Une très belle dégustation que celle à laquelle nous a convié Laurent Mélotte ce mercredi 8 mars autour de quelques grands crus alsaciens et du riesling pour l'essentiel.
Etant donné qu'il distribue les vins présentés, il n'a pas souhaité mettre son CR sur LPV, je m'en charge donc moi-même, en l'agrémentant de mes propres commentaires (en italique dans le texte).
Bonne lecture !
Mise en bouche
Mer et coquillages 2004, Riesling, Pinot gris et sylvaner, Julien Meyer
Pour se mettre papilles sur cale, un vin sec où le pinot gris domine au nez, léger fumé et le riesling en bouche. C’est bon, rafraîchissant, un vin de soif. Peu de commentaires toutefois, manifestement les participants sont venus pour les grands crus !
Un nez sur les fruits blancs, floral, avec des notes fumées et de craie. En bouche, l’attaque est ample, assez grasse tout en conservant une belle acidité, mais finit assez court. ***
Rieslings Grand Cru 2001
Couple 1
Pirate : Pinot blanc vieilles vignes, Martin Schaetzel
Robe dorée, premier nez sur la truffe ; ensuite les fruits blancs mûrs (pêche) s’imposent. La bouche est étoffée, c’est assez rond, la finale courte est sur une minéralité plaisante. Le pirate est reconnu de suite, mais on le situe plutôt en Loire (chenin) qu’en Alsace, une belle surprise.
Robe jaune assez claire, limpide. Nez assez peu expressif, fruité, sur la pêche, floral, avec une minéralité à l’arrière-plan. En bouche, belle attaque sur la fraîcheur puis le vin prend du volume, bel équilibre et longueur moyenne. A l’aveugle, j’étais parti sur un chenin… ***
Grand Cru Pfersigberg sans soufre, non filtré, 2001 (Terroir calcaro- gréseux), Gérard Schueller
Dégusté à l’aveugle, il ne faut pas être grand clerc pour identifier que le vin est non filtré et sans soufre. La robe est opalescente, dorée et s’assombrira au cours de la dégustation. Le premier nez sur la pomme blette est un peu caricatural. Mais à l’aération, les agrumes confits et les épices apparaissent. L’attaque est perlante ce qui gêne un peu certains dégustateurs. Une bouteille jumelle mais vinifiée plus traditionnellement présentait un peu de sucres résiduels ; le perlant est peut-être dû à un regain de fermentation. Ce n’est pas grave, mais un carafage aurait dû s’imposer. Si le nez était controversé dans son appréciation, il en est de même pour la bouche, mais ce ne sont pas les mêmes dégustateurs. Si certains lui reconnaissent une acidité fine, nette et très intéressante, d’autres la trouvent trop verte (acide malique ?). Le vin, sec, a une belle longueur et une belle matière et la finale est à l’avenant. Mais il est loin de plaire à tout le monde, ce qui était attendu. J’entendrai cependant dire « heureusement que Schueller ne fait que quelques rares cuvées totalement sans soufre… »
La robe est trouble, évoluée, ça fait peur ! Le nez est comment dire… particulier, nettement oxydatif sur la pomme blette, la poire, avec d’intéressantes notes de thé. En bouche, l’attaque est tranchante, l’acidité incisive étant encore accentuée par le côté très sec et légèrement perlant. Cependant, je lui trouve en bouche des qualités insoupçonnées au nez car son acidité ne me dérange personnellement pas et je suis impressionné par la très grande longueur minérale qui caractérise la finale. Néanmoins, on se trouve ici dans un registre à mon sens un peu trop extrême que pour apporter un réel plaisir. Je préfère de loin la même cuvée en version légèrement filtrée et soufrée à la mise. ***
Couple 2
Grand Cru Steinert 2001 (Terroir Calcaire), Pierre Frick
Beaucoup plus d’unanimité pour celui-ci qui présente un nez très pur et très mûr. Une belle déclinaison d’agrumes frais et confits; une touche de menthol ou de camphre et une minéralité naissante. Les fruits blancs mûrs voire exotique apparaissent à l’aération et en retro-nasale. En bouche c’est gras mais fin sur une légère présence de sucres résiduels qui gêne un peu 1 ou 2 dégustateurs.
On retrouve au nez des notes beaucoup plus classiques d’agrumes bien mûrs qu’accompagnent une superbe minéralité et des notes légèrement anisées. Le sucre résiduel est bien perceptible en bouche, mais il est parfaitement équilibré par une remarquable acidité, tranchante, qui prolonge notre plaisir tout au long de la longue finale. J’ai beaucoup aimé ! ****(*)
Grand cru Muenchberg 2001 (Terroir gréso-volcanique caillouteux), Julien Meyer
La robe plus dorée laisse penser que ce vin est élevé sans ou avec très peu de soufre. C’est le cas ! Le nez est totalement différent du Steinert, plus discret, sur la mie de pain, le toast, légèrement minéral et fumé ; un nez intrigant. L’attaque est puissante et le vin développe un corps massif mais superbement équilibré par une acidité que certains trouveront « mûre ». Le tout est taillé dans la roche, sans sucres résiduels. Un coup de cœur pour certains, une découverte à apprivoiser pour d’autres.
La robe est plus intense que celle du précédent. Le nez fait montre d’une grande originalité et me fait perdre un peu mes repères habituels. Miel, épices, voire pain d’épices, notes grillées, levures, avec peut-être un côté très légèrement oxydatif mais sans comparaison avec le vin de Schueller. Je suis en revanche rapidement conquis par la bouche, au caractère sec, strict et tendu, avec une magnifique acidité mûre, un équilibre remarquable et une très longue finale dans laquelle je retrouve les notes citronnées et minérales caractéristiques du cépage. Un très beau vin dont je suis curieux de suivre l’évolution dans le temps. ****
Rieslings Grand Cru 2004
Couple 3
Grand Cru Schlossberg 2004 (Terroir de Granit) Martin Schaetzel
Un nez floral très ouvert qui laisse immédiatement penser au Schlossberg (Bravo Anne !). Ensuite, des fruits mûrs, un peu de miel et une minéralité naissante. Un corps svelte mais bien fait ; quelques grammes de sucres résiduels qui se fonderont au vieillissement. De l’avis général, très bon.
Robe jaune or pâle, nez sur le gingembre, les agrumes, une belle minéralité et surtout un côté floral dominant. En bouche, on note une sucrosité assez présente, beaucoup d’ampleur, de gras, le tout étant très bien équilibré grâce à une heureuse acidité. Très belle longueur. J’aime beaucoup. ****
Grand Cru Kirchberg de Barr 2004 (Terroir Argilo-calcaire), Vincent Stoeffler
Celui-ci est beaucoup plus fermé et semble moins puissant. C’est la marque du Kirchberg qui nécessite quelques années pour débrider son austérité. Le nez est toutefois minéral et légèrement fumé, la bouche plus sèche que le vin précédent est toutefois assez ronde et équilibrée par une belle acidité. Il recueille les suffrages de quelques dégustateurs pour cette droiture. Un riesling de facture plus classique peut-être. C’est en tout cas un superbe rapport qualité prix.
La robe se montre légèrement plus intense que celle du précédent. Le nez est fumé, très minéral, avec également des notes de pêche, de fleurs blanches et de miel. En bouche, il est plus sec que le précédent, présente également moins d’ampleur et de gras, mais se révèle bien équilibré. La longueur est très légèrement en retrait également. Quoi qu’il en soit, c’est tout de même très bon ! ***(*)
Couple 4
Kaefferkopf Nicolas 2004 (Terroir Argilo-Calcaire), Martin Schaetzel
Nez puissant de mandarine et d’épices (gingembre), très mûr et parsemé de notes de miel floral. Moi j’adore ! La bouche est puissante, mais sa confrontation avec le Rangen laisse croire que le Schlossberg l’était plus. Je ne crois pas que ce soit le cas, la confirmation sera apportée par une comparaison ultérieure, le Schlossberg plus en dentelle et moins acide, le Kaefferkopf plus puissant et acide ; les deux reflétant bien leur terroir. Par deux fois j’avais préféré le Schlossberg, cette fois mes faveurs vont au Kaefferkopf, qui mérite amplement de rejoindre le cercle des grands crus.
Robe jaune or pâle. Nez sur la mandarine, les écorces d’agrumes, avec un côté floral moins marqué que pour le Schlossberg, mais bien présent. En bouche, on retrouve la même légère sucrosité contrebalancée par une grande acidité, de l’ampleur et une très belle longueur. Un large cran en dessous du Rangen, particulièrement en terme de puissance, je l’ai regoûté en comparaison avec le Schlossberg ensuite et je l’ai une nouvelle fois trouvé légèrement supérieur, comme lors de la première dégustation avec le CDR belge. ****
Grand cru Rangen de Thann 2004 (Terroir Volcanique), Martin Schaetzel
Pas de doute, c’est le Rangen qui devrait se déguster à genoux tellement c’est grand. Le nez est typiquement fumé et déborde déjà d’épices. C’est massif, chaleureux, mais le tout est superbement intégré dans la chair du raisin et son acidité. Hors norme, il effraie même certains dégustateurs.
Je m’incline une nouvelle fois devant la grandeur de ce terroir, tant cette bouteille a dominé sa série, et même sans doute la soirée. Le nez est fumé, sur les fruits exotiques, minéral et épicé. En bouche, la puissance est phénoménale, mais elle reste sous contrôle et le vin se révèle d’un grand équilibre et d’une immense longueur minérale et épicée. Grand. *****
Au final, une belle revue de la diversité des grands crus, point de vue terroir (calcaire, granit, volcanique, argile, ..), géographie (Haut et Bas-Rhin) et vinification (peu, très peu, pas de soufre).
Pinot Gris 2002
Couple 5
Pinot Gris Rosenbourg 2002 (Terroir de Granit), Martin Schaetzel,
Pinot Gris Oberberg 2002 (Terroir Argilo-calcaire), Martin Schaetzel
Ces deux excellents vins, au rapport Q/P très intéressant, reflètent bien les différences attendues. Le premier propose un nez ouvert fruité, légèrement mielleux et fumé tandis que le second développe un peu de minéralité qui apporte une complexité bienvenue. Les différences se retrouvent également à l’oral. Le Rosenbourg plus en dentelle, et l’Oberberg tout en puissance et d’une longueur plus importante. Deux très bons vins, chacun dans leur catégorie, même si la préférence générale semble s’orienter sur l’Oberberg.
Mes notes sont ici disparates, je citerais simplement un caractère davantage fruité et exotique et plus de sucrosité pour le Rosenbourg, alors que l’Oberberg se montre plus minéral et floral au nez, plus sec, tendu et long en bouche. Deux très beaux vins.
Comme dessert
Muscat Cuvée Béatrice 2000, Audrey et Christian Binner
Les dégustateurs pourtant si brillant jusque là sont désorienté par ce vin et énumère les différents cépages d’alsace avant d’atteindre le muscat. Il faut dire que ce vin n’est pas caricatural. On y retrouve de la fleur, m.ais du fruit mûr aussi, des épices également. La bouche bien structurée autour d’une acidité salivante est légèrement moelleuse et se boit facilement. La longueur n’est pas d’anthologie mais très satisfaisante. Un très bon muscat, ce qui est assez rare, mais un peu cher peut-être.
Oui, bon, d’accord, c’est vrai que je l’ai pris pour un gewurztraminer. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours tendance à oublier qu’on fait du muscat en Alsace… Celui-ci en est un très bel exemple.
Merci encore à Laurent pour cette soirée particulièrement intéressante et didactique.
Luc