Je me rappelle d’une longue discussion de plusieurs pages sur ce fil : Dom Pérignon est il trop cher ? (question insoluble). Les amateurs éclairés ne devraient pas boire Dom Pérignon car il y a meilleur ailleurs. On avait même pu comparer Egly Ouriet à Dom Pérignon. Etonnante comparaison. Il faut laisser Dom Pérignon aux nouveaux riches qui sont près à payer l’étiquette tant chez le caviste qu’en boîte de nuit. Enfin nous avions abordé la question des millésimes qui ne méritaient pas de sortir ou qui sortaient bien trop tôt pour satisfaire la soif des nouveaux riches sans goût.
Et alors ça donne quoi une dégustation de Dom Pérignon en boîte de nuit réservée aux buveurs d’étiquettes sans goût ? N'en déplaise aux sceptiques, c'est toujours aussi bon
Dom Pérignon 2004
Oublions la robe, invisible dans la pénombre du club. Tout juste peut on apercevoir les bulles danser, en parfaite harmonie avec les créatures voisines se déhanchant au rythme des musiques de plus en plus entêtantes.
Le nez est expressif sur les fruits blancs, les fruits secs et des notes grillées. Nez de plus en plus floral à l’aération. Il faut dire que depuis qu’il est interdit de fumer en boîte de nuit, c’est mieux pour percevoir les arômes…
On retrouve en bouche toute l’élégance de Dom Pé, c’est aérien, minéral et précis avec une bulle très fine mais joyeuse. C’est déjà soyeux et rond. La finale persistante et subtilement épicée est séduisante et énergique. Peut être un futur millésime référence ? Ce champagne donne envie de danser, de se lâcher. Il a une fougue communicative mais je ne suis pas certain d'être aussi gracieux que lui.
Ce champagne correspond en tout cas parfaitement à l’atmosphère frivole du lieu.
Dom Pérignon 2003
Il reste encore quelques rares 2003 dans les caves des discothèques parisiennes. Millésime que j’affectionne moins. Certains apprécient justement parce qu’on ne reconnaît pas le style de la maison dans ce millésime atypique.
Au nez, on perçoit des notes de citron confit et des notes plus classiques de fruits secs et de notes toastées, mais tout semble plus lourd que le vin précédent, à moins que ça ne soit la température qui monte dans le club X(
Je dois reconnaître une belle vinosité en bouche avec une grosse densité mais je ne retrouve pas le côté aérien que j’aime tant chez Dom Pé. Un champagne racée avec de beaux amers mais qui manque d’élégance.
La gente féminine redemande du 2003 plutôt que 2004, je ne me l’explique pas. J’aurais parié sur la finesse du 2004. L’une s’exclame : « j’aime le fruit, je trouve qu’on sent vraiment le fruit dans celle-ci ». Diantre, voilà encore une idée reçue qui tombe ! Les femmes en boîte de nuit apprécient vraiment le champagne et garde même une capacité d’analyse malgré le degré d’alcoolémie élevé.
Dom Pérignon Rosé 2003
En fin de soirée, on se dirige vers le Rosé 2003. Pas un grand fan des rosés de la maison mais il faut reconnaître un nez enjôleur sur la figue, la fraise et la vanille qui se mêle à merveille avec les parfums féminins. Presque trop riche, écœurant avec un côté crème glacée bien fruitée mais surtout bien sucrée !
Pourtant la bouche est étonnante de minéralité avec une finale iodée et épicée très salivante. Déroutant et plutôt bon.
Le rosé fait toujours son effet auprès des créatures présentes, dont elles pourraient être l’égérie. Maquillé aux premiers abords, ce champagne s’est finalement révélé profond, complexe, épicée et salivant.
J'ai trouvé ces champagnes en harmonie parfaite avec l'ambiance, les personnes, une sorte d'accord parfait lieu/vin. Le 2004 en ouverture, aérien mais énergique, comme pour se lancer. Un 2003 riche et chaleureux à l'image d'une atmosphère torride. Et un rosé 2003 aguicheur, troublant, à la mesure du pouvoir ensorcelant de Paris la nuit...
Cette soirée confirme si il en était encore besoin que le champagne a un statut à part dans le monde du vin. Ce breuvage est probablement celui qui est le plus dépendant des conditions de dégustation. On déguste rarement un champagne seul et il accompagne souvent des moments intimes et/ou des moments festifs. Ce nectar magnifie le moment et leur donne une autre dimension… Il permet de saisir un moment éphémère exquis, comme ce fut le cas ce soir là.
J’ai adoré Dom Perignon en famille, j’ai adoré Dom Perignon avec ma copine, j’ai adoré Dom Perignon dans le cadre décrit ici. Inutile de nier que l’étiquette et le contexte ont sûrement influencé mes impressions… L’ambiance psychédélique et jubilatoire oblige à apprécier tous les flacons dégustés. Effet du mythe, du contenant ou du contenu. Peu importe, la magie opère !
Romain