l'émotion face à  un événement marquant au cours duquel il y a consommation de vin.
- l'émotion, satisfaction d'une pulsion, celle de l'amateur face à  une grande bouteille.
Les deux types influencent ma mémoire, et ce d'autant plus que la seule mémoire des impressions olfactives et gustatives, isolées d'un support est difficile.
J'ai ainsi le souvenir précis de la bouteille de Banyuls 53 de Parcé qui m'a été offerte aux Crayères par les Boyer, le jour de mes 35 ans comme celui de ma première rencontre avec Léoville las Cases 82 lors d'une dégustation.
Pour répondre à  la question sur les notes de dégustation, elles sont, le plus souvent, le résultat d'écrits de l'époque.
Je n'ai aucun souvenir précis de la majorité des horizontales que j'ai pu faire.
Ces dégustations et leurs souvenirs m'ont permis de me faire une idée du Bordeaux et de son évolution, tant au niveau vieillissement qu'au niveau changement de style de certains vins.
Elles m'ont permis d'avoir des bases de comparaison lorsque j'ai étendu mes centres d'intérêt à  d'autres vignobles.
Elles m'ont aidé à  rester modeste face aux vins, que je refuse habituellement de noter, en me rappelant mes espoirs face à  des vins jeunes lorsque je retrouvais ceux-ci quelques années plus tard.
Elles m'ont permis de constater qu'avec l'âge et l'habitude, je deviens de plus en plus difficile.
L'émotion est maintenant, le plus souvent, provoquée par la rencontre d'un excellent vin que je ne connaissais pas...
Dernière utilité des notes sur le site: cela m'a permis de transcrire mes souvenirs sur un support facile d'utilisation et de me débarasser de vieux papiers mal écrits. :-)

Cordialement,
Thierry
05 Juil 2003 17:48 #4

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Très bonne question, et sujet passionnnant.

On ne discerne ni ne reconnaît que ce que l'on a pu ressentir dans notre existence, ces impressions olfactives, comme tu le précises Thierry doivent reposer sur un support, si différent soit-il, qu'il fût présent dans un vin et ou recherchant à  isoler une odeur, une personne voisine vous précise celle qu'elle est et tout d'un coup elle vous revient, c'était la marmelade de votre grand mère, l'odeur des chaumes après la pluie, le goût et odeur du sang qui avait rougit votre mouchoir après une querelle mal terminée avec votre cousin, l'amertume de l'olive croquée sur l'arbre et qui avait tant faire rire vos parents...au début guidé dans la recherche d'odeurs, leur donner un nom ensuite transporté par ses émotions et souvenirs.

Emotions positives ou négatives (satisfaction ou frustation cf Thierry) ce sont elles qui nous guident en dégustation, le "bon" dégustateur doit avoir une bonne mémoire olfactive, doit être AMHA sensible, car il doit justement se laisser guider par ses émotions, travailler cette sensibilité au monde extérieur.

Pour répondre à  Pierre, pour ma part je pense que les émotions se développent avec l'âge, ou en tout cas la mémorisation car j'essaie de m'appuyer sur les odeurs, de les "capter" et mémoriser, et pense que la base d'informations se crée dès le départ et que la "banque de données" se remplit au fur et à  mesure de l'existence, l'enfance restant peut être la période la plus importante car elle reste celle de l'insouciance, de la découverte du monde, de ses images et odeurs, sans objectivité ni grande réflexion, peut être la naà¯veté enfantine....alors que plus tard il y a moins de hasard, plus de calcul, dommage...

Fabien


Fabien
05 Juil 2003 19:17 #5

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