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trois expériences de vins et harmonies

  • François Audouze
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trois expériences de vins et harmonies a été créé par François Audouze

Sur une colline de Carqueiranne où les maisons en surplomb encastrent bâtiments et piscines à la façon d’un puzzle, une immense maison d’une architecture épurée attire le regard. Une terrasse de 36 mètres de long sur 5,5 mètres de large offre une jolie vue sur la baie de Carqueiranne et la presqu’île de Giens. Trois immenses pièces d’un are chacune sont d’une rare beauté. Nous somme accueillis par le maître de céans de cette table d’hôtes, ancien membre de l’équipe de France de rugby qui me rappelle des personnages de bandes dessinées de ma jeunesse. Double mètre, carrure à apeurer les taureaux de combat, bras interminables comme son sourire avenant. Notre table jouxte une piscine intérieure et la vue sur mer est totale, car la terrasse n’a pas de rambarde. Notre hôte s’assied gentiment à notre table pour nous expliquer le mode d’emploi. Ni menu ni prix annoncés, cela impose un acte de foi. Il sera récompensé.
On sent que la place n’a pas le culte du vin, mais on cite deux ou trois champagnes. Je retiens Cuvée Laurent Perrier Grand Siècle dont les deux bouteilles que nous boirons avec bonheur nous rappelleront celles que nous ouvrons à moins d’un kilomètre de ce lieu. Les petits alevins de rougets absolument délicieux font briller le goûteux champagne, plus ébroué que celui de la maison. Mais c’est sans doute l’atmosphère qui veut cela. Dans ses bras puissants, le cuisinier colosse nous apporte un poisson « denti » oserais-je dire « dents de scie » qui ferait passer un mérou pour un gringalet, dont il nous suggère la dégustation, et vient à notre table trier les langoustes que nous mangerons.
Les alevins de rougets reviennent à profusion. Une assiette copieuse de calamars et seiches préparés de trois façons est sans doute la meilleure préparation de calamars et seiches que je n’aie jamais mangée. Une franchise de goûts succulente. Un Château les Valentines, Côtes de Provence 2004, qui ne prétend pas nous subjuguer, va trouver sur les chairs de ce plat un tremplin inespéré.
Les langoustes saisies au gril ont une chair irréellement blanche. La cuisson parfaite à la seconde près décuple notre plaisir. Sentant que peut-être nous aimons le vin, notre rugbyman apporte un Domaine de l’Eglise Pomerol 1998, cadeau qui lui avait été fait, dont nous saurons plus tard que ce fut aussi un cadeau de sa part. Le vin est délicieux, franc, à peine un peu moderne pour moi. Sur la langouste et sur le « dents de scie », c’est exactement ce qu’il faut.
Dans une architecture simple mais immédiatement sympathique, face à un panorama grandiose, un cuisinier sportif de haut niveau à la chaleur communicative rayonnante, approvisionné de ce qui se fait de mieux en produits de la mer, pratiquant des cuissons justes, nous a fait passer une mémorable soirée de plaisir.

Quel contraste le lendemain ! Car au spontanéisme de la table d’hôte succédait l’une des institutions de la côte méditerranéenne : le Petit Nice à Marseille. La mer, à Marseille, a des couleurs inimitables. Les rochers dénudés, polis par le vent, remués par des cataclysmes sismiques qui ont formé les calanques, caressent l’œil de leurs couleurs de chaleur. Sur les rochers du Petit Nice, telles des otaries profitant du soleil souverain, des agrégées ès crème solaire dénudent des chairs noires comme des toasts brûlés. De minuscules bouts de ficelle, sensés représenter un code de décence dont la convention apparait fort symbolique, sont le seul moyen de différencier ces beautés héliotropes. Une coupe de Dom Pérignon 1998 bue sur la terrasse près de la piscine accompagne avec intérêt – là aussi, atmosphère, atmosphère, je le trouve plus goûteux qu’à la maison - des entrées fort intelligentes et habiles qui sont une carte de visite de l’univers de Gérald Passédat dont j’approuve de plus en plus l’orientation de sa création.
Les amuse-bouche sont légers et goûteux comme l’ensemble de la cuisine de Passédat. La composition à base de langoustine est intelligente, même si le délicieux bouillon impose une cuisson plus soutenue de la langoustine, ce qui en exacerbe moins le goût, et le pigeon au miel est savoureux. Je vois qu’on se régale en face de moi d’un loup, traditionnelle icône de la maison. Le ris de veau et veau est mémorable.
N’étant pas celui qui invite je n’ai pas la charge du vin. Ma fille aînée au goût plus parkérien que Parker lui-même a choisi un Crozes-Hermitage, Clos des Grives Domaine Combier 2003. En d’autres lieux je l’éreinterais sans doute, mais ici, dans ce lieu si agréable, je lui trouve quelques vertus. Ma fille l’apprécie, c’est le principal.
Gérald Passédat explore dans sa cuisine des chemins de traverse qui détournent parfois du sentier principal. C’est dans sa personnalité. Je suis de plus en plus sensible à sa cuisine, légère et de bon goût.

Les vacances des enfants touchent à leur fin. Un agneau de Sisteron cuit au feu de bois crée un consensus gustatif. Trois Bandol pour l’accompagner. Le Domaine de Souviou 1998 a un nez franc de Bandol. En bouche un poivre discret et un cassis austère montrent que l’on travaille bien sans tomber dans l’excès. Le fruit est joli. Nous aimons beaucoup ce vin. Le Mas des Baguiers 1989 montre que l’on a plus de soleil avec un peu plus de maturité qui sied bien à ce Bandol expressif. Le reste d’un Château de Pibarnon 1990 qui nous avait fort déçus la veille a pris, grâce à son aération, une race de Lafite. On dirait vraiment un Bordeaux noble. Le vin est devenu charmant, même s’il manque un peu de ce que l’on souhaiterait de ce Bandol vedette d’une grande année. Des figues cueillies de l’arbre permettent de finir les verres de vin rouge dans la joie.


Cordialement,
François Audouze
19 Aoû 2006 14:56 #1

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Réponse de J Ph Durand sur le sujet Re: trois expériences de vins et harmonies

Quand François évoque le plat comme tremplin d'un vin, on comprend tout de suite le potentiel du dit vin ;)

J'aime beaucoup le Clos des Grives du domaine Combier même si en 2003, il me paraît un peu plus lourd. Son millésime 2001 était magnifique avec des notes animales et un toucher de bouche soyeux qui permettaient à ce vin d'accompagner à l'automne 2004, un filet de lièvre juste saisi, coulis à la moutarde de cassis virtuelle, cèpes bouchons. Dans le cas présent, l'accord avec la cuisine de Gérald Passédat interroge mais le plaisir était au rendez-vous, ce qui n'est pas accessoire.

Intéressant de constater que l'obscur bandol Mas des Baguiers 1989 se révèle à maturité et expressif.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
22 Aoû 2006 12:28 #2

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: trois expériences de vins et harmonies

François Mauss m'a indiqué que le Combier est arrivé superbement classé, au dessus de ses pairs, dans une dégustation du GJE.
Je veux bien le croire.

Je n'aime pas trop les tendances cassis / poivre, tu le sais. Mais avec le pigeon au miel discret, ça ne pouvait que bien marcher.

Quand tu reviendras, nous irons à cette table d'hôtes où je peux apporter mon vin (ça se dessine). Sa façon de cuisiner les poissons est simple, mais efficace. Il gère les cuissons à la perfection. Et pour mes vins, ce sera du bonheur.

le Mas des Baguiers était largement plus expressif que le Pibarnon 1990, qui ne s'est rattrapé que le lendemain.
J'aime bien ce Bandol avec de l'âge, car ça le civilise.
Un Bandol rouge de 15 ans avec une tapenade bien faite, ça cause !!!


Cordialement,
François Audouze
22 Aoû 2006 17:20 #3

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  • Thierry Debaisieux
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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: trois expériences de vins et harmonies

François,

J'avais cru comprendre que le Clos des Grives de Combier ne vous avait pas séduit.

Comme Jean-Philippe, j'aime beaucoup cette cuvée de Crozes-Hermitage.

Cordialement,
Thierry
22 Aoû 2006 17:35 #4

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Réponse de J Ph Durand sur le sujet Re: trois expériences de vins et harmonies

Nous savons l'un comme l'autre ce qu'il faut penser des bandols. Le souvenir commun de Vannières 83 ou de Moulin des Costes 1983 demeure marquant.

Pour le Clos des Grives, j'aimerai le voir vieillir et observer son évolution lorsqu'il perd ce fruit éclatant de la jeunesse. Sur la chair du lièvre au goût très pronconcé (même non faisandée ni marinée), à l'animalité sauvage, un tel vin, même jeune, trouve sa place et son équilibre. Le coulis à la moutarde de cassis virtuelle faisait le lien autour du fruit et de l'acidité épicée, en toute discrétion. L'accord était beau, peut-être parce que le produit initial était exceptionnel et que la cuisson très courte (filet saignant) préserva la fraîcheur animale de la chair.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
23 Aoû 2006 09:19 #5

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  • Thierry Debaisieux
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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: trois expériences de vins et harmonies

Désolé d'être intervenu dans votre conversation ;)

Cordialement,
Thierry
23 Aoû 2006 22:11 #6

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