Cela fait presque un an que c'était prévu mais le grand jour est arrivé, celui de l'invitation à venir déguster au Domaine. J'avais déjà eu cette chance il y a presque 10 ans mais cette deuxième invitation est encore plus spéciale pour moi car le domaine a eu l'extrême gentillesse de bien vouloir convier également mon jeune papa de 82 printemps qui m'a initié au vin en général et à ceux de Bourgogne en particulier.
Le rendez-vous est fixé ce lundi à 10H00, l'accueil s'effectue à l'ancien cuvier de l'abbaye de Saint Vivant et la vue sur la parcelle mitoyenne du même nom est déjà magique par ce beau matin bourguignon où le soleil fait se lever la légère brume sur les vignes.
Une fois ce charmant accueil effectué Bernard Noblet rejoint notre petit groupe d'une dizaine de personnes (nous sommes les deux seuls bourguignons) pour filer de l'autre côté de la place du village vers les installations techniques et je me dis alors qu'on va peut-être goûter sur fûts, à ce stade je n'ai aucune idée du déroulement du programme à venir.
Après une présentation du domaine et de sa démarche, notamment biodynamique on descend d'un niveau vers les caves d'élevage. L'émotion est déjà bien là mais s'accroit quand M Noblet nous passe des verres et part chercher une pipette.
Et puis c'est parti pour une série de 2014. On commence par le Corton et ça part très fort, le nez est étonnement ouvert, c'est viril mais les tanins très fins, mon papa adore d'emblée! C'est la première fois que je le goûte, Bernard Noblet semble année après année de plus en plus satisfait du cru, on évoque la possibilité quand le matériel végétal sera conforme à leurs souhaits d'isoler les trois parcelles (Bressandes, Renardes, Clos du Roi).
L'Echezeaux qui passe ensuite est dans un registre radicalement different, plus subtil mais plus élégant.
On enchaine avec le Grands Echezeaux, clairement plus puissant mais semblant moins raffiné ; à ce stade les trois premiers vins ont chacun leurs adeptes et moi j'aime tout. Noblet m'indique justement qu'un des grands apports de la biodynamie est de rendre les vins buvables à tous les âges.
On continue avec la Saint Vivant, une jolie femme qui vous caresse mais qui aime une petite fessée à la fin dixit Noblet, en tout cas le nez est superbe, et la bouche... comme notre hôte vient de la décrire !
En comparaison le Richebourg est plus rond, riche, avec sa petite pointe de groseille typique et c'est incrachable!
Je ne sais absolument pas où on va s'arrêter et tout le monde à déjà arrêté de cracher mais on change de salle pour aller vers La Tâche! Là c'est l'explosion au nez, c'est spectaculaire, plus carré que le Richebourg mais très digeste, un sommet!
Je pensais que nous allions en rester là mais le cœur s'accélère quand la pipette replonge dans un nouveau fût, on va goûter la Conti et je vais pouvoir partager ça avec mon papa! Et l'exceptionnel est bien là, c'est à la fois très profond et aérien, une très belle femme à la beauté tant physique qu'intérieure, qui a besoin d'être en confiance pour s'exprimer mais quand elle l'est a tant de chose à raconter que c'est elle qui vous guide et vous emmène très loin... c'est sublime, de la poésie en bouteille et le temps s'arrête!
Une douce euphorie nous a déjà gagnée quand on nous propose de changer de lieu et de rejoindre le bâtiment principal, il y a donc une suite !
Le ciel s'est levé, il fait grand bleu à Vosne-Romanée, la vie est belle, on raterait presque la suite à rester béât le nez en l'air!
Cette fois direction le paradis pour le jeu maison, la dégustation à l'aveugle.
Premier rouge: j'ai l'impression de retrouver la groseille, je ne le dit pas car je ne pensais pas commencer par un Richebourg, j'ai tort, c'est pourtant ça, la bouche est sublime, c'est très grand, ouvert sans être évolué, c'est un 1999!
Le suivant est fabuleux, c'est complexe, gourmand, tellement au dessus du précédent que je me dis que c'est peut-être la Conti, mais non, c'est encore un Richebourg, 1990 cette fois!
Même si leurs vins me semblent en effet maintenant toujours bons (et une Saint Vivant 2005 ouverte la veille l'avait aussi confirmé, je ne t'ai pas écouté JAT!) c'est une démonstration extrêmement puissante du processus de sublimation des vins avec l'âge.
Comme on ne va pas se quitter sans boire un coup de blanc nous voici à nouveau à essayer de deviner, on aura tout entendu mais c'est bien le PMG du domaine, le Batard-Montrachet, en l'occurence un 2007 en très grande forme, somptueux, sensuel, une invitation à l'amour!
Il nous reste à remercier Bernard Noblet pour son extrême gentillesse, sa disponibilité, son érudition en toute simplicité, humanité et convivialité, la classe!
Voilà, en vous souhaitant de vivre pareil bonheur pour ceux qui ne l'ont pas encore vécu, pour ma part un souvenir d'une vie, renforcé par le bonheur du partage d'un moment rare d'un fils à son père.
FX