Le vin au pays de l’ovalie, c’est une belle trouvaille. Vinovalie est un regroupement de regroupements : une mêlée. Mêlée, certes, mais ordonnée, comme une première ligne. Sous ce nom sont réunies quatre coopératives : Rabastens, Técou, (pour le Gaillacois) Fronton et des Côtes d’Olt (Cahors) et déborde donc des frontières du Tarn, sous la bannière Sud-ouest et surtout de ces cépages si particuliers.
Vinovalie, regroupe 4000 ha de vignes, 145 salariés, 450 coopérateurs qui ont décidé de jouer la carte de la performance collective.
Il suffit de se rendre au siège social de cet Union, à Gaillac, pour en comprendre l’esprit : rappeler la tradition de nos cépages, en restituer la meilleure expression, dans un souci de qualité et du respect du consommateur, mais sans refuser tout ce que la technologie et la science peut apporter ; que ce soit dans la compréhension de ces cépages, dont l’étude n’avait jamais été aussi approfondie, jusqu’à l’optimisation de toutes les étapes de l’élaboration du vin. Des exemples ? Jacques Tranier, le bouillonnant directeur général n’en manque pas : utiliser la cartographie aérienne pour mieux connaître l’état du vignoble et les densités de plantation en évaluant les pieds manquants de chaque parcelle. Ou encore s’entourer des services des meilleurs laboratoires de recherche pour travailler sur les génomes de chaque cépage. « C’est un apport d’intelligence pour ce métier, une nouvelle approche ». Cet homme visionnaire n’a de cesse de croire en la recherche constante, en l’expérimentation perpétuelle pour se doter d'outils d’aide à la décision. Ce n’est pas un paradoxe, cet apport technique et scientifique n’a qu’un seul but : faire le meilleur vin possible dans un segment commercial donné, et le plus naturellement possible. De ce point de vue, l’idée est de positionner les gammes dans la fourchette de 3 à 15 euros en ayant dans chaque niche, le meilleur rapport qualité prix possible.
Pour aller encore plus loin, l’Union Vinovalie lance les bases d’un nouveau projet, nommé Vinneo, ayant reçu l’aval du Ministère de la Recherche ; Une des ambitions du projet est de développer des outils technologiques innovants et de les mettre en œuvre pour élaborer une gamme de vins issue exclusivement de ces cépages autochtones. La démarche de Vinneo consiste à faire des expérimentations sur quatre cépages historiques du sud-ouest : le Loin de l’Œil, la Négrette, le Fer Servadou (Braucol) et le Malbec. N’ayant jamais fait l’objet d’études approfondies, contrairement aux cépages internationaux (Merlot, Syrah, Chardonnay), Vinneo ambitionne de trouver la typicité de ces cépages longtemps oubliés tout en répondant aux attentes de marchés ciblés. Soucieuse de l’environnement, ce projet va permettre à Vinovalie de continuer à promouvoir la sauvegarde du patrimoine et d’interférer dans les campagnes d’arrachage pour sauver les vignobles de la région.
Il est à noter que l’idée maîtresse est de restituer le goût authentique des cépages, sans que l’élevage en barrique ne vienne interférer ou dénaturer. La cave joue donc la carte du modernisme en promouvant des vins de cépage (c’est bien l’export qui est visé également), mais dans une volonté de retrouver le goût originel et intrinsèque.
J’ai dégusté une gamme de vins de pays vinifiés dans cet esprit et qui m’a beaucoup séduit, d’autant que ces vins seront vendus moins de 5 euros : Ils portent des noms initiales de leur cépage :
D 2008 : c’est un vin de duras qui est très coloré, et qui dispense des notes de suie et de poivre très caractéristiques. Il est doté d’un beau volume, d’une jolie trame et possède une finale aux tannins polis. Un vin simple sans être simpliste au bon équilibre.
FS 2008 : Fer Servadou ou braucol. La robe est là aussi très sombre. Le vin exhale un joli cassis très typique du cépage. La matière est charnue avec un très bon équilibre et un corps bien dessiné autour d’une assise tannique marquée, comme il se doit pour un vin de ce cépage.
FD 2008 : C’est un assemblage des deux cépages : j’avoue qu’il m’a moins séduit, sans doute dégusté trop tôt, le vin se montre dissocié, avec des tannins encore un peu agressifs.
Astrolabe représente la quintessence de l’Union Vinovalie. C’est à la fois une gamme, une marque et un groupement foncier. Ce Groupement Foncier Viticole “Astrolabe” a pour double objectif la propriété collective d’un domaine viticole d’environ 200 Ha et la copropriété avec l’union Vinovalie de la marque “Astrolabe ». Ce domaine viticole s’étend sur 200 hecatres : (50 Ha sur le vignoble de Cahors, 50 Ha sur le vignoble de Fronton, 100 Ha sur le vignoble de Gaillac.)
J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de la cuvée
Astrolabe 2004 : pur loin de l’œil. La goûter après quelques années après est une belle émotion pour un vin qui a pris de l’âge sans perdre de sa superbe. La robe est dorée avec des teintes tilleul. Le nez est d’abord discret, mais très raffiné sur des notes florales et d’autres plus originales de rhubarbe. C’est un vin ample qui dispense des saveurs riches de coing et de miel, doté d’une belle longueur. C’est une très belle bouteille.
Astrolabe 2007 Loin de l’œil, possède un nez riche qui le rapproche de celui d’un vin moelleux, avec des notes de fruits jaunes. La bouche est riche, mais moins aboutie que celle de son aîné, avec des amers qui nuisent à l’équilibre général que j’aurais aimé plus vif.
En revanche,
le millésime 2008 de cette même cuvée est très prometteur. La robe est or pâle, avec des reflets verts de jeunesse. Les arômes sont gais, fleuris. La bouche possède une belle trame soyeuse, un volume de bonne amplitude et trouve un superbe équilibre sur la fraîcheur et une certaine minéralité qui ancre encore plus ce vin dans son terroir gaillacois.
Dans la même gamme Astrolabe, la
Négrette 2006 se montre sous une robe sombre qui marque un début dévolution. Les arômes sont marqués par le cassis et cette note brûlée caractéristique du cépage. Le volume est conséquent, le fruit se fait gourmand. La finale est tannique et possède bien les caractéristiques de la négrette dont l’acidité est basse.
Le
Braucol 2008 est une belle réussite. Comme il se doit, il se pare d’une robe très sombre, d’une grande profondeur et dispense des notes de cassis très précises qui confinent au floral, à la violette, notamment. Le vin en bouche présent un beau volume, il est plein, charnu, long et savoureux avec des tannins très souples. C’est un très beau résultat.
Le
Malbec 2005 ressemble bien aux vins de Cahors, avec ce nez discret, austère, légèrement lacté avec ces notes minérales qui lui sont souvent attachées. En bouche, il est charnu, doté d’une belle vivacité et les tannins, sont, comme il se doit pour un vin de côt, serrés, virils, mais ne sont nullement asséchants. Il est très rare aujourd’hui de goûter un vin de ce cépage qui n’ait pas connu un élevage en barriques et c’est assez réjouissant.
Le travail innovant réalisé par ce groupement de caves coopératives est à suivre de près : il montre une voie. Elle n’est certes pas unique, mais face à la mondialisation, Vinovalie n’a absolument pas choisi l’issue de l’uniformisation et il est fort réjouissant de constater que la réponse possible réside dans l’acceptation des conditions de marché, le refus de la négation de l’évolution des goûts des consommateurs tout en préservant l’identité des cépages si particuliers qui sont ceux du Sud-ouest. Une démarche que devraient méditer bien des vignerons qui se lamentent sans trouver de solutions autres que celle de la standardisation.