Repas chez Laurent en Chalosse
Lundi 05 juin 2006
Une production Ganesh Club
Le contexte :
Sous un soleil enfin radieux, Laurent héberge le deuxième volet du diptyque (cf. Ganesh n° 25) épicurien de cette Pentecôte. Il nous reçoit avec humanité et passion, dans une ambiance musicale classico/jazzy pointue, exigeante, voire émouvante.
Jean-Philippe Durand, Charles Vivier, Laurent Gibet (LG) et Pascal Perez (PP) sont les témoins ravis de cette mémorable partie de campagne.
Le repas, débridé, baroque mais extrêmement sensible et pertinent, faisant la part belle aux produits de la Chalosse et du Béarn, est ponctué d’une insolite dégustation de sardines millésimées et d’une admirable découverte de thés rares taiwanais :
- Cigarettes jambon de Bayonne (de chez Moureu à Mazerolles)/ Parmesan
- Sole aux asperges et graines de nigelle, jus au thé Oolong Chi-Lai (Taiwan)
- Foie gras poêlé, pommes poêlées et zestes de pamplemousse confits au miel, vinaigre de Chablis vendangé tardivement
- Galette de truffes façon Robuchon
- Rouget et galette d’aubergine, jus de leur laitance et de leurs foies
- Chevreau de Tilh, purée de coco aux zestes d’agrumes
- Petits oiseaux
- Fromages de chez Bachelet à Pau
- Tourtière
- Sardines millésimées La Quiberonnaise 2003, La Quiberonnaise 2004, La Belle Iloise 2004, Albert Ménès 2004 et Albert Ménès 1994
- Thé Liu Bao Cha 1958 (Taiwan)
- Cigares
Synthèse des commentaires de dégustation par Pascal Perez.
Les vins :
1. Champagne – Krug – Grande Cuvée :
LG18 – PP17,5/18
- Expressivité et caractère sont au rendez-vous. L’accueil est floral et fruité (mirabelle, pêche). On décèle aussi de la brioche et des notes subtiles et rafraîchissantes de gentiane et de réglisse.
- Bouche corsée et aérienne tout à la fois. La bulle est très fine, ténue même. Douceur fruitée et minéralité se répondent à merveille. L’harmonie est totale. Sa matière serrée et son interminable finale concourent à en faire une cuvée toujours aussi superlative.
2. Champagne – Deutz – Cuvée William Deutz 1990 :
LG17 – PP16,5
- Nez très mûr et fruité : pêche, framboise. De la minéralité.
- Bouche à l’unisson, structurée par une belle trame acide, dotée d’une bulle impeccable et d’une longueur tout à fait correcte. Elle souffre néanmoins un peu derrière celle du Krug Grande Cuvée.
3. Chablis 1er cru Côte de Léchet – Bouchard Père et Fils 1959 :
LG15,5/16– PP15,5
- Les senteurs sont un peu lourdes : beurre, crème pâtissière, rhum, vanille, pêche jaune. Une pointe réglissée tente de rééquilibrer l’ensemble.
- L’expression est massive, très mûre et, millésime oblige, pénalisée par un déficit de fraîcheur. Dommage car, malgré son âge respectable, cette bouteille arbore une matière étonnante, une belle pureté de fruit (coing), une texture satinée et de beaux amers tombant à pic pour éviter l’empâtement total. Elle nous a promenés de la région des Graves jusqu’à la colline de l’Hermitage.
4. Beaune 1er cru Clos des Fèves – Chanson Père et Fils 1959 :
LG17,5 – PP17,5
- Nez fondu et envoûtant de cerise, rose ancienne, ronce, fourrure, cuir et cannelle. De l’éclat.
- Ce funambule avance sur son fil depuis plus de 40 ans : équilibre parfait, tension et toucher de taffetas. Il se meut avec une élégance raffinée. Son fruit (cerise) est tonifié par une belle trame acide. Délié, il présente un profil faussement gracile et, au contraire, possède une matière respectable. Le seul bémol réside dans sa relative simplicité gustative.
5. Chassagne-Montrachet 1er cru Les Ruchottes – Domaine Ramonet 1991 :
LG17 – PP17,5
- Nez intense, de fruits jaunes (mirabelle) et d’agrumes (orange). Minéralité et poivre blanc épicent cette douceur.
- Bouche riche, jeune, droite et équilibrée, douée d’une grande vitalité. Sa suavité révèle sa grande maturité (fruits jaunes). Cette dernière a le bon goût de ne pas s’imposer et, au contraire, se marie habilement avec la minéralité crayeuse. Sa rémanence, très convaincante, confirme encore un peu plus sa classe.
6. Margaux – Château Margaux 1990 :
LG19 – PP19
- Palette intense et racée, encore cryptique, compacte, toute en maturité, noire (burlat, cassis, truffe), profonde et minérale qui nécessite plusieurs heures de carafe avant de daigner se développer.
- Par son ampleur, sa stature de cathédrale, sa puissance, sa jeunesse, sa minéralité, sa race aromatique et sa longueur, il incarne la grandeur d’un jeune colosse qui n’en est encore qu’à l’aube d’une glorieuse carrière. Le fruit (cassis, cerise) et les fleurs (violette confite) sont omniprésents. Certains le trouvent frais ou cristallin, d’autres le jugent plutôt imposant et bâti sur la maturité. Mais ces qualificatifs divergents ne sont finalement que peccadilles mesurées à l’aune de son évidente noblesse.
7. Saint-Emilion – Château Cheval-Blanc 1982 :
LG20 – PP19,5
- Olfaction envoûtante, toute en subtilité, d’une grande distinction, mêlant fraise des bois, violette, cerise, feuilles séchées, havane et truffe.
- Nous abordons ici une toute autre expression du vin d’exception. Son évidence confondante, sa rectitude, son profil extrêmement allongé et ses tannins aériens en font un parangon d’élégance. Il développe un rapport puissance/finesse idéal. Evidemment peu en reste gustativement, il délivre des notes fondues d’essence de fruit (fraise) et de violette, de minéralité, de tabac et de cuir noble. Le rare plaisir de la perfection.
8. Givry – Domaine Joblot – Clos du Cellier aux Moines 1986 :
LG16 – PP15,5
- Nez d’herbes aromatiques, de cerise et son noyau, de fraise poivrée.
- Bouche intéressante, épicée, au fruit (cerise) préservé, au cuir patiné. Matière et longueur sont convenables. Le grain, lui, se montre un tantinet rustique (tannins grenus). Une belle surprise.
9. Chambertin Clos de Bèze – Savour Club 1976 :
LG17,5 – PP17,5
- Belle expressivité olfactive : vendange entière, cerise, kirsch, cuir.
- Encore juvénile, la bouche commence à peine à basculer sur des arômes d’évolution. Au fruit frais (cerise, cassis) et aux fleurs (violette), se combinent ainsi des notes de sous-bois, de fourrure. La matière est impressionnante et la longueur conséquente. De la classe.
10. Sauternes – Château Lafaurie-Peyraguey 1988 :
LG17 – PP17
- Panel complexe et classique d’agrumes (clémentine, orange douce, zestes confits), de crème brûlée, de cire et de vanille.
- Bouche fruitée (orange, mandarine, citron confit) d’une pureté remarquable, dopée d’amers (subtil quinquina) non moins admirables et apportant du relief. L’ensemble est jeune, frais, son équilibre irréprochable, mais la longueur simplement intermédiaire.
11. Bas-Armagnac – Domaine Boingnères – Folle Blanche 1985 :
- Profil d’un grand classicisme, suave, d’une insigne finesse, en dentelle, complexe. La charge alcoolique reste discrète. Une eau de vie inspirée.
12. Cognac – Hennessy – Paradis :
- Expression policée, soyeuse, racée, un rien sage, délivrant d’étonnantes notes fraîches d’agrumes et même de fruit de la passion. Grain soyeux et alcool maîtrisé complètent le tableau.
13. Bas-Armagnac – Domaine Boingnères 1977 :
- Eau de vie extrêmement délicate, élégante, tendue, racée, florale, pourvue d’un moka subtil, très longue. La très grande classe.
14. Bas-Armagnac – René Soubès – Enclos du Simsat 1964 :
- On retombe sur terre avec une eau de vie plus rustique, au grain moins fin, au feu plus présent, mais de belle tenue.
15. Château-Chalon – Marius Perron 1986 :
LG15,5 – PP15
- Nez signé, à l’oxydation mesurée, fruitée (orange), exprimant le froment.
- Bouche assagie, sur la mie de pain, les champignons de couche et les fleurs blanches. Elle manque un peu de caractère et sa longueur n’est que moyenne.
Conclusion :
- Une sélection d’eau de vie d’Etienne Brana clôt la journée :
- Marc d’Irouléguy,
- Poire William,
- Prune Vieille.
- Le magnifique parcours proposé est dominé par les monstres sacrés Margaux 90 et Cheval Blanc 82.
- La Grande Cuvée de Krug les talonne.
- Le Beaune 59 de Chanson, le Clos de Bèze 76 du Savour Club, les Ruchottes 91 de Ramonet et Lafaurie-Peyraguey 88 sont aussi de haut niveau.