Les SYLVANERS DE NOS CAVES
Sylvaners (cépage dit feuille-ronde) d'Alsace.
By
themistocle
Notre association, a désormais suffisamment de bouteille pour se nourrir d'elle même et n'hésite pas à solliciter la cave de ses membres pour alimenter une thématique qui, même en terrain conquis, passe encore trop souvent comme incongrue.
Longtemps en marge de ses compagnons dits « nobles », exploité depuis toujours comme vin de coupage, puis finalement arraché consécutivement au succès commercial des mono cépages, le sylvaner s'offre incontestablement un renouveau qualitatif, la dérogation faite récemment au Zotzenberg autorisant l'affichage du cépage en grand cru étant significative et, espérons le, emblématique. L'obtention d'un vin fin impose qu'on lui consacre une véritable identité de terroir, mais aussi la patience et le travail sur le long terme qui font des vieilles vignes les vecteurs que mérite le cépage
Notre palette est étendue, tant pour ce qui concerne les millésimes (90 à 2005), les terroirs (de Rouffach à la couronne d'or) ainsi que les maturités (du coupant au moelleux du vin de glace).
L'ordre de service a été déterminé en montant dans la perception du sucre restant.
1 – Gérard Neumeyer à Molsheim.Sylvaner Vieilles vignes 1996. 11°5 : la robe pâle, le premier nez sur le mousseron puis le fumé. L'attaque franche annonçant comme de juste la linéarité armée par une acidité patinée sans déviance malique. Se goûte sec doté d'une belle tenue sur la matière en finale. 13,5/20.
2- Frédéric MOCHEL à Traenheim. Sylvaner 1990. 11°: le robe pâle avec des reflets verts. Le nez est fin floral et d'agrumes et légèrement pétrolé. La bouche d'un toucher plutôt subtil fondue autour d'un échange entre l'acidité et l'amertume. Comportement rectiligne, se goûtant sec, la finale éfilée sur le citron vert et une composante saline. Le vin qui a perdu son fruit garde une belle tonicité et ne fait pas son âge. 14,5/20.
3-André OSTERTAG à Epfig.Sylvaner Vieilles vignes 2005.12°: L'âge moyen des vignes est de 45 ans, la viticulture en biodynamie, le rendement de 50 à 70 hl/ha. Pressurage pneumatique, embouteillage au printemps.Le domaine nous a renseignés en nous informant d'une garde possible de 4 à 5 ans en fonction des millésimes, le goût d'André Ostertag étant de le boire dans son fruit les deux premières années, avis que nous partageons pour avoir goûté 2005 puis 2000.
2005:La robe est pâle, le premier nez légèrement levuré laissant rapidement place à une expression généreuse de fruits à chair jaune (mirabelle). L'attaque laisse percevoir un tout petit peu de sucre résiduel, parfaitement distribué tout au long du défilement en bouche. Le vin est gourmand, dans le croquant tout en s'adossant sur une belle matière soutenant la finale. 15/20.
4-André OSTERTAG à Epfig.Sylvaner Vieilles vignes 2000: la robe est légèrement dorée, le nez pas très défini imprégné d'une composante fumée avec en arrière fond le discret confit d'agrumes. La bouche est plutôt austère par effet de contraste avec le croquant du 2005, doté toutefois d'une dimension tactile interessante, la forme et le fruit s'étant dissolus rendant l'expression globale un peu floue, cette cuvée vinifiée pour son fruit étant désormais passée, le tout étant en conformité avec les intentions du vigneron. 13/20.
5-Domaine Julien MEYER à Nothalten.Sylvaner « Zellberg » 1998.12°5: terroir argilo-calcaro-gréseux. La robe est paille, le nez riche et complexe très nourri d'une composante grillée appartenant au cortège empyreumatique mais aussi les peaux d'agrumes confites et le rapport au raisin. La présence en bouche prolonge la richesse du nez, l'expression étant vive sur une acidité noble tempérée par la matière. Il reste la magie du fruit qui le dispute à la minéralité. Le vin se goûte absolument sec , la finale tout en longueur sur le citron confit préparé au sel. Un pied de nez complet au vin de comptoir et, à n'en pas douter, un vin d'auteur. 17/20.
6- Domaine DIRLER à Bergholz. Sylvaner vieilles vignes 1999. 13°: assemblage de la Wanne sur le grand cru Kessler (gréseux) dont les pieds de sylvaners ont été plantés en 1958 avec des parcelles aux alentours, plantées à mi coteau en 1970. Depuis 2002 le domaine intègre une parcelle issue du Saering. Jean Dirler se montre très confiant quand à l'aptitude à la garde , le 99, de son avis, se goûtant bien en ce moment.
La robe reste jeune, très légèrement dorée, le nez mûr, ouvert et généreux sur les pâtes de fruit (poire, coing), la bouche est coordonnée avec une petite douceur en attaque qui n'empiète en aucune façon sur la précision du déroulement en bouche. La linéarité joue avec la souplesse du toucher issu du grès, le croquant associé à une composante muscatée donnant à cette cuvée jeunesse et fraîcheur. 16/20.
7-Domaine Albert SELTZ à Mittelbergheim. Sylvaner « Zotz » 1995. 11°5: A moins que la situation n'ait changé recemment, le domaine produit sur le Zotzenberg (marno-calcaire) 3 cuvées.La première « Zotz » vinifiée en vin de fruit à boire dans les 3-4 ans. La seconde « Zotzenberg »vieille vignes, souvent en V.T. sèche à boire vers ses 10 ans. Enfin « La colline aux poiriers », V.T sur le sucre, issu de tries et à reserver pour la longue garde, 20 ans. Les vignes sont en haut de coteau plus riche en calcaire.
La robe est paille luminescente, le nez fossile dominé par le naphte (pétrole), la bouche déshabillée, seule persistant une amertume plutôt noble en finale de ce vin désormais passé.
8-Domaine Armand GILG à Mittelbergheim. Zotzenberg Vielles vignes 2001.12°5: la robe est pâle, le nez perturbé par un peu d'acidité volatile, l'aération ne parvenant pas à ouvrir le registre aromatique. La bouche est calquée sur l'impression première, le vin étant muet et mal défini. Problème de bouteille?
9- Domaine RIEFFEL à Mittelbergheim. Sylvaner Zotzenberg 2005. 13°: Les vignes sont en millieu de coteau plus riche en marnes que sur le haut, l'âge moyen entre 40 et 50 ans, issues de sélection massale. Lucas Rieffel qui nous aura sagement prévenus de débarrasser le vin de son perlant avant dégustation considère la pleine expression de son Sylvaner vers 5-6 ans.
La robe est pâle, le premier nez assez discret sur le tabac blond, la bouche croquante, nette sur une acidité mûre, réglissée, fraîche et tout en devenir. A l'aération, le vin lève pudiquement le voile sur ses potentialités. A réévaluer sans doute avec beaucoup de bonheur dans deux trois ans. 16/20 potentiel.
10-Domaine Albert SELTZ.Sylvaner « Zotzenberg »Vieilles vignes 1995.12°: la robe légèrement dorée et un peu phosphorescente, le premier nez épanoui riche d'un miel de résineux, d'encaustique,de grillé mais aussi de la poire, le tout complexifié par une pointe pétrolée. Encore un semblant de sucre en attaque, le toucher qui offre sa patine jouant sur la tension entre force et finesse. La longueur sur l'ancrage calcaire termine cette expression aboutie de ce que le botrytis peut magnifier. Dans la suite du Zotz sur le même millésime, la démonstration est édifiante quant à l'apport que constituent l'âge des vignes et la recherche d'une certaine maturité de fruit.Très beau et à boire.16,5/20.
11-MURE à Rouffach. Sylvaner.Clos St Landelin (Vorbourg). "Cuvée Oscar " 1995. 12°: Terroir marno-gréseux. Autrefois réservée au domaine, cette cuvée adorée d'Oscar ,le grand père, est devenue pour la première fois accessible au public en 1976. Les vignes sont plantées sur le clos, l'âge moyen de 60 ans.
La robe est dorée, le premier nez fumé minéral de pierre à fusil puis le confit d'agrumes. L'attaque est nette, la bouche souple et ample sur une maturité fondue coordonnée au nez, le vin se goûtant sec désormais. La finale laisse transparaître la complexité issue du terroir avec une touche tisanée de plantes aromatiques (tilleul?) associée à une composante iodée. Fondu dans une belle dimension horizontale et à boire. 15,5/20.
12-Seppi LANDMANN à Soultzmatt. Sylvaner Vallée noble. Cuvée Hors la loi.1992. 12°5: les vignes âgées sont plantées sur le Zinnkoepflé (calcaro-gréseux), les conditions particulières du millésime marquées par une pluie continue à partir du 26 octobre menant à une conduite obligée des raisins vers la surmaturité moyennant une sélection drastique, la vendange du sylvaner étant conduite dans le brouillard du week- end du 11 décembre. "Hors la loi" dénomme logiquement ce jus dont la qualité V.T. n'est pas considérée par les textes. 1992, année difficile, inaugure donc cette cuvée qui, depuis, a fait des petits, monsieur Landmann n'hésitant pas à rechercher la surmaturité sur son sylvaner quand les conditions s'y prêtent.
La robe vieil or, le nez plutôt discret associant l'encaustique, le caramel et le grillé. La bouche est diaphane d'un toucher subtil avec une composante tourbée. Le vin qui est en phase involutive conserve une trace subtile de son origine calcaire. Seppi Landmann l'apprécie sur un plat d'automne comme une cassolette de champignons sans doute légèrement crémée. Nous le suivons volontiers. 14/20.
13 -Domaine Armand GILG à Mittelbergheim. Zotzenberg 2005.13°5: la robe est claire, le nez généreux sur les fruits à chair blanche ainsi que le floral. L'attaque est encore sur le sucre, le milieu en bouche gourmand et fruité. Le tout reste un peu fabriqué, manquant de fraîcheur. 12/20.
14-Alfred WANTZ à Mittelbergheim. Sylvaner Zotzenberg 2005.13°: la robe pâle, le nez sur une dominante florale relayée par les agrumes. La bouche déçoit, imposant son sucre en entrée rapidement suivi par un corps dilué sans aucune persistance. Aujourd'hui l'expression est franchement variétale. Pas sûr que le terroir ne pointe un jour. 10/20.
15-Domaine LOEW à Westhoffen. Sylvaner Racine de Sylvaner. « Reine des glaces »1998. 13°: Marnes vertes. Le grand père d'Etienne Loew estime le sylvaner comme un noble cépage, la parcelle qui lui est consacrée ayant 70 ans d'âge, le domaine fournissant un effort conservatoire de la richesse génotypique du cépage en proposant depuis 2005 un sylvaner rouge issu de sélection massale qui se présente comme un rosé structuré. Concernant l'aptitude à la garde, Etienne Loew considère son 99 bon à boire en ce moment.
Les conditions climatiques ont autorisé la confection d'un vin de glace en 1998 consécutivement aux gelées du petit matin d'un jour de novembre, les raisins étant pour moitié passerillés, pour moitié botrytisés. La robe est légèrement dorée, le nez de zestes d'agrumes et le grillé du botrytis. La bouche est en largeur sur une tension animée par le dialogue sucré-salé, avec une petite rétraction en finale qui apparaît faussement courte. Un vin encore en train de se faire et à oublier quelques années encore en attendant l'harmonisation. 15/20.
16-Agathe BURSIN à Westhalten. Sylvaner "Eminence" 2004. 13°: Vieille vignes vendangées en surmaturité sur le Zinnkoepflé déjà visité avec Seppi Landmann. La robe est pâle, le nez jovial et gourmand du raisin, une belle matière en bouche recroquevillée autour du noyau calcaro-gréseux. Se goûte demi-sec, la douceur muscatée étant bousculée par la virilité de la composante minérale , le vin qui est long sur de beaux amers demandant du temps pour se détendre. J'ai en tête un merveilleux accord liant cette cuvée en 2005 à une bouchée croustillante d'anguille fumée servie le printemps dernier à l'Arnsbourg. 16,5/20 potentiel.
17- Domaine LOEW à Westhoffen. Sylvaner Vérité de Sylvaner « le préféré de Mathilde » 2005. 13°: la robe légèrement dorée, le nez en retenue. La bouche est très nourrie et fait le grand écart entre le sucre en entrée puis les amers, le vin demandant du temps pour s'harmoniser. 14/20 pot.
18-Domaine Albert SELTZ à Mittelbergheim. Sylvaner « la colline aux poiriers »2001. 14°: l'étiquette annonce élégamment la présence de sucre ainsi que l'issue de tries. La robe est légèrement dorée. Le nez généreux et frais des fruits à chair blanche dominé par la poire sans aucune pointe de surmaturité. L'attaque encore sur un sucre de raisin de muscat instantanément modérée par la charge minérale. La bouche tonique d'un demi sec est encore rustaude comme un bon pain d'épices, demandant à fondre ses registres, ce qui devrait s'opérer sans nul doute dans les cinq à sept années à venir, le vin s'annonçant des plus beaux. Belle persistance tant dans le registre aromatique intense que sur les éléments structuraux. 18/20 potentiel.
19-Domaine Julien MEYER à Nothalten.Vieilles vignes de Sylvaner 1997. 12°5: 1997 est un millésime un peu à part en Alsace, qui a vu les titres en sucre monter très rapidement à l'automne, à l'image de 1947. Patrick Meyer, afin de manger le sucre résiduel d'un 15° potentiel a opté pour un an d'élevage en ouillant, puis deux années sans compensation des pertes. Le résultat en fait un marginal d'exception, raison pour laquelle cette cuvée a été placée en fin de dégustation, laissant au vin tout le temps de déployer ses registres dans le verre.
La robe est dorée, le nez envoûtant mêlant l'austérité du rancio et la fraîcheur du raisin. La conduite est linéaire et précise en bouche, à l'image de ce que pourrait être un fino marqué par la brise marine. L'étonnement nait de la tension que confère le " mano a mano" entre le rappel au fruit et la vigueur d'une acidité modelée en souplesse par la charge du terroir. Les registres se succèdent en rétro olfaction passant des peaux d'orange au fumé de la roche, la persistance étant racée sur le tranchant. Ce vin rendu indestructible par ses conditions d'élevage, n'aura eu aucune peine à passer après les vins riches en sucre et nous aura permis de clôturer cette dégustation tout en sérénité. Bravo au vigneron qui démontre ce que l 'adaptation aux exigences du millésime associée à la liberté d'intervention peuvent donner de meilleur. 18/20.
Comme toujours, nous avons produit l'effort nécessaire, un brin contre nature, pour ne pas finir conformés comme la feuille et avons terminé par conclure.
Il apparaît clairement que le cépage est doté d'une « transparence » dans la traduction du terroir assez proche de ce que donne le riesling avec sans doute moins de verticalité, l'empreinte variétale, quand elle est perceptible, se donnant toujours sous un jour tendre et gourmand . Sa plasticité est étonnante pour ce qui concerne les différents partis pris en matière de vinification et une véritable personnalité dans l'expression nous encourage à goûter de ces cuvées chez les meilleurs.
Je reste à votre disposition pour tout éclaircissement.
Bien à vous tous.
Lionel.