Le CAVE SA organisait à Gland, mardi soir, une confrontation entre des chardonnays bourguignons et jurassiens. Une vingtaine de personnes participait à l’événement, présenté en duo par Jacky Rigaux et Nicolas Herbin. Les vins ont été servis à l’aveugle, deux par deux. Trois Lpvéiens valdo-savoyardo-genevois y ont participé, Chris, Philippe et le soussigné.
1) Arbois Pupillin, Caillot, Domaine de la Borde, 2011
Hervé
Jaune or, très gras. Au nez, alcool, fruits blancs, prunes, vanille. En bouche, gras, ample, assez tendu, chaleureux, presque chaud, voire un peu épais, finale fraîche. BIEN. Bon vin, franc, un peu simple, voire rustique.
Phil
Nez plutôt riche où apparaissent la pomme, puis le massepain. Bouche moins expressive, et assez molle. BIEN
Chris
Le nez est léger, fruité, qui trahit son origine avec des notes de pomme et de massepain ; ces arômes ne sont pas très persistants. En bouche, l’attaque est légèrement ronde, fruitée ; on retrouve les arômes du nez avec aussi du céleri et de l’orange ; l’alcool est très légèrement perceptible ; c’est très sec mais avec quand même du volume, acidulé voire « piquant » ; la finale pas très grasse, revient sur les arômes et une légère amertume. Il décline assez vite avec le réchauffement et l’aération contrairement au suivant. BIEN+
2) Chablis, Butteaux 1er cru, Domaine Pattes Loup, 2011
Hervé
Jaune moyen, gras. Nez minéral, réservé, encore en devenir. Bouche grasse, tendue, bel équilibre, délié, long, digeste. TRES BIEN. Un beau vin promis à un certain avenir.
Avantage Bourgogne
Phil
Nez plus beurré. La bouche est ample, mais l’ensemble me paraît aromatiquement dilué. MOYEN
Chris
Chris : Nez sur le miel et les fleurs blanches avec de légères notes d’élevage. L’attaque en bouche est vive, beaucoup moins aromatique que le Pupillin, belle persistance, finale citronnée salivante. Il gagne beaucoup à l’aération, le fruit se manifeste sur des notes de citron mûr. BIEN++
Au premier « goutage », je donnais un match nul, le Pupillin pour ses arômes envoutants qui évoque d’autres vins ouillés du coin, le Chablis pour sa structure et sa longueur. A l’arrivée, même si le premier ne démérite pas, je donne le point à la Bourgogne. Bourgogne 1 Jura 0.
3) Pouilly-Fuissé, Clos Varambon, Château des Rontets, 2010
Hervé
Jaune moyen, gras. Nez frais, fin, gypse, buis, groseille (sauvignonne presque un peu…) En bouche, gras, ample, très légère sucrosité, acidité ferme, finale longue un peu dure. BIEN.
Phil
Beau premier nez sur des arômes doux, qui deviennent par la suite légèrement beurrés. Bouche plus tendue que les deux vins précédents, sans être «minérale». Pureté d’expression, mais ce Pouilly-Fuissé est moins aromatique que l’Arbois servi en parallèle. BIEN
Chris
Nez sur l’élevage, légèrement beurré. L’attaque est souple mais vive, l’acidité citronnée se manifeste assez vite mais ça reste assez gras, moins tendu que la série d’avant. Plutôt simple et linéaire, la finale est salivante et citronnée avec une légère amertume. BIEN
4) Arbois, Les Corvées sous Curon, Domaine de la Tournelle, 2010
Hervé
Jaune assez intense, gras. Nez, pomme blette, poire, légume, impression soufrée évoquant le chou, globalement impression de vin négligé
. Bouche ample, grasse, un léger perlant, CO2, puis le vin chute en bouche, impression un peu saline, finale de longueur moyenne. MOYEN ; un vin plutôt décevant, qui semble précocement évolué.
Avantage Bourgogne
Phil
Nez
jurassien également sur des arômes doux, mais plus intenses. La première bouche est peu agréablement perlante, mais elle s’harmonisera au "dégazage". BIEN +
Chris
Le nez est limite pas net avec des notes de pomme très mûre, de massepain. En bouche, l’attaque est piquante, une acidité très marquée mais avec une belle aromatique fruitée qui donne envie d’y revenir. C’est acidulé, il y a même un léger perlant ; une puissance énorme avec un alcool bien intégré. Beaucoup trop jeune ? TRES BIEN
Il n’y a pas photo. Bourgogne 1 Jura 1
5) Meursault, Les Luchets, Domaine Roulot, 2011
Hervé
Jaune, reflets verts, gras. Nez, un peu réduit, impression de grillé, noisette, zeste de citron, boisé. En bouche, c’est gras, ample, velouté, il y a une belle tension, c’est fin et délié, bonne longueur. BIEN, un vin fin et typé, qui peine toutefois encore à s’exprimer, à revoir.
Phil
Robe lumineuse, brillante (un voisin de table observe avec raison que les blancs jurassiens de la soirée présentent systématiquement des robes légèrement plus ternes, plus "grisées" que leurs vis-à-vis bourguignons - cela étant dû au terroir de marnes, si je me rappelle bien…). Premier nez citronné ; bouche moins expressive, même si elle présente un certain volume. MOYEN
Chris
Nez citronné et beurré, avec du fruit derrière le bois, un beau bourgogne blanc classique quoi… La bouche est souple, vive et fruitée mais la finale salivante sèche un peu et en parait maigre.
6) Côtes du Jura, en Chalasse Fleur de Marne, Domaine Labet, 2010
Hervé
Jaune intense très gras. Nez, citron, coing, un peu brut de fût, une pointe de curry. Bouche très grasse, ample, très concentrée, soutenue par une acidité racée bien enveloppée, impression globale presque soyeuse, très long. TRES BIEN ++, un des grands vins de la soirée, qui pourra vieillir longuement.
Avantage Jura
Phil
Robe d’un jaune plus intense. Nez plus mûr, sur les agrumes. Bouche plus ample, très salivante, et texture soyeuse. BIEN +
Chris
Nez de cire d’abeille et de fruits. En bouche, l’attaque est saline, la vivacité bien intégrée, des arômes d’orange, pas de boisé perceptible mais une certaine rondeur (volume et gras) tout en étant sec. C’est très long, ça ne tombe pas. TRES BIEN
Bourgogne 1 Jura 2
7) Arbois, la Mailloche, Domaine Stéphane Tissot, 2008
Hervé
Jaune intense, presque orangé, reflets verts. Nez, empyreumatique, musc, suie, vanille, limite rance, pharmacie, puissant et brut de décoffrage. Bouche grasse, vive, onctueuse, mais un peu brute. MOYEN ++. Un vin couilluB), plus puissant qu’élégant, à revoir ?
Phil
Nez de pharmacie, sauvage (le nez, pas la pharmacie
), avec ce côté fumé typique des blancs de Stéphane Tissot. La bouche est moins désagréable, mais ce n’est pas encore ce vin qui va séduire mon goût de Tissot-sceptique…
Chris
Nez qui évoque les vieux savagnins ouillés, des notes de prune, de gentiane et un léger bois ? de la résine voire de la fumée. L’attaque en bouche est souple, saline, c’est vif mais pas trop, avec des agrumes (orange) et une légère amertume. Grosse puissance, grande longueur
8) Chablis, la Forest 1er cru, Vincent Dauvissat, 2008 (en magnum)
Hervé
Gras, jaune or. Nez vanillé, boisé, prune, poire, un peu miellé et légèrement sur l’alcool. Bouche très grasse, ample, mais sous-tendue par une belle vivacité, grande longueur. BIEN. Un beau Chablis, plutôt opulent, mais qui n’a pas encore livré tout son potentiel. A attendre.
Avantage Bourgogne
Phil
Nez plus plaisant. Bouche de demi-corps, moyennement aromatique. Pureté. MOYEN
Chris
Nez fin, pas de boisé, floral, fruité mais plutôt en dedans, encore masqué par l’aromatique du vin précédent. En bouche, c’est vif, peu aromatique, compact. Un peu à la peine au début, il impose sa longueur salivante, très, très persistante
En l’état pas de préférence, c’est une question de style et de goût du moment. Bourgogne 1.5 Jura 2.5
9) Côtes du Jura, Chalasses VV, Jean-François Ganevat, 2010 (en magnum)
Hervé
Jaune or, reflets verts. Au nez, pomme blette, cidre, citronné, caramel. Attaque un peu sure, léger SR ? Acidité bien marquée, semble dissocié, long, mais sans finesse. Une matière imposante, mais que le vigneron ne semble pas avoir su dompter… Moyen +
Phil
Beau nez expressif et intense. Bouche très riche, concentrée, mûre - même
surmûre. Persistance. Vin exubérant, luxuriant, baroque, voire rococo... Qu’est-ce qu’on peut manger avec ce poids lourd ? Un truc avec une sauce bien maousse à la crème ? Bah rien en fait, il est suffisamment nourrissant à lui tout seul…
TRÈS BIEN
Chris
Joli nez très fruité avec des notes de bergamote, d’orange, de massepain, typiques d’un jura ouillé on va dire, avec des notes de surmaturité. En bouche, ça semble passagèrement très, très légèrement sucré ; mais c’est vif, sec et plein (volume), on retrouve les parfums du nez, c’est acidulé presque perlant.
10) Meursault, Clos des Ambres, Domaine Arnaud Ente, 2007
Hervé
Jaune, reflets verts. Nez muet, puis grillé, soufré, allumette, œuf. Bouche grasse, mais le vin est dur et semble bloqué, finit court. MOYEN. Ce vigneron n’est pourtant pas réputé pour abuser du SO2. Une grosse déception pour un vin très attendu et second plus cher de la soirée (94 CHF). Problème de bouteille ? Phase de fermeture ? A revoir ?
Léger avantage Jura.
Phil
Robe aux reflets verts. Nez délicat, subtil. Bouche légèrement gazeuse, en retrait. MOYEN
Chris
Nez réduit voire soufré avec du floral qui perce derrière. En bouche, en comparaison, c’est plus compact, moins exubérant mais il y a du volume ; citronné, grande longueur, salivant, très persistant.
Encore une fois, c’est une question de style. Bourgogne 2 Jura 3
11)Chassagne-Montrachet, Morgeot 1er cru, Domaine Henri Germain, 2007
Hervé
Jaune intense, très gras, brillant. Au nez, bois, grillé, fruits jaunes, mûr, légère impression botrytisée…, lanoline. C’est complexe et épanoui. En bouche, gras, grande ampleur, glycériné, belle tension, concentration, grande longueur. Tout est en place. Un archétype de bourguignon blanc, racé, concentré et complexe. EXCELLENT.
Phil
Nez citronné de bourgogne blanc. Bouche encore acide, qui s’harmonise et devient équilibrée. BIEN à BIEN +
Chris
Nez « boisé/beurré » à la façon d’un bourgogne blanc, citronné avec de la finesse et de la longueur derrière. La bouche est assez ronde, fruitée et acidulée, citron mûr et l’élevage qui se manifeste en finale, très longue et salivante. SUPERBE
12) Côtes du Jura, les Grands Teppes VV, Jean-François Ganevat, 2010
Hervé
Jaune, reflets gris, très gras. Nez, asperge, artichaut, pomme blette, cidre, curry, aromatique peu habituelle, mais finalement intéressante, complexe et assez noble, malgré tout. Bouche grasse, ample, très tendue, salivante, longue, onctueuse. La bouche est superbe, le nez interpelle un peu. TRES BIEN++.
Avantage Bourgogne
Phil
Au premier nez ce vin sent l’artichaut, puis apparaissent des arômes fruités et plus doux. Belle bouche mûre. Ce second Ganevat de la soirée est plus digeste, davantage un vin de repas que le
Chalasses précédent. TRÈS BIEN.
Chris
Un nez très sur l’artichaut mais aussi de l’orange, du fenouil et de la bergamote. L’attaque en bouche paraît très légèrement sucrée, c’est acide, fruité (orange) et opulent. On jongle entre la rondeur et l’intensité acide. Très long et rémanent sur une finale acidulée, salivante et légèrement amère. Par rapport au Chalasse du même millésime (ci-dessus), il est très proche, peut-être un soupçon plus austère.
Le Ganevat est très bien mais le Chassagne casse la baraque. Bourgogne 3 Jura 3
13) Arbois, Clos de la Tour de Curon, Domaine Stéphane Tissot, 2008
Hervé
Jaune intense, orange, très gras. Nez, pharmacie, vanille, artichaut, gentiane, c’est complexe, mais brutal. Bouche, grasse, ample, mais extrêmement tendue et vive au point d’en être presque douloureuse:( pour les papilles…. Grande longueur, mais sans élégance. MOYEN.
Phil
Nez pharma et bouche austère. Bof…
Chris
Nez fumé, légèrement fruité, de la pomme, un peu de gentiane et de crème solaire (il faudrait que je retrouve l’arôme). L’attaque en bouche est très sèche, l’acidité perce, volume cylindrique (sensations persistantes d’intensité constante), légère amertume, fruité (orange et citron) mais assez austère. « Très 2008 » à étiquette découverte.
14) Meursault, Charmes 1er cru, Domaine des comtes Lafon, 2008
Hervé
Jaune or, gras. Nez, miellé, presque pétrolé, vanille, fin, doit encore s’épanouir un peu. La bouche est corsée, harmonieuse, glycérinée, complexe. Du bel ouvrage. TRES BIEN ++. 168 francs suisses tout de même…
Avantage Bourgogne
Phil
Nez subtil, doucement douceâtre. Bouche un poil plus acide, mais bel équilibre. TRÈS BIEN - et sans doute une occasion rare de goûter ce vin, vu son prix des plus… saisissants (d’ailleurs j’ai été saisi
).
Chris
Le nez d’abord discret s’ouvre lentement, sur la profondeur. La bouche est fraîche, acide avec un joli volume, du fruité, beaucoup de fruit, quelques notes lactiques. Ce n’est pas trop boisé, peut-être un peu sur la fin quand même ; intense, très long et salivant avec beaucoup de tension.
Le Curon ne démérite pas, il deviendra probablement très beau mais ce soir le Lafon plane au-dessus. On finit en beauté mais faut voir le prix….Bourgogne 4 Jura 3
Hervé
Pour ma part, la Bourgogne l’emporte assez largement. Difficile toutefois de tirer des conclusions totalement objectives de cette comparaison. Le choix des vins, forcément subjectifs, a influencé le résultat final. Les organisateurs semblent avoir notamment plutôt privilégié des domaines jurassiens adeptes du bio, voire des vignerons proches de la logique des vins naturels ou avec peu de soufre, alors que tel semble avoir été moins le cas avec les bourguignons. Ceci a manifestement influencé la comparaison, du point de vue olfactif notamment. Il est d’ailleurs assez éloquent de constater que dans tous les duos, il n’était pas très difficile de distinguer les vins sur leur simple robe, les jurassiens étant systématiquement plus teintés et avec un léger reflet gris ou brun, là où les burgondes étaient plus « pâles », avec parfois des reflets verts. Au nez, les deux typicités étaient encore plus évidentes, les bourgognes plus retenus, parfois même bloqués, de manière générale plus marqués par le bois, les jurassiens étant plus spontanés, sur des notes plus natures, allant parfois jusqu’à des nuances « négligées ». Par contre le prix des grands burgondes est assez douloureux… Au final, ce fut une fort belle soirée, pleine d’enseignements.
Philippe
Merci Hervé pour la compil’ ! Je n’ai rien à ajouter de particulier, tes notes abondantes comme un
jura de Ganevat
compensent avantageusement les miennes, maigres comme un mannequin filiforme... Ah si, un truc quand même : heureusement que le Jura existe, car aux prix où grimpent allègrement les vins de Bourgogne, ce sera bientôt définitivement
exit pour moi
. Et c’est un bourguignon d’origine qui dit ça !
Chris :
Victoire de peu de la bourgogne même si les top cuvées se démarquent nettement. Mais la plupart des bouteilles sont très belles des 2 côtés. J’ai découvert la plupart des Bourgognes, je connaissais une bonne partie des Jura ou en tout cas le style sur lesquels on retrouve souvent une signature aromatique au nez ; à se demander s’il s’agirait d’une caractéristique du terroir (sols, levures indigènes, …) ? Il y a parfois des préférences mais c’est souvent des différences de style qui sont abouties chacune dans leur genre. Merci pour la sélection. Et même si quelques cuvées du Jura sont assez chères (45-60 Euros au max), le prix des Bourgognes présentés ce soir est assez dissuasif.
Hervé