13 à table, un vendredi 13, il fallait marquer l'occasion d'autant que nous avions 3 rookies en les personnes de Nathalie, Paul et Erwan.
Votre serviteur a eu la responsabilité d'appareiller les flacons pour cette session autour du thème des vins de l'Yonne. Ce n'est pas sans un malin plaisir que j'allais dégoter un sous-thème de derrières les fagots après avoir bien lu, relu voire challengé les listes d'apports. Et ce ne fut pas sans mal à cause des changements surprises jusqu'au jour même du dîner.
Les vins de la dégustation
Les vins du thème sous-jacent
Avant même de commencer les hostilités, d'autres fusent déjà:
"Vue que c'est une dégustation Super-Pingouin, pas le droit de mettre plus de 6,75 / 20 de moyenne". Merci les amis...
Trêve de bavardage, il est temps d'attaquer les rouges.
Arrivé un peu moins en retard qu'à l'accoutumée, l'organisation en arrière salle et l'empressement de certains de mes camarades - ils ne faut surtout pas qu'ils se couchent après minuit sous peine de se transformer en bouchon
- ne m'ont pas permis d'apprécier suffisamment les rouges. Mon impression sera donc globale et laisse donc à mes comparses le soin de rapporter leurs notes.
Série 1: Les rouges
1)
Domaine Colinot Irancy très vieilles vignes 2009, 2)
Dauvissat Irancy 2009 et 3)
David Renaud Irancy 2010. Un peu asséchant mais un panier de fruits rouge brut et agréable en général sans que cela soit une foudre de complexité. Le Dauvissat est discret. Et j'ai une légère préférence pour le Colinot.
Moyen +.
Série 2: les blancs pour se laver le palais
Nous commençons les blancs avec l'échauffement que constitue la seconde série d'autant que le patriarche Alain est pressé "Alors ça arrive la suite?".
4)
Pico-Race Chablis 2011
Même s'ils sont le produit de Georges Pico, le domaine Pico Race conserve le nom du grand-père qui a planté les vignes dont les vins issus alors que ceux du Bois d'Yver proviennent des pieds plantés par la suite.
Le vin est dans un registre bonbon acidulé. La précision est modérée. A la devinette de savoir quel est le vin, beaucoup de mes camarades se lancent sur un pirate, un Marsannay, etc. Mais oui, c'est cela…
Moyen
5)
Domaine Pattes Loup, Thomas Pico, Chablis 1er cru Beauregard 2010
Relativement plus riche que ses 2 compagnons du soir. Un peu beurré, ferrailleux au nez. On retrouve les saveurs en bouche avec une toute fin de bouche légèrement métallique sans que cela ne dérange réellement. Avec un peu d'aération il est plus aimable. Mon appréciation est ajustée en conséquence. Il m'a cependant laissé un meilleur souvenir en Mai au domaine.
AB
La série fut l'occasion d'un échange croustillant
"- Mais Thomas Pico, c'est le même Pico que précédemment, il a un père?
- La plupart des fils ont un père". Notre doyen s'est extirpé de sa torpeur avec son verbe acerbe légendaire. Croyez moi, ce n'est que le début.
6)
Christophe Camu Chablis 1er cru Beauroy 2007
A la première gorgée, on imagine la volonté du vigneron de mettre l'accent sur le citronné, la verticalité. Les arômes tendent plutôt vers le krema agrume que les fruits en tant que tels. En lisant Yann, cela s'apparente à ses notes savonneuses. Je ne perçois en revanche pas autant l'oxydation que mes comparses à l'autre bout de la tablée. J'apprécie l'effort de verticalité mais ce n'est pas ce que j'ai goûté de mieux en Chablis.
Moyen +
"Même à 5 €, j'achète pas" tiens Olivier a été contaminé par Yves? Il imite le patriarche ou il imite Yves imitant le patriarche?
A noter que pour la série, je n'ai jamais vu un "enleveur" de chaussette aussi rapide qu'Alain lorsqu'il s'est agi de révéler les bouteilles. Ou comment tuer le suspens, peu de temps pour jouer à "quelle bouteille est-ce?" avec les autres :p
Série 3: La balade peut commencer
Pour le sous thème du soir vous imaginez bien que j'ai veillé à ce que les bouteilles ne finissent pas de son côté
.
Au moment de servir le duo suivant et attribuer un numéro dans une joyeuse cacophonie, notre ami L. dont nous tairons l'identité s'exclame "Mais il n'y a pas de 9?!". Ce à quoi s'empresse de répondre notre sage avec sa logique implacable "Si, après 8". En grande forme je vous dis, je ne sais pas ce qu'il avait pris mais il était intenable!
7)
Dauvissat Chablis 1er cru Forest 2009
On perçoit à la condensation sur le verre que le vin est sans doute trop froid. Ce n'est pas faute de l'avoir sorti en avance de la chambre froide. Je plonge mon nez dans mon verre… je le réchauffe - le verre, pas mon nez - Je le plonge de nouveau… C'est sûr, ça sent le minéral, à savoir: rien.
Sur les papilles, c'est nettement plus expressif avec une trame très acide et un fond de palais qui commence à miéler.
Aéré pourtant depuis la veille, on peut raisonnablement penser que le vin est dans une phase fermée.
AB-
8)
Dauvissat Chablis 1er cru Forest 2007
Ce vin est intéressant car au nez et en bouche, on perçoit qu'il est en train de basculer de registre. Aéré, il part sur des notes de miel d'acacia. Nous dirons même acacia des vosges, ruche n°27, abeille 498
. En bouche il est acide et gras à la fois, légèrement aqueux au 2/3 de sa durée. Ca manque de complexité et l'on voudrait que la structure soit davantage portée au milieu.
J'avais laissé un fond à mon épouse. Elle me dit en rentrant qu'elle l'a trouvé hyper acide, vertical, ce qui est plus conforme à mon sentiment jusqu'alors du millésime.
AB+
En tout cas, il a fait effet sur mes camarades. S'ensuit une discussion qui a descendu de nombreux crans et où chacun ajoute sa part à l'édifice
"- Ca sent la xxxxxxx de Caribou, nous sort Erwan le nouveau qui n'a pas froid aux yeux.
- Ca change de la sueur de biche (spéciale dédicace à Yves), lui répond Laurent.
- Je ne sais pas, je n'ai jamais mis ça dans ma bouche, rétorque notre québécois Alex et son accent incompréhensible (oui je sais ça fais cliché
).
- Demande à Laurent il sait distinguer la droite de la gauche."
Il est vraiment temps que j'apporte la suite.
Série 4: Les cousins sur 2006
9)
Dauvissat Chablis 1er cru Forest 2006
"Voici le numéro 9".
Une robe très claire. Le nez sans en être une caricature présente du bouchon, un peu de noix. Et Georges nous gratifie immédiatement d'un "ça y est j'ai retrouvé le vin de Yann!!!". Il n'a pas tort le bougre.
Si l'on tente d'en faire abstraction. Ce n'est pas mauvais en bouche, c'est plus acide que son compère de binôme au premier abord. Dommage cependant.
NN
"Yann, sois tu es maudit, soit ton caviste dit à ses amis "les gars, j'ai trouvé un bon filon pour refourguer mes bouteilles daubées"" Et nous on commence à se demander si Yann n'a pas aussi trouvé son filon avec LPV75
10)
Jean-François Raveneau Chablis 1er cru Forest 2006
Une parure très claire et limpide également. Ce sera la seule ressemblance. Le nez et la bouche sont plus végétaux. Un léger gras, un début de miel, de l'ananas. Cela me semble manquer de tension après le Dauvissat. Pour vérifier s'il s'agit d'un effet d'accoutumance, je bois un verre d'eau, attend un peu et goûte de nouveau le vin. Le manque est comblé de manière perceptible. C'est tendu, ample et bien équilibré. Très beau.
TB-
"- A la vue de la cire jaune, je pense que c'est un Raveneau.
- Pourquoi un serre jambe?" Nous avons perdu Olivier
Série 5: du miel de la Forest
Last but not least
11)
Dauvissat Chablis 1er cru forest 2002
Un début d'oxydation. Du miel en bouche et en fin de nez. Autant la première partie gustative est peu causante, autant la fin se fait nuance sur la cire et le miel. Et elle dure, elle dure, elle dure…
Bien- outre les touches oxydatives
12)
Dauvissat Chablis 1er cru Forest 2003
Nez sur la réduction. De la reine claude bien mûre d'abord puis de la cire, du miel en bonbon. Le vin manque de vitalité, de tension à mon goût. La longueur est cependant remarquable.
Bien
13)
Dauvissat Chablis 1er cru Forest 2004
La bouche joue sur le calisson sans sucre par son côté fruit et amertume. Il est l'un des seuls à ne pas être monocorde dans la composition de sa partition. Il y a l'attaque, le corps et une finale. Et une acidité qui porte le tout. Il est à la frontière du miel. C'est long.
TB-
En bonus Paul: Château Lafaurie Peyraguey 1983. Conforme à ce que j'avais déjà goûté en ancien chez eux avec une note mentholée/chlorophylle supplémentaire qui donne de la fraîcheur. Je ne suis malheureusement toujours pas adepte des liquoreux.
Dans le dernier triplet, le 2004 a pour moi été avantagé par sa dernière position. Mais il fallait certainement le mettre à cette place sans quoi notre vue de 2002 et 2003 aurait été faussée. En goûtant 2003 ensuite de nouveau il présentait davantage de qualités. La structure mielleuse était portée par l'acidité persistante du 2004. Le Chablis tel que je me le représente idéalement dans le temps d'une gorgée c'est Forest 2004 pour la plupart avec la conclusion de 2003 pour son évolution.
D'ailleurs la réflexion ne fut pas courte quant à l'ordre de dégustation. Fallait-il respecter la coutume de commencer par les plus jeunes, donc les plus vifs, pour terminer par les plus évolués au risque de reprocher à ces derniers un manque de pep's et de volume ? La pause faite sur Raveneau me laisser penser qu'au delà des bouteilles défectueuses, les déceptions toutes relatives proviennent en partie de cela. C'est certain, mes prochains Chablis, je les bois seuls.
Une constante néanmoins lorsque l'on prend un peu de recul. Tous les Forests bus, sans atteindre la grande complexité qui reste l'apanage de ses grands crus, sont nets. La structure et le volume sont parfaitement délimités et précis en bouche. Le chemin est tracé de manière rectiligne.
Merci pour cette très bonne soirée les amis.