Discussion surprise dans un café enfumé, un lundi matin. Retranscription laborieuse, mais la plus fidèle possible.
Cordialement
Frédéric
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- Lui: Alors il paraît que tu as bu du vin, vendredi passé?
- Satristim: Décidément, on ne peut rien te cacher.... C'était une horizontale de Côtes de nuit 2001.
- Lui: On ne me convie pas, moi, à vos sauteries, mais j'ai toujours des échos en primeur. Alors, tu as enfin effleuré du bout des lèvres la transcendance du pinot noir?
- Satristim: C'est pas vrai, tu vires mystique maintenant!
- Lui: Du tout, je suis un indécrottable républicain. Mais le pinot, c'est du vin, et cela me fait flancher.
- Satristim: C'est ça, tu te la pètes herméneute du pinot, et tu vas me faire la morale encore...
- Lui: tu aimes tremper les gencives dans du bois, alors oui, je vais pas me priver de te remonter les bretelles.... Par quoi vous avez commencé?
- Satristim: les débuts furent laborieux, à croire que cela était intentionnel. Je me suis dit, DJ Frank nous teste... Imagine un vin qui a un joli nez (de cerises, oui pardonne-moi....), un chouia animal et une bouche anguleuse mais trop acide. Le tout se terminant dans une finale peu mûre... Bof... Pas de quoi s'extasier devant ce Givry 1er cru de Joblot.
- Lui: Comme tu es superficiel, tu t'es demandé d'emblée ce que tu foutais là!
- Satristim: Exactement...
- Lui: Et après, ce fut au tour de l'artisan-pâtissier?
- Satristim: Comment tu sais? A ce stade, en tous cas, c'est pas très flatteur... Ni très avenant, peu de fruit. C'est un NSG 1er Cru Les Argilières de D. Laurent. Et je me mets à espérer que les Gervrey 05 que j'ai achetés en primeurs feront meilleure figure.
- Lui: tu es impatient...
- Satristim: Je te fais grâce du Guyot, Gevrey Chambertin 1er Cru "Les Champeaux", cela manque de grâce et c'est pas très mûr. Je tombe alors sur un Gouges, Un NSG Les Pruliers, et rebelote, nouvelle déception pour moi.
- Lui: C'est un vin de cistércien, normal que tu passes complètement à côté.
- Satristim: Ce qui est sûr, c'est que c'est trop cérébral pour moi. Le nez est bel et bien dense, mûr, sur la cerise noire. En bouche, c'est tendu, sur la prune, le noyau de cerise avec des notes réglissées. La finale est relevée par du poivre blanc. Mais si je suis sincère, cela ne me cause pas...
- Lui: Tu te morfondais sur ta chaise, à ce moment là.
- Satristim: Oh oui... Je me suis dit que je devais expier de toutes mes âneries proférées sur LPV... Mais c'est alors que j'ai goûté un vin assez stimulant... Sacré Frank, il avait bien préparé le terrain. Le nez est d'une jolie fraîcheur, sur la cerise, le kirsch, et cela palpite en bouche. La texture est belle, soyeuse, la matière est très équilibrée. C'est un Gevrey Chambertin 01 Clos St Jacques de Sylvie Esmonin.
- Lui: Tu vas faire saliver Nidal...
- Satristim: Attends, il a pas bu la suite... Là, j'ai été littéralement conquis, et à l'aveugle. Le nez est plus évolué, animal, avec des petits fruits rouges qui déboulent et un fumé assez envoûtant. L'attaque est douce et fondue, bifurque sur la griotte. Il y a beaucoup de matière dans ce Gevrey Chambertin 1er Cru Lavaux St Jacques de Denis Mortet. C'est un vin ciselé, épicé avec douceur, à l'élevage précieux. C'est opulent et superbe.
- Lui: Et moi qui essaie de te faire découvrir des vins droits...
- Satristim: Tu es minimaliste, c'est tout... Moi, j'aime parfois l'exubérance, dans les vins...
- Lui: Et sur Dugat-Py (Gevrey Chambertin 1er Cru Lavaux St Jacques) tu vas ramener ta fraise?
- Satristim: Je vais me priver, tiens... Tu sais, j'ai goûté ce vin, et je n'ai même pas pensé à un Bourgogne.C'était dense, très dense, sur le cassis, avec un finale épicée. Et franchement, ce n'est pas ma tasse de thé.
- Lui: Normal, tu comprends rien au vin...
- Satristim: C'est vrai, j'avoue. Mais tiens-toi bien, j'ai adoré ensuite le Roumier. Un Chambolle Musigny 1er Cru Les Cras qui m'a renversé. Un très joli nez, panier de fruits rouges, avec des notes de groseilles. C'est rond en bouche, de la fourrure, avec une finesse de grains magnifique. Tu fermes les yeux, et tu as le palais qui se remplit de petites cerises...
- Lui: Quelque chose me dit que le Bruno Clavelier ne t'a pas trop parlé.
-Satrsitim: Je confesse que oui. C'est trop nerveux pour moi. Je passe mon tour sur ce Chambolle Musigny 1er Cru La Combe d'Orveaux. Je goûte alors pour la première fois un Méo-Camuzet, Vosne-Romanée 1er Cru les Chaumes. La matière est très équilibrée, une finale épicée, sur le poivre noir, avec une légère amertume et un peu de moka. C'est à la fois dense et fin, mais je me rends compte que j'en garde peu de souvenirs prégnants.
- Lui: Tu sentais pourtant confusément que le pinot avait quelque chose de magique?
- Satristim: Ecoute, je redécouvrais les Bourgognes, c'est vrai. Je savais que je pouvais aimer les Côtes de nuit, mais là, cela devenait presque une initiation... Je saisis le verre suivant et j'hume un nez dense, pulpeux, sur la cerise (sourire)...Un joli fruit sublimé par une finale minérale... J'ai aimé cette attaque nette, ce vin ciselé qui délivre des arômes de cassis et offre une matière dense et serrée. Même la finale anisée m'a surpris. C'était une Vosne Romanée 1er cru Les Beaux Monts de Jean Grivot. Je reprocherais juste à ce vin une sorte d'indécision, entre classicisme et modernité. Choisis ton camp, à la fin....
- Lui: Moderne, Moderne, c'est ça ta came?
- Satristim: Je confesse que j'ai beaucoup aimé le vin suivant, une Chapelle Chambertin Grand Cru de Pierre Damoy. C'était très flatteur, intense, comme vin, avec un nez à la fois animal et fruité, qui délivre des notes toastées et fumées. Même des fleurs fanées... L'attaque est fine, tout en douceur, avec une densité équilibrée, et des arômes de petites fraises écrasées. C'est capiteux, soyeux, cela donne envie de le boire en tête à tête... Et quelle longueur...
- Lui: Si je comprends bien, c'est à ce moment que vous opérez un tournant dans votre soirée de happy few...
- Satristim: Tu l'as dit bouffi... Ensuite, c'est un nez d'une finesse magnifique, floral, qui envoûte les sens. Après une attaque douce, mais nette, on découvre un vin qui est tendu, sur le fil, et prend possession du palais sur sa longueur. C'est d'une délicatesse stupéfiante. Et c'est un Ruchotte-Chambertin Grand Cru Clos les Ruchottes de Armand Rousseau. Le plus délicat des vin bus ce soir là...
- Lui: Tu décides alors de te convertir...
- Satristim: Presque... D'autant plus que l'on me sert un Clos des Lambrays Grand Cru, d'un nez d'une finesse... En bouche, c'est suave, sur les bois nobles et la tarte Tatin, mais cela reste quand même un brin contrit. A attendre... C'est alors que je goûte un vin vraiment magnifique, un Clos de Vougeot Grand Cru Vieilles vignes. Le nez est stupéfiant, sur le cassis, le floral, avec un équilibre magistral. La palette aromatique est assez extraordinaire, et ce vin séduit par sa fraîcheur. C'est croquant, dense et délicat. La texture est soyeuse, mais reste en finale minérale. Je suis conquis.
- Lui: Et le dernier?
- Satristim: Devine, c'est impérial. Les mots manquent, à ce stade. Ce n'est plus la transcendance du pinot noir, mais son indicibilité. L'équilibre est phénoménal, le fuit magnifié, la tension sublime. Une superbe synthèse entre rondeur et puissance...
- Lui: Je parie que c'était un Clos de Tart!
- Satristim: Toi, tu aimes prendre des risques, non?