Cher Eric,
Merci d'accepter le dialogue, et permettez-moi de vous répondre point par point.
> votre argumentation est
> très proche de celle utilisée par les vendeurs de
> produits chimiques.
Peut-être, mais je ne vois pas ce que cela change. Mon argumentation se veut juste un minimum scientifique, fondée sur les connaissances agronomiques actuelles, qui ne sont peut-être pas donnée négligeable comme vous semblez le croire (ou vouloir le faire croire).
Dans le même esprit, je pourrais très bien affirmer que les connaissances de la physique ne valent rien sous prétexte que les fabricants d'ordinateurs ou d'autoroutes en font usage pour leur profit...
>Je ne cherchais pas à faire
> une démonstration scientifique, simplement à faire
> part d'une observation sensitive.
C'est bien ce que je vous reproche...! Vous voulez transformer une "observation sensitive" en "fait". Pour ma part, la meilleure façon d'établir un "fait" consiste à observer avec des outils objectifs, le reste n'est que suppositions, impressions, ce qui ne signifie pas qu'elles n'ont aucune valeur, mais simplement qu'elles ne sont que ce qu'elles sont, c'est à dire des... suppositions.
>95% des
> parcelles qui nous entourent sur le terroir de
> Belesta sont visuellement identiques. Béton
> stérile sur fond de bio uniformité.
Ne m'en veuillez pas, mais je dois dire que vous êtes doué pour les formules marketing bien ficelées. Ah, c'est tellement plus facile d'asséner des "évidences" au travers de telles formules pré-fabriquées, plutôt que d'analyser et garder une certaine distance objective...
>Peut être
> s'agit il d'un déséquilibre du PH d'un excés de ci
> d'un manque de ça.
A mon avis, ce n'est pas peut-être, c'est "extrêmement probable".
Il existe un outil très valable qui s'appelle l'analyse de sol, que très peu de gens utilisent, à tort (mais quand vous arrivez à peine à survivre avec les rémunérations des coopératives, cela peut se comprendre...)
Encore une fois, avez-vous fait une telle analyse ?
>C'est l'absence de vers, d'insectes,
> d'escargots,
Le but de la lutte chimique insecticide est justement de tuer les insectes. Je ne veux pas dire que c'est forcément la meilleure méthode, mais juste qu'il est bien évident dans ce cas qu'il n'y aura plus d'insectes ou d'autres catégories proches puisque c'est le but recherché...
C'est comme quand certains nous présentent des photos de vignes désherbées à côté de photos de vignes enherbées en nous disant: regardez comme le bio est vachement mieux pour la nature... Alors que le but du désherbage est justement de... désherber !!
>c'est ce vert presque bleu des
> feuilles en octobre quand les notres commencent à
> jaunir mais sont encore efficace sur le plan
> phénolique.
Une feuille jaune a forcément une photosynthèse ralentie voire stoppée. J'aimerais bien savoir ce qui vous permet d'affirmer qu'elles sont "encore efficace sur le plan phénolique"...
Ce qui est hallucinant, c'est que si ça avait été le contraire, je vois déjà d'ici comme vous l'auriez utilisé comme argument en faveur du bio : "regardez nos belles feuilles vertes alors que les chimistes d'à côté ont déjà crevé leur vigne à moitié avec leurs feuilles toutes jaunes"
Pour ma part, il me semble qu'une feuille verte est plutôt un signe de bonne santé du végétal... Quant au "presque bleu", vous n'ignorez quand même pas que dans la région on utilise beaucoup le sulfate de cuivre en application tardive (août), justement pour "garder la feuille"...
C'est le ravinement des parcelles dont
> la dureté ne permet plus d'absorber quoi que se
> soit.
Tout dépend de la texture du sol. Par exemple, sur un sol battant, le non-travail du sol entraine rapidement la formation d'une croute de battance ; il ne fait aucun doute que ce type de sol doit être travaillé un minimum... Sur des sols sableux (arènes granitiques par ex.) c'est peut-être moins évident...
Pour ce qui est du ravinement, un sol "dur" résistera justement bcp mieux au ravinement... Il est d'ailleurs bien connu que l'abandon du désherbage sur certaines parcelles s'est traduit par une augmentation de l'érosion, par exemple vers Banyuls...
L'idéal dans ce cas est alors d'enherber, mais sur des sols très secs... c'est délicat. Reste plus, alors, qu'à remonter la terre... comme les anciens ! Quand on vend son vin 10-20 euros la bouteille, on peut peut-être se le permettre, mais pour les autres... comment on fait ?
>C'est
> aussi une façon de montrer qu'il est possible de
> faire autrement.
Bien sûr que c'est possible, et c'est tout à votre honneur ! Si on peut éviter d'utiliser un produit, c'est toujours mieux pour l'environnement, personne ne le conteste... Seulement :
1) il faudrait voir ce qui est utilisé à la place...
2) sur le plan économique, c'est bien souvent très difficile (tout le monde ne vend pas ses vins au même prix que les vôtres), et surtout l'efficacité de l'approche en terme d'environnement me paraît contestable, au moins en partie...
Pour ma part, je suis persuadé qu'il existe une voie médiane, dans laquelle on utilise au maximum les connaissances et la technologie actuelle, tout en faisant aussi bien et même souvent mieux que le bio en terme de pollution...
Un exemple simple : comparez le profil toxicologique et écotoxicologique du sulfate de cuivre et du métirame (les 2 sont utilisés entre autres contre le mildiou).
extoxnet.orst.edu/pi...
extoxnet.orst.edu/pi...
Enlevez le nom de chaque produit, et dites-moi lequel vous préféreriez utiliser compte tenu de ces données. A noter que le cuivre est classé I (highly toxic) et le métiram classé IV (la classe la moins toxique).
En terme d'écotoxicologie, le cuivre est également nettement pire : très toxique pour les poissons, dangereux pour les abeilles, les moutons et les poulets (?), et, très intéressant, toxique pour la faune du sol, en particulier les vers de terre ! ("Most animal life in soil, including large earthworms, have been eliminated by the extensive use of copper containing fungicides in orchards")
Quand au métirame, il est peu toxique pour les poissons, non-toxique pour les abeilles, et se dégrade très rapidement, contrairement au cuivre qui, en tant qu'élément, ne peut que persister indéfiniment...
Si à celà vous ajoutez que le métirame s'utilise à dose plus faible que le sulfate de cuivre, pour moi, la conclusion est claire... Toxicité intrinsèque moindre + dose moindre, je vois mal comment on pourrait préférer le cuivre...
Si le cuivre était un *nouveau* produit de synthèse, je me demande même s'il obtiendrait son autorisation de vente aujourd'hui, compte tenu de son très mauvais profil...
Et pourtant, le cuivre est pratiquement le seul fongicide anti-mildiou autorisé en bio...
>Ce que je voulais surtout dire
> c'est qu'il est plus important pour nous que les
> animaux ou les enfants de vin100 ou les miens
> préfèrent les fruits et légumes bio que de savoir
> s'il reste une molécule de round up dans les
> bananes que telle compagnie transnationale à
> produit en intoxicant ses employés.
"L'étude" sur les animaux qui préfèrent les légumes bio, je demande à la voir...
Sinon, en général, la principale différence entre légumes bio et non-bio est la teneur en eau... Les légumes bio sont moins gavés de flotte, et sont donc plus savoureux...
Après, il y a les conditions de conservation (les légumes bio sont souvent distribués en circuits courts : meilleure fraicheur ?), le degré de maturation à la récolte (les légumes industriels sont systématiquement récoltés en sous-maturité, ce qui forcément les rend moins bons, c'est comme pour le vin), les variétés cultivées (en industriel, on privilégie exclusivement les variétés à haut rendement ; là encore c'est comme pour le vin, ça ne peut qu'être moins bon), etc.
Contrôlez toutes ces variables, refaites la comparaison bio/non-bio, et revoyons les résultats...
>Bien sur les
> industriels n'ont jamais dit qu'il fallait
> désherber au canon.
Effectivement !
> C'est ce que nous observons de l'autre coté du
> vallon quand nous terminons nos labours à la mule.
> Dans une régions aux 200 jours de vents.
En principe on ne désherbe pas quand il y a du vent, surtout au canon... Même le dernier des inconscients ne le ferait pas, son désherbage serait totalement raté !
>Pas
> étonnant que l'on ne retrouve plus une mollécule
> de produit dans le fruit. Elles sont dans la
> garrigue, les champignons, les asperges sauvages,
> les mures.
Je suis désolé, mais là c'est quand même de la science-fiction.. Si le fruit, ou la plante qui le porte, qui ont reçu les applications de produit en première ligne, n'ont plus de résidus à la fin, ce n'est pas la garrigue à 500 m de là qui risque d'en avoir plus !
Il peut y avoir lessivage de substances dans le sol, vers le bas (et à ce moment-là c'est surtout les nappes phréatiques qui dégustent), mais autrement comment voulez-vous que le phénomène que vous décrivez se produise ? Ce n'est pas le vent, une fois la substance appliquée, qui va l'enlever pour l'amener ailleurs !
>Vous avez sans doute raison au sujet de
> l'acidité des sols
Je suis content que vous le reconnaissiez... Alors, vous allez cracher le morceau ? Elle disait quoi, votre analyse de sol ?
Et surtout, avez-vous chaulé ?
(pour info, j'ai une parcelle sur Cassagnes - vers Cuchous - qui a été analysée à pH = 4.76 ! je ne vais sûrement pas m'étonner après cela qu'il y ait peu de vie dans le sol... malgré tout, ça n'empêche pas le vin d'être bon...)
Bien cordialement,
Bruno Spagnoli