Catherine et les garçons : C9P au top...et leurs challengers méconnus selon Bettane.
Vendredi 2 Février.
D'où vient l'émotion profonde procurée par ces vins de Châteauneuf, que nous avions déjà
ressentie en...2012
? Il était plus que temps d'y revenir, en intégrant les pépites méconnues inconnues des spéculateurs, que Michel Bettane nous avait conseillées à la fin d'une session
Prix Plaisir, que j'avais réussi à réunir au fil des mois. Mais çà, mes camarades, même Olivier présent ce soir là, ne le savaient pas encore.
Dommage que Philippe Barret ait eu une obligation familiale, on se souviendra longtemps de cette soirée !
les blancs
1 Domaine Saint-Préfert Cuvée Spéciale Vieilles Vignes Clairette 2012.
Assiette picodon, buche de l' Ariège, Salers / légumes méditerranéens à l'huile d'olive (tomates séchées, aubergines, artichauts).
Ouh, çà commence fort ! Le nez puissant, parfumé s'ouvre comme un éventail à l'empreinte fumée : chacun de ses pans délivre tour à tour des parfums de fruits blancs (pêche), exotiques (ananas), de fleurs d'acacia, de fenouil sauvage, d'anis, des touches d'épices (gingembre) et de miel ; tous déployés autour de ce gond fumé délivrent une impression d'amertume délicate, finement tendue, légèrement acidulée.
En bouche, tous ces éléments se fondent en un grain superbe, puissant, un concentré d'énergie et de vie. La fougue qui l'anime, saline et sapide, joliment maitrisée, confortée du même amer gouteux, donne au coté charnu des saveurs, un coté lumineux, solaire, joyeux. Un cachet méditerranéen où la clairette lui donne un air de parenté avec le blanc de Château Simone. Cela donne envie de découvrir les autres cuvées d'Isabelle Ferrando. Tu as vraiment eu raison d'insister Olivier !
l'accord avec les fromages conseillés par Senderens sur C9P blancs avec les petites légumes méditerranéens est tip top.
2 Château de Beaucastel Roussane Vieilles Vignes 2008.
Rôti de lotte aux trois poivrons.
La complexité aromatique est vraiment envoutante. Des myriades de parfums gigognes ne cessent d'apparaitre, d'évoluer, de se croiser, de se recomposer sans cesse sur fonds miellé épicé prononcé (gingembre, poivre). L'abricot, la pêche, l'amande, le litchi, la mangue, le miel et tant d'autres finissent par se fondre en une fragrance riche, sans être opulente. Son corps ample et généreux reste délié et dynamique, la délicatesse et la subtilité à la mesure de la puissance et de la concentration sont la signature du grand vin. Plus il s'aère, plus cette impression de finesse et de précision superlatives donne des ailes au volume.
Le nez longuement décrit préfigure vraiment ce qui s'œuvre en bouche : un volume en mouvement, large, plein, concentré, tendu comme une voile gonflée au gout parfumé assez diabolique. Certes un peu nourrissant par son coté "gras" si savoureux, qui a pu paraitre pour certains un peu
too much...Mais en le regoutant comme il se doit, je vous assure que des nourritures terrestres comme celle là ont de quoi rendre jaloux tous les dieux de l'univers.
Je serais plus réservé sur l'accord suggéré par IW dont la recette savoureuse aurait été plus adaptée à la première série de rouges plus à l'aise avec l'ail et le poivron grillé, un peu brulé.
3 Château Rayas 2005.
Poêlée de Saint Jacques à l' huile de truffe blanche, fondue de poireaux truffés.
Au nez, une grande prairie fleurie, comme Philipe Modat l'évoquait joliment en comparaison du Beaucastel résolument sur le fruit ; tous deux, comme tous les vins, dégustés à l'aveugle
à l'exception du taulier.
Le nez plein, suave étonne par sa finesse, sa délicatesse, l'exquise subtilité des parfums. Etonnante impression alors de se retrouver en alerte, toutes écoutilles dehors, à parcourir ce paysage aromatique harmonieux, idéalement composé, sans savoir si le paysage est en nous ou si c'est nous qui sommes dans le paysage.
La bouche splendide a un toucher fin, les qualités superlatives des parfums se retrouvent dans la texture délicate d'une harmonie assez confondante. Il y'a vraiment des vins dont l'évidence vous met en état de communion, plus rien à analyser ou à comparer, juste être totalement présent à la beauté du vin fait poème dont plus rien ne vous sépare. Communion profane et passagère : c'était assez jouissif de voir Philippe et André transformé en points d'interrogation face aux deux carafes contenant, qui le Beaucastel du premier, qui le Rayas du second, dont le point commun est de tutoyer les sommets chacun à leur manière ; le Saint Préfert n'étant pas loin derrière.
Bel accord déjà testé d'André, roi des justes cuissons, mais curieusement le Rayas 2001 gouté précédemment, dégageait un arôme de truffe blanche bien plus prononcé que sur le 2005 un peu plus aérien, moins sur le sous bois.
série des 3 rouges challengers :
4 Domaine L’Or de Line Paule Courtil 2013.
polenta aux champignons
Nez profond, très pur, bien défini : un parfum de cassis bien mur comme revêtu d'une poudre fine de cacao, de petites touches de pain grillé évoluant vers le café. Le tout dégage de la franchise, une complexité épanouie, beaucoup de finesse, une harmonie avenante presque amicale.
La bouche est coulante, intensément parfumée, le fruit superbe. Sa rondeur ordonne son grain concentré, puissant, vineux, fin à souhait ; elle appelle une mâche gourmande. On se régale vraiment, plussoyant et remerciant MB de nous avoir fait découvrir
"un des Châteauneuf les plus élégants d'aujourd'hui, sans que les spéculateurs ne le sachent".
5 Domaine du Banneret 2007.
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J'ai vraiment l'impression depuis plusieurs jours de découvrir ce vin. Vendredi, en compagnie des deux autres challengers, il paraissait plus rustique, un peu
old school. Je serai beaucoup, beaucoup plus nuancé aujourd'hui...
Le nez complexe, parfumé, envoutant, évoque un peu ce que les C9P d'Henri Bonneau, trop rarement bus, m'ont fait ressentir : un paysage aromatique si plein et riche d'impressions diverses, passant du fruit à la fleur, du sous-bois (truffe) à la garrigue (laurier) en passant par les champignons, du cuir fin au gibier - passons les épices (cannelle, réglisse) et empyreumatiques torréfiés - qu'il paraitrait un peu fouillis s'il n'était ordonné par une unité sous-jacente dont l'harmonie vous touche là où l'émotion affleure. Allez savoir si ce n'est pas le vin qui s'émeut alors d'être pleinement écouté ?
La bouche pleine et fine, large comme si elle avait les bras grands ouverts, vous attire au plus profond du fruit gouteux, charnu. Quelques résidus de tannins très légèrement râpeux, dotés d'amers fins, la rendent un peu canaille, ce qui expliquerait cette légère impression de rusticité que certains qualifiaient de "paysanne" l'autre soir. Jusqu'au moment où, débordant du simple gout, l'harmonie déjà évoquée affleure à nouveau comme une évidence qui vous traverse. Tout comme l'intuition poétique qu'un tel vin a soif d'être bu.
Michel, comme tu as raison
pas toujours sur LPV
le domaine du Banneret (3ha, une seule cuvée) recèle des pépites méconnues.
6 Domaine Mas Saint Louis Grande Réserve 2012.
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Grosse déception, je l'avoue, car ayant acheté et fait acheter de nombreuses cuvées du domaine depuis 2011 jusqu'à maintenant (une demi palette collective récemment par l'intermédiaire d'Olivier), suite aux conseils de Michel, avant que le domaine ne soit promu domaine de l'année dans le guide B+D, je n'ai jamais eu le moindre problème (idem pour Olivier), alors que quelques LPViens, dont André de notre groupe, se sont plaint ponctuellement de déviation, voire, comme sur cette bouteille, d'une acidité volatile prononcée qui en dénature vraiment le gout jusqu'à une acidité vinaigrée revêche sur la finale. Quatre jours plus tard, le constat est malheureusement identique. Le même soir, comme je voulais donner un visage un peu plus gratifiant du domaine aux amis qui le goutaient pour la première fois, suite aux conseils de Matthieu Faurie, maitre de chai, quand je préparai la soirée, je suis allé chercher en cave :
7 Domaine Mas Saint Louis. Arpents des Contrebandiers 2014.
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Ouf, je retrouve mes marques : la qualité de parfums et le raffinement de texture évoquant l'esprit Raynaud. Nez plein, ample, profond, la fraise bien sûr et sa fine acidité qui donne du tonus et de l'allant aux notes viandées, aux épices, à la réglisse.
La bouche est savoureuse par son coté corsé, un peu sauvage (qui pourrait évoquer Patrimonio à l'aveugle), toujours animée par cette fine acidité qui structure l'équilibre, contient la générosité mais qui paradoxalement l'épanouit et la rend gourmande, accouchant de ce gout si reconnaissable dont les amateurs du domaine sont friands, auquel la Grande Réserve donne, sauf accident, une dimension supplémentaire. Impression d'un fil fragile quand l'acidité si bien gérée ici, tombe dans le coté obscur de la volatile. Mais je ne suis pas technicien, Philippe Modat, à la lumière de sa propre expérience de vigneron, pourrait tenter d'expliquer pourquoi et comment une si belle cuvée se retrouve trahie sur certains lots, quand il y'a plusieurs mises. Au passage, la cuvée tradition 2011 goutée récemment est vraiment superbe, tout comme le 2006, gouté par Olivier ; il faut vraiment que le domaine règle ce problème ponctuel !!
série de quelques incontournables
8 Domaine de la Janasse cuvée Chaupin 2000.
Aie, complètement bouchonnée, fait ch...Heureusement, Philippe - qui a plus d'une Janasse dans son sac - a pu sauver la situation, même si çà n'était que la simple cuvée d'entrée de gamme, oui mais sur 98 ! D'autant qu'il nous a fait la surprise de remplacer les joues de bœuf confites basse température, prévues, par un délicieux cuissot de sanglier maison.
9 Domaine de la Janasse cuvée tradition 1998.
cuissot de sanglier.
Le nez évolué, mais si jeune encore, donne l'impression stimulante d'avoir atteint son pic de plénitude. La framboise, la cerise, l'olive noire, le cèdre, le tabac blond, les herbes de Provence, sur fond de fines notes boisées, se fondent harmonieusement dans un bouquet épanoui, ample, profond, sans aucun signe d'essoufflement. Son empreinte tertiaire, animée d'une fine tension, dégage une folle élégance qui semble s'animer en se déroulant comme un tapis d'odeurs porteur d'histoire ; ce n'est plus un nez, c'est un livre dont chaque inspir tourne les pages !
La bouche prolonge cette impression d'ampleur et de plénitude ; un beau jus fondu, plein, dont les amers veloutés portent l'écho du toucher soyeux. La chair est solide mais son équilibre, sa tension millimétrée la préserve de toute lourdeur ou sensation de chaleur alcooleuse. Inouï de ressentir une telle complexité, une telle finesse, ce gout vraiment exquis, dés la cuvée domaine qui n'avait vraiment pas à rougir aux cotés de ses illustres voisins. 1998...décidément !
10 Château Rayas 2003.
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Benjamin est aux anges devant ses trois verres. Heureux allocataire de la fameuse triplette annuelle (Rayas + Pignan + Fonsalette) réservée aux chanceux ou aux audacieux, il ne sait pas encore lequel contient son vin dont il a l'amitié de nous faire partager la découverte. Il a gouté, comme chacun, aux trois vins, tous d'un tel niveau que les hiérarchies et comparaisons paraissent vaines, leur identité ne sera révélée qu'à la fin. Pourtant vu ses waouh doublés d'un haussement de sourcil révélateur, le Riedel où son Rayas repose, semble l'attirer aussi irrésistiblement que le chameau l'est par l'eau de l'invisible puits. Comme je le comprend !!!
Le nez est un parangon de finesse, de fraicheur, d'exquise délicatesse. Et d'émotion quand le grain si singulier et délicat de la fraise des bois se dégage de la fraise, légèrement teinté d'un soupçon d'orange, d'une touche de sous bois et d'un voile d'épices qui lui donne du corps, et vous effleure alors de son parfum comme un ange vous caresse. Rien d'évanescent dans cette douce concrétude volatile d'ici bas dont les Dieux font leur ciel. Rien qu'une ultime précision dont l'évidence si justement incarnée, vous ouvre le cœur, vous ravit et fait sourire Benjamin aux anges.
En bouche, c'est le gout savoureux si reconnaissable mais à jamais neuf, qui impose l'évidence de son équilibre souverain et de sa finesse exemplaire. Est-ce encore un gout quand par le jeu de nos représentations sur la scène de notre esprit, la saveur une et indivisible s'élève, s'allonge, parle. Comme si ce qu'elle nous racontait comme dessiné dans notre bouche, se confondait à quelque chose de très intime qui se reconnaitrait. Une auberge espagnole dont tous les visiteurs, simples touristes ou le plus souvent amoureux inconditionnels de ce qui est bien plus qu'un breuvage, s'accorderaient tous à dire, à défaut de ne pouvoir en dire plus, que Rayas est un vin vraiment merveilleux. Atteindre un tel équilibre, une telle fraicheur en 2003...
11 Domaine du Pegau cuvée Da Capo 2000
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Ah, la fameuse cuvée Dapo qui a valu au domaine du Pegau, cette année là, la note ultime de Parker, graal du vigneron, il n'y' a pas si longtemps... Même Olivier, son généreux donateur, ne l'a pas encore goutée. Toujours à l'aveugle, évidemment, mais dans des Zalto qui faisaient leur baptême
que je recommande vivement à tout amateur de tester tant ils révolutionnent la dégustation par la finesse de leur buvant.
Le nez impressionne par son ampleur, sa densité, mais l'intensité, la profondeur de ses parfums prennent vite le relais de sa dimension un peu carrée : une corbeille de raisins secs, de cerises noires bien juteuses, de réglisse ; le verre remue, une fine empreinte fumée agite son voile : la garrigue, le santal, des parfums de viande grillée s'envolent avec le fruit dans leurs bras. S'envoler ici signifie descendre par le ressenti au plus profond de la juste tension, de l'harmonie que chaque mouvement du Zalto, fait reculer, renouvèle, précise encore plus. Jusqu'au point où l'émotion et le sourire prennent le relais de l'analyse et du jeu de la reconnaissance.
En bouche, du toucher fin à la persistance parfumée vraiment touchante, si bien posée qu'elle semble planer, tout semble confirmer que l'ampleur, le volume, la densité, la puissance, couplées à un boisé discret superbement intégré, tous épanouis par le passage des ans, n'ont pour seule finalité que cette harmonie tissée de finesse. Un peu comme un amplificateur aux potentialités hors norme dont l'écoute idéale se fait à faible niveau pour apprécier toute la subtilité de la musique. C'est vraiment un vin superbe dont les gros bras finement musclés ne sauraient voiler le cœur.
12 Cairanne Marcel Richaud Ebrescade 2003.
gâteau framboise chocolat de Jean Paul Hevin.
Aucun vin de dessert proposé par les camarades ! A défaut de Rasteau moelleux, plutôt rare dans nos caves (ah, la Soumade !), j'ai donc resservi ma dernière bouteille d'Ebrescade 2003, déjà goutée en 2012, histoire de voir comment 6 ans de plus, ont fait évoluer cette cuvée martienne que le soleil de 2003 apparente plus à un Porto qu'à un Cairanne (16,55° et 17 gr de sucre résiduels quand même !)
A l'époque, j'écrivais déjà :
Le nez de prime abord, pourrait évoquer un Porto et on pressent rapidement que l' accord avec le chocolat et la framboise va être grandiose, mais ce qui étonne le plus, c'est la finesse, la fraicheur toute en dentelle, la pureté du fruit comme empreint d' une légèreté florale (plus rose que violette sur le coup) qui, avec l'aération dissipant le coté perlant, gagne en complexité, en profondeur (épices, réglisse, cannelle, pruneaux secs, tabac).
En bouche, on retrouve la générosité friande des vins du domaine, l'architecture et l'équilibre de l' Ebrescade, avec la caresse étonnante et discrète de finesse du sucre qui donne aux tannins fins une allure de jouvencelle. Il ne manque alors plus que l'écho persistant, finement kirsché, de framboise à la jupe de rose en finale, pour vous convaincre que cette Ebrescade singulière est un bien joli vin de dessert.
Pas grand chose à changer. Le coté perlant a complètement disparu, le coté fruité (framboise, cerise à l'eau de vie), chocolaté kirsché, l'emporte sur le coté floral. Toujours cette tension lumineuse accouchant d'une fraicheur intense qui fait caracoler l'alcool et jubiler le sucre présent mais discret, cette pureté de saveurs à la générosité gourmande qui s'allonge autant qu'elle s'approfondit. C'est bon, joyeux, franchement amical et carrément génial sur la nouvelle version du
gâteau chocolat framboise de Jean Paul Hevin,
déniché par Olivier, qui a clos superbement cette soirée.
A nouveau, ces cuvées de Châteauneufs et invité (Marcel, ce fut un plaisir !), nous ont fait vivre des moments qui comptent. Du coup, on y retourne la prochaine fois en élargissant le thème à la totalité des CdR méridionaux où les propositions déjà faites laissent supposer qu'il y' aura à nouveau de très jolis C9P.
Merci de m'avoir lu.
A vous les amis, faites nous part de votre enthousiasme, que ce cr ne se limite pas aux Châteauneuf du Popp !
Daniel