Après avoir lancé l’idée d’une soirée Wachau il y a plusieurs mois, nous avons enfin réussi à trouver une date pour réunir les motivés.
Ce qui m’a passionné dans cette région c’est avant tout la culture historique du parcellaire. Après notre soirée Barolo, je me suis mis en quête des régions et des pays qui possèdent cette culture et je me suis vite rendu compte qu’à part dans le Piémont, en Bourgogne, en Alsace, en Allemagne, il ne reste véritablement que l’Autriche.
Le line-up est loin d’être parfait : plusieurs vins sont loin de leur apogée, chez Knoll et Hirtzberger je n’ai pas réussi à trouver un beau parcellaire prêt à boire, j’aurais aimé trouvé un vin de Veyder-Malberg…. Mis à part le FX Pichler Kellerberg achetés sur Mes Vendanges, les vins proviennent du site Fohringer, que je recommande vivement. Par contre il vaut mieux échanger directement avec lui par mail car certaines cuvées ne sont dispos que par 6, et il peut rester des cuvées à l’unité qui ne sont pas sur le site.
Pour ceux qui ne connaissent pas du tout la région : en 1983 le Codex Vinea Wachau (association d’une vingtaine de producteurs au départ, environ 200 aujourd’hui) impose entre autres le respect de l’origine des raisins, la non-chaptalisation et la distinction les 3 catégories suivantes
- Steinfeder : moins de 11,5% d’alcool.
- Federspiel : entre 11,5% et 12,5%.
- Smaragd : plus de 12,5% d’alcool.
Si c’était plutôt une bonne idée au départ, les vins étant plus « lisibles » et faciles à accorder à table, elle commence à être critiquée. Le problème est que la plupart des producteurs essayent à tout prix de faire du Smaragd, et n’hésitent pas à vendanger très tard des raisins botrytisés (régulièrement à la mi-novembre). En plus de donner des vins lourds, le terroir s’en trouve masqué. Mais les Smaragd se vendent plus chers et plaisent à la critique locale, avec en tête le guide Falstaff, qui aime l’opulence, la richesse, et dont les goûts sont assez éloignés de nos palais français.
On peut ainsi distinguer des domaines qui ramassent très tard, qui recherchent l’opulence (Hirtzberger, Knoll, FX Pichler…) et d’autres qui visent beaucoup plus la tension et qui critiquent le Codex, soit sans aller jusqu’à en sortir (Prager, Alzinger…) soit en se passant du Codex (Pichler-Krutzler, Veyder-Malberg…).
Pour approfondir le sujet je conseille le numéro 107 de la revue Le Rouge et le Blanc et le site officiel de la Wachau d'où proviennent les photos :
www.vinea-wachau.at/
Place à la dégustation : les vins sont goûtés dans des Zalto White Wine. A l’ouverture des bouteilles, en début d’après-midi pour le soir, sauf pour le 1994, j’ai pu tester aussi le Zalto Universal. Si les deux sont pour moi ce qui se fait de mieux, j’ai eu une préférence pour les White Wine qui renforcent l’impression de vivacité, très utile pour les Grüner surtout, avec le côté perlant peut-être un peu plus présent. Mais surtout, les nez étaient toujours plus expressifs avec les White Wine.
Apéritif
1 Franz Hirtzberger - Riesling federspiel “Steinterrassen” 2017 :
assemblage de parcelles autour de Spitz. Couleur claire, nez expressif et élégant sur des notes de fleurs blanches, de citron vert, de fruits jaunes, ne fait pas très riesling. Bouche vive, perlante, beaucoup de fruits, d'agrumes surtout, et une finale très fraîche, désaltérante, qui donne envie d'y revenir. Belle entrée de gamme, pas très complexe, mais parfaite pour l'apéritif.
TB-.
2 Emmerich Knoll - Riesling federspiel 2016 :
assemblage de parcelles autour d’Unterloiben. Climat plus chaud (Courants froids de la forêt du Wadviertel au Nord-Ouest vs Courants chauds de la plaine de Pannonie à l’Est). Même couleur, nez plus marqué par des fruits mûrs et fruits exotiques, petite touche de pétrole, on sent un peu plus le riesling, du silex aussi. La bouche est plus mûre, moins vive, moins perlante, facile à boire car légère en alcool et fruité, mais ça manque un peu d'acidité par rapport au précédent. Ca reste néanmoins un bon petit vin d'apéritif.
B+.
Horizontale 2016
3 Hofstätter - Riesling federspiel “Singerriedl” 2016 :
sols de paragneiss (= gneiss sédimentaire) avec mica-schistes, quartzites et sables. Sols plus maigres en haut de coteau. Exposition ouest. Couleur un peu plus dorée, nez un peu réduit au départ avec un côté fumé, silex, qui devient plus léger à l'aération, moins fruité, mais plus minéral que les précédents. La bouche est perlante, vive, tendue, minérale, citronnée, un côté zeste de pamplemousse aussi et une légère amertume. Finale pas très longue, mais salivante qui donne envie d'y revenir. Un excellent rapport q/p sur ce vin à 10€.
TB-.
4 Leo Alzinger - Grüner Veltliner federspiel “Hochstrasser” 2016 :
sols d’orthogneiss (= gneiss magmatique) + limons. Exposition sud. Bas de la parcelle “Loibenberg”. Couleur claire, nez différent, on sent qu'on a changé de cépage, miel, fruits exotiques, poivre, sans être exubérant et donc jamais écoeurant. Bouche vive, perlante, minérale, où on sent que tout est fait pour garder de la fraîcheur sur une parcelle et un cépage qui pourraient vite donner un vin lourd, mais ce n'est pas le cas, on reste toujours sur une belle acidité et des fruits mûrs. Bon petit vin, taillé pour l'apéritif là aussi.
TB-.
Hochstrasser est plus ou moins dans le cercle en noir, sous le Loibenberg. Les flèches blanches indiquent le Kellerberg.
5 Högl - Grüner Veltliner smaragd “1000 Eimerberg” 2016 :
sols de paragneiss + marbre de silicate. Exposition sud. Couleur or clair, nez bien plus opulent et démonstratif, on sent le passage à la catégorie "Smaragd", très marqué fleurs blanches, un peu violette et anis le soir, comme un viognier trop lourd, plutôt sur la rose à la gewurz le lendemain, des fruits surmûris, c'est très variétal. La bouche est très grasse, opulente, mais vite lourde et écoeurante. Le seul vin de la série que je n'ai vraiment pas aimé.
Moyen.
La "montagne des 1000 seaux" : la quantité que l'on pouvait récolter sur ce "Ried" autrefois
6 Pichler-Krutzler - Grüner Veltliner “Supperin” 2016 :
sols d’orthogneiss, sables et alluvions. Exposition sud-ouest. Couleur dorée, nez très minéral avec une touche de miel, peu de fruit, pas du tout variétal, il faut aller le chercher, peut-être une pointe d'épices (safran ?). La bouche est vive et tendue pour du Grüner, ultra minérale, le cépage est complètement effacé au profiter du terroir, le vin n'est pas encore très complexe, peut-être un peu fermé pour être jubilatoire, mais il s'annonce très grand dans quelques années. Finale de longueur moyenne, fraîche, sur le miel et le minéral. Un style très convaincant, d'autant plus qu'on n'est pas sur la parcelle la plus qualitative du coin en théorie.
TB.
7 Prager (Toni Bodenstein) - Riesling smaragd “Achleiten” 2016 :
sols hétérogènes : orthogneiss sur le haut, migmatites et amphibolites sur le bas, paragneiss à l’ouest. Exposition sud-est et ouest. Couleur bien plus claire avec ce passage aux Rieslings "Smaragd", nez très élégant, pas d'hydrocarbures mais des notes florales, des agrumes, de la mirabelle, on sent qu'il lui manque juste quelques années pour développer plus de complexité. La bouche est impressionnante d'énergie, de tension, parfaitement équilibrée par un beau volume et une impression minérale qu'il n'y avait pas au nez. La finale est bien plus longue et persistante, plus saline aussi que celle des autres vins. Le gagnant de la soirée à l'unanimité, même s'il faudrait encore un peu de temps pour être qualifié de grand vin.
TB+.
La première image montre le bas de la parcelle, la seconde le haut si j'ai bien compris...
Vieux millésimes
8 Johann Donabaum - Riesling smaragd “Offenberg” 2003 :
sols de paragneiss avec dépôts de marbre et d’ardoises. Exposition sud-ouest. Couleur dorée, nez bien marqué pétrole, c'est le premier riesling aussi facilement identifiable, avec des notes de miel, de résine, de fruits jaunes. La bouche est sur la même aromatique, encore jeune pour 2003, même si le fruit a laissé place au minéral et aux hydrocarbures, seule la finale est un peu plus décevante avec une pointe de caramel et peu de longueur. Cette fois-ci on sent qu'il s'agit d'un vin "moyen" mais bu à son apogée.
TB.