L'histoire est belle et mérite d'être contée.
D'avance, je demande pardon au lecteur de ce qui peut relever de la simple anecdote, mais le geste m'a tellement touché que je ne peux m'empêcher de la partager.
J'ai failli la poster dans le sujet "LPV, c'est aussi ça", mais je pense qu'elle a toute sa place dans la rubrique consacrée à ce - n'ayons pas peu des mots - grand Monsieur.
Il se trouve que je travaille depuis plusieurs année au sein d'une collectivité locale qui a permis le rachat du
Marité, dernier terre-neuvier français en bois. Lancé à Fécamp en 1923, ce trois-mâts barque de 47 mètres est connu pour avoir servi de plateau à l'émission Thalassa pendant un an. Pour nos amis Belges et Suisses, l'émission est regardée en France par les amoureux de la mer ou tous ceux qui, privés de copines (avec un S à copines
) le vendredi soir, n'ont rien d'autre à faire que de comater gentiment devant les plages paradisiaques ou les mérous filmés en gros plan.
Après 6 ans de travaux, le
Marité a enfin retrouvé la mer samedi 30 juin 2012 sous les hourras d'une foule joyeuse et bigarrée. Enfant du pays, l'acteur Jacques GAMBLIN a accepté avec une joie non dissimulée d'être le parrain du navire et de partager un peu de son temps en notre compagnie.
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Marité à quai, peu avant sa sortie inaugurale
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Pour lancer un tel joyau, il fallait un champagne de vigneron. Je ne voulais surtout pas qu'une bouteille de piètre qualité vienne se fracasser sur la proue du navire même si... Mais n'anticipons pas.
Après avoir reçu l'assentiment des modérateurs, j'ai contacté Francis, ignorant absolument qu'il était amoureux de vieux gréements et... d'huîtres de Saint Vaast. Nous n'avons pas vraiment eu le temps de faire connaissance - cela viendra - mais j'ai tout de suite perçu que l'homme connait bien la Normandie et le
Marité.
Je lui ai présenté mon projet de "baptème" du navire avec son champagne. Francis m'a répondu très gentiment en m'expliquant qu'il était énormément sollicité pour ce genre de chose et qu'habituellement il ne leur envoyait qu'une fin de non-recevoir. Une réponse négative aurait été tout à fait compréhensible mais, finalement, il m'écrivit qu'il était très honoré d'être associé à cette fête et que trois magnums de
Murgiers seraient envoyés à Granville :
- "
Un pour le bateau et deux pour l'association" me glissa-t-il, de façon toute naturelle.
J'appelle Gildas pour lui faire part de ce geste. Il m'indique qu'il est au courant et m'envoie une capture d'écran où je découvre que Francis à lui-même conçu la contre-étiquette commémorative de l'événement !:
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Les étiquettes conçues par Francis.
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Samedi midi. Après 3 heures de route depuis Rouen, une arrivée 10 mn avant le début des festivités, de trop longs discours et une cérémonie religieuse traditionnelle, l'heure est venue de fracasser le magnum de
Murgiers sur la proue du navire. Télé, radios, presse écrite, bloggers, services com' de tous poils, public : le quai est noir de monde.
J'abandonne le bateau et les personnalités afin de monter sur le quai pour immortaliser l'événement. A ce moment, j'exulte, pensant au lien qui unira à jamais le
Marité à Francis.
Et c'est la catastrophe... La catastrophe catastrophique. L'équipage, pensant bien faire, à préparé une bouteille de merde au cas où Jacques GAMBLIN aurait raté son coup. Les marins ont eu peur que le magnum ne rebondisse sur la coque ce qui, dans un milieu aussi superstitieux que celui-ci, n'est jamais bon signe. Sur l'échelle des trucs à ne pas faire, pas voir, pas dire sur un navire, la bouteille qui rebondit est classée tout en haut, au même rang que le rongeur à grandes oreilles dont on ne doit pas prononcer le nom.
Je vis néanmoins cet instant comme une trahison, totalement désemparé et désespéré. Tout ceci n'aurait donc servi à rien ?
La bouteille vient se briser sur l'ancre, libérant une mousse abondante qui file vers l'eau salée. A cet instant, je me remémore la devise des sauveteurs en mer :
"Pour que l'eau salée n'ait jamais le goût des larmes". Pas le goût des larmes, mais un goût amer...
Finalement, je décide qu'on ne volera pas Francis. Je retrouve le magnum qui avait été mis au frais et demande au Président des
Amis du Marité de l'offrir au parrain.
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Une bien belle bouteille remise par l'amiral DECHAVANNE, Président de l'association des Amis du Marité à Jacques GAMBLIN en présence de Franck MARTIN, Président du GIP Marité
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Jacques GAMBLIN est d'autant plus touché que je lui raconte les circonstances dans lesquelles cette bouteille est arrivée à Granville. Peu de temps avant, l'enfant du marais avait loué le
Marité qui, selon ses propres mots "
rapproche les hommes". Jacques GAMBLIN s'inquiéte toutefois que ce soit une publicité déguisée. Je lui répond que la notoriété des champagnes BOULARD est acquise et que le vigneron n'attend pas ce cliché pour asseoir sa réputation. L'acteur se fait alors un plaisir de poser avec le précieux flacon.
19 heures.
Marité est amarré quai d'Orléans. Après une sortie en mer accompagnée par de très nombreux navires, les tensions accumulées dans la journée sont évacuées. Pour fêter cette première sortie, nous savourons à notre tour ces
Murgiers. Le soleil enveloppe
Marité de ses derniers rayons, la douceur s'installe et la lumière de cette fin de journée enflamme les acajous du pont. Les bulles dansent dans les verres, nos yeux pétillent et nous nous abandonnons à la sensualité de ce champagne.
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La rescapée !:)o
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Le silence se fait et chacun d'entre-nous trempe ses lèvres dans sa flûte. Nous oublions le tumulte du quai, nous nous adressons des oeillades complices et décidons que, finalement, il aurait été dommage que les poissons profitent d'un si beau vin. En définitive, ce sont les coeurs des hommes qui ont reconstruit ce navire, les coeurs de ceux qui, désormais le feront naviguer, qui ont été baptisés. Cette bouteille restera à jamais le témoin d'un moment de partage, ancré dans nos mémoires comme une évidence.
A Francis et sa fille qui, désormais, sont intimement liés à la vie et l'histoire du
Marité.
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Marité, saluée par les amoureux de la mer
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Et un grand merci à Gildas pour les photos.