Visite au Domaine Possa – Cinque terre
Et voici le troisième et dernier épisode.
Quelle rencontre ! Voilà un homme vrai, un passionné (comme très souvent avec les bons vignerons) mais aussi modeste, fou de travail et toujours en quête d’innovations.
Samuele « Heydi » Bonanini nous accueille dans sa salle de dégustation-caveau creusée dans le roc qui est située au rez-de-chaussée d’un immeuble du centre de Riomaggiore !
Le lieu est incongru et fouillis mais simple, comme le bonhomme.
Heydi a commencé avec très peu de vignes, juste au-dessus de la mer, au sud-est de Riomaggiore, et c’est ce lieu-dit qui a donné son nom au domaine. Celui-ci s’est peu à peu agrandi mais il ne dispose actuellement que de 4,5 ha. Il est le seul à avoir planté de la vigne sur la petite île de Parmaea, en face de Portovenere, le très beau village au sud-est des Cinque Terre. Le travail y est certes plus simple car le terrain est peu pentu mais le temps passé pour s’y rendre est très long (voiture, parking peu aisé puis bateau…).
Il est adepte de l’agriculture biologique, sans en revendiquer le label, mais surtout des vins nature.
Toutes les bouteilles avaient été ouvertes la veille mais aucune n’était altérée.
Malheureusement plus de Cinque Terre à la dégustation ni à la vente, le domaine étant victime de son succès…
Vino bianco da tavola – Er Giancu – 2018
Il s’agit d’un assemblage de 80 % d’albarola et de 20 % de bosco, issu de vignes situées à une altitude entre 300 et 400 m, ce qui convient bien à l’albarola. Le bosco, cépage emblématique des Cinque Terre, préfère les altitudes basses et donne des vins très colorés. Après une macération pelliculaire de quelques jours, la fermentation s’est déroulée pendant 25 jours en cuves inox et l’élevage a eu lieu dans différents contenants, variant par leur nature (inox, fûts de différentes essences) et leur taille. Il n’y a aucun rajout de soufre (seulement 13 mg / l naturels), ni collage ni filtration.
Le vin est très aromatique, sur la pomme et la poire, au nez comme en bouche, celle-ci faisant preuve d’un bel équilibre entre gras et tension, et d’une finale finement salée.
Bien +(+)
Vino bianco da tavola – Parmaea – 2018
La vigne est orientée nord, ce qui permet d’équilibrer le climat chaud et l’altitude inexistante. Les terroirs sont très variés sur une très faible surface, ce qui a conquis Heydi, à la recherche de complexité. L’assemblage se compose de 60 % de vermentino, 20 % d’albarola et 20 % de trebbiano (cépage notamment de Toscane).
La macération avant fermentation n’a duré que 24h car le vermentino n’accepte pas les macérations longues, et un très léger apport de soufre (35 mg / l) a été réalisé car c’est le premier millésime de Heydi qui veut acquérir de l’expérience sur ce nouveau vin avant de se lancer dans le « sans soufre ».
L’aromatique est tout aussi intense, mais plus florale, et la bouche très précise est dotée d’une forte minéralité, bien prolongée par une belle salinité.
Bien ++
Vino rosato da tavola – Rosé d’Amour – 2018
Un beau clin d’œil à la France ( !) pour ce rosé de presse mais à la robe profonde car le cépage principal (lequel ?) est à jus noir.
Le nez surprend par ses arômes fumés et ses notes animales, la bouche est plus élégante tout en affirmant une belle personnalité.
Un rosé de gastronomie, ce que Heydi confirme.
Bien (+)
Vino rosso da tavola – U Neigru – 2018
L’assemblage est réalisé à parts égales entre deux cépages locaux, le canaiolo et le bonamico. Il me plait de penser que le premier a un petit côté « canaille » et le deuxième un petit côté « bon ami », donc amical, l’assemblage devant forcément aboutir à un équilibre remarquable !
Après cinq jours de macération puis la fermentation alcoolique, le vin est élevé six mois en barriques de châtaignier et enfin deux mois en cuves acier.
Le superbe nez porté sur les fruits noirs est complexifié par des touches florales et épicées.
La bouche est à l’avenant, à la chair pulpeuse, aux tanins arrondis par l’élevage et, seul regret, à la finale un peu courte.
Bien ++
Samuele « Heydi » Bonanini explique que les vignerons des Cinque Terre ont toujours réservé leurs moins beaux terroirs aux cépages rouges car il n’y a pas d’appellation en vin rouge. Mais lui préfère réaliser de bons vins rouges sans appellations et il les a plantés sur de bons terroirs adaptés. Il est maintenant suivi par d’autres et pense qu’une appellation Cinque Terre en rouge pourrait être obtenue d’ici quelques années.
Vino rosso da tavola – Vin dei Vicci – 2018
Il s’agit d’un « ripasso », technique de vinification similaire à celle utilisée pour les Amarone della Valpolicella. Après fermentations alcoolique et malolactique et élevage de deux mois en cuves, on rajoute le moût des raisins ayant servi à réaliser la sciacchetrà pour lancer une deuxième fermentation et on laisse trois mois le vin en contact avec ce moût, toujours en cuves. Cela donne un vin plus fort en alcool (ici 15,5 ° contre 14 ° pour le rouge précédent), avec un peu de SR (5 g / l dans ce vin, mais non perçus).
La robe est très sombre et aux reflets nettement violine.
Le nez combine puissance et finesse, fruits noirs, chocolat et épices.
La bouche est bien tendue, ce qui équilibre l’alcool, mais plus austère en raison de tanins encore assez rugueux.
A attendre, mais avec un beau potentiel.
Bien (+)
Vino bianco da tavola – U Stragnu – 2018
Le nom de la cuvée signifie « l’étrange » en patois local.
Il s’agit d’un vin passerillé, comme la sciacchetrà, mais à partir d’un assemblage pour moitié de uva regina (souvent utilisé comme raisin de table) et pour moitié de muscat. Après trois mois de passerillage, seuls les meilleurs grains sont conservés pour 28 jours de macération et de fermentation en cuves avant l’élevage en différents contenants.
Le nez très aromatique offre des fruits confits, du miel et des raisins secs.
La bouche possède beaucoup de gaz (le muscat repart en fermentation en bouteille car il n’y a pas de blocage par du soufre), ce qui allège la sensation de sucre (120 g de SR à la mise en bouteille mais environ 100 g lors de la dégustation ?) mais produit un vin étonnant. La très belle acidité contribue à l’équilibre d’ensemble et à l’allonge.
Bien ++
Sciacchetrà – 2017
L’assemblage comprend 80 % de bosco et 20 % de rossese blanc.
Le processus d’élaboration est le même que pour le U Stragnu, mais l’élevage est plus long, un an en jarres.
C'est dans la même salle qui sert de caveau et de salle de dégustation que les plus grosses grappes sont accrochées à des chaines et pendent au-dessus des têtes pour le séchage. Cela doit être intéressant de déguster à l'automne !
La robe est vraiment très ambrée.
Le nez est puissant et complexe, dévoilant tour à tour raisins secs, épices, fruits confits, coing et miel.
La bouche réussit un équilibre somptueux entre richesse sucrée (165 g sur ce millésime, d’habitude environ 140 g), acidité magnifique et sapidité jouissive, le tout sur une persistance superbe.
Un grand vin de méditation.
Très Bien ++ / Excellent
Un grand merci à Samuele – Heydi qui a pris le temps de nous accueillir longuement et de répondre à nos questions. Ce fut un moment très cordial et très enrichissant !
Jean-Loup