Vous est-il arrivé, alors que vous finissiez une bouteille parce qu'il en reste trop peu pour la garder jusqu'au prochain repas, d'être surpris (agréablement bien sûr !) par l'accord qu'elle donne avec un plat dont vous n'attendiez rien à priori ?

C'est ce qui s'est produit hier soir pour moi, avec un fond de Cornas 1999 "Reynards" de T. Allemand que nous avons bu sur des figues fraiches.
J'ai d'abord été surpris par l'évidence de l'accord des arômes. Mais ce n'était rien face à l'incroyable harmonie qui naissait de la rencontre des textures, celle du vin, (épaisse mais pas lourde, grenue mais veloutée à la fois) prolongeant celle du fruit comme s'il s'agissait d'un seul et même aliment!

Une expérience certainement unique (non reproductible) mais qui permet de poser des jalons pour des recherches d'accords futurs !

Cordialement,

Passetoutgrain

Merci Passetoutgrain pour cette contribution. C'est extrêmement intéressant, pas forcément si inattendu. Belle description de l'accord et effectivement, cela donne des idées pour de futures compositions.

Jean-Philippe Durand

Il arrive parfois, lorsque des accords sont complètement fusionnels, qu'en mangeant, on a l'impression de boire le vin, et qu'en buvant, on a l'impression de manger le plat.
C'est impressionnant quand l'un est l'autre, comme vous l'avez ressenti.

Souvent aussi, quand le mariage est parfait, l'image qui me vient, c'est que le vin est la "photocopie" du plat et le plat la "photocopie" du vin.

Hier soir (je raconterai le dîner), j'ai sorti une bouteille qui fait partie de celles qui me donnent de loin le plus de joie : une bouteille de contenance 1 litre, avec des étoiles gravées dans le verre à moitié de goulot, pratiquement pas de cul. Une capsule d'un rouge criard sur laquelle on lit, gravé : "cave" "Maury" et peut-être "vignerons".
L'étiquette est complètement en lambeaux (moins de 2% subsistent) et la haute étiquette porte un seul nom : "rancio".
Je date le tout vers 1945, à dix ans près.

Sur un gâteau au chocolat de type tarte, accompagné de griottes légères, l'accord est complètement fusionnel.
J'adore ces bouteilles qui sont des énigmes, surtout quand c'est immensément bon.
Et la griotte, on ne savait plus si elle était dans le chocolat ou dans le vin.

Pierre Citerne écrivit ceci sur ce vin qui m'est resté en mémoire :

Cornas – Thierry Allemand – Reynard 1999 :
PP17 – PC17,5 – LG17 – JP17
Encore une robe très dense. Premier nez fermé, farouche mais extrêmement profond : du zan, de l’encre - avec une céleste floralité de violette en filigrane ; l’aération lui permet de déchaîner un fruit minéral, violent, primordial : cassis, sang, granit chaud, viande boucanée… Très dense dès l’attaque, très présent, vitalité sanguine irrépressible. C’est certain, il y a moins d’urbanité ici que chez Chave ou Jamet : le fruit est plus mûr, plus chaleureux que ceux des deux autres rhodaniens (mais la colonne vertébrale acide est très solide, pétulante), les tannins sont plus sauvages, les arômes plus véhéments - et c’est justement cette admirable violence qui fascine les admirateurs de ce vin.

Alors sur un tel vin, un accord en ressemblance ou en différence me paraît bien ...
J'aurais juste un peu la crainte que le fruit sucré et doux des figues de mon jardin desserve cette expression sèche (non sucré) et sauvage.

Ce Cornas semble s'être assagi depuis ce CR de Pierre Citerne (je précise aussi qu'il a été ouvert 3 bonnes heures avant le service); je l'ai trouvé pour ma part plus minéral que sauvage et certainement pas sec mais au contraire très suave malgré sa texture accrocheuse, grenue, violente en effet (le terme me plaît bien !)

Passetougrain,

Attention, je ne dis en aucun cas que le vin souffre de sécheresse. Juste qu'il n'est pas sucré !

Admirable violence ... pour la paradoxe.
Et vous avez bien fait d'aérer longuement ce vin remarquable.

Samedi soir à l'apéro, je sers un Vouvray moelleux 1996 de Foreau et un Vouvray moelleux 1996 "Le Haut Lieu" de Huet.
Un peu pris de court pour préparer des amuse-bouche adaptés, je me rabats sur des fruits séchés, solution un peu passe-partout mais qui ne produit pas de miracles cette fois.
Les fruits séchés étant vite épuisés, je n'ai plus que des pistaches à offrir, j'ouvre le paquet sans trop y croire...Et là, surprise, miracle, enchantement!
Le parfum légèrement épicé des pistaches s'accorde parfaitement au citron vert du Vouvray alors que la chair dense mais assez neutre du fruit révèle toutes les nuances minérales du vin!

Voilà un plaisir bien facile et pas "prise de tête"!

Cordialement,

Passetoutgrain