Une fois l’an, avec un couple d’amis franco-catalan, nous arpentons un vignoble de Provence (notre région) pour parfaire la connaissance de notre région viticole et si possible en appréhender les différents terroirs.
C’est sur les terres Cassidaines, cette très ancienne AOC de la région, que nous organisons cette année notre tournée des caves.
Je ne plagierai pas le superbe post d’Olif (
ici
), et ne reviendrai donc pas sur les subtilités de ce magnifique terroir. Mais une journée de dégustation dans ce vignoble fait à la fois la part belle aux baies de la vigne et aux somptueux et variés paysages de la baie à vous couper le souffle.
Les défauts souvent rencontrés par le passé, de vins issus de récoltes précoces visant à assurer un niveau d’acidité suffisant, sont maintenant du révolu et la maturité recherchée pour déclencher les vendanges est le plus souvent optimale pour un équilibre acidité / alcool.
A cela s’ajoutent des tentatives, souvent réussies, de sortir un peu de la typicité en proposant une, voire plusieurs, cuvées « originales », en prenant des options moins traditionnelles dans l’appellation. C’est le cas par exemple de la très convaincante cuvée Kalahari du domaine de Val Bruyère.
Les vins de Cassis ont donc qualitativement bien augmenté. Mais malheureusement leur prix aussi.
Sylvie (Simonini-Cerciollo), que vos vins sont beaux comme votre goût pour en parler. Mais qu’il est douloureux de comparer un Val Bruyère, sans doute parmi ce qui se fait de mieux dans l’appellation selon moi, à votre cuvée l’Instant blanc en Côtes de Provence. Ces deux vins restent du même niveau d’élégance alors que le Cassis est un 1/3 plus cher que le Côtes de Provence.
Bref, mon plaisir est entier pour ces vins de grande fraîcheur et aux arômes de fleurs et de fruits, mais ce sont des vins de plaisir, et s’ils ne se vendaient pas si bien alentours une fois l’été venu (entendez sur la Côtes de Marseille à Menton), ils se vendraient peut-être moins cher et le seraient plus (chers) à mon cœur.
Domaines visités et cuvées dégustées :
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Château Barbanau - Clos Valbruyère[/size]
Clos Valbruyère 2007 (Cassis)
Cette cuvée très classique dans l’encépagement Marsanne 30%, Clairette 30%, Ugni- blanc 30% et Sauvignon 10% finit par faire figure d’originalité.
Je m’explique, l’encépagement de l’appellation repose sur Marsanne et Clairette (60% mini) et Sauvignon, Doucillon (Bourboulenc) et Pascal Blanc pour le reste. Doucillon et Pascal Blanc (rarissime, à ma connaissance seul Ferme Blanche l’utilise) sont marginaux sur l’ensemble de l’appellation et n’apportaient à priori pas grand chose aux vins de Cassis. Il y a peu, le sauvignon, cépage qui « corse » les vins de l’AOC, était plus répandu. Mais le réchauffement climatique passant par là, sa précocité est en passe de le faire disparaître des vins de Cassis.
Le nez s’ouvre sur des notes de Tilleul et d’Acacia très élégantes et précises.
Le vin allie gras et fraîcheur, sur des notes de pamplemousse et d’ananas. C’est d’une très belle matière soyeuse et fraîche.
Glou Glou.
Château Barbanau Cuvée L’Insant. 2007 Côtes de Provence Blanc
90% Rolle 10% Clairette
La transition est radicale, pourtant ce vin ne s’en laisse pas compter par son honorable prédécesseur. Le nez est exubérant sur des notes de pomme. En bouche c’est beaucoup plus rond, la fraîcheur est bien sûr moins présente que précédemment. Pourtant l’apport de l’altitude du domaine (350m) confère à ce vin beaucoup d’élégance. C’est très gourmand et me procure un grand plaisir.
Glou +.
Château Barbanau Clos Valbruyère Cuvée Kalahari
12 mois d’élevage en pièces de 1 à 3 vins
1/3 Sauvignon, 1/3 Marsanne 1/3 Clairette,
Un Côte de Beaune Provençal.
Ce vin est sur des notes de noisettes grillées, de fruits exotiques (mangue et ananas). En bouche c’est d’une belle matière pleine, entière avec une belle acidité et des notes d’agrumes très plaisantes. Belle longueur.
Glou Glou.
L’instant rouge 2007 (Côtes de Provence) )
60% Syrah 40% Grenache.
Très belle matière pour un vin de copains. Très sympa. Sur le cassis, les mûres et le poivre. De beaux tannins, un peu fermes. Pas une grande longueur, mais ce n’est pas ce que l’on attend.
Glou +
Re-goûté au cours d’un repas, après une carafage d’une heure, ce vin est superbement sympathique
Et Cae Terra 2006
95% Syrah (le reste pour l’AOC Côtes de Provence)
Note de fruits noires et légèrement de violette puis les épices.
Bien que fait en fût neuf, ce vin ne présente pas au nez ces marques d’élevage qui m’agacèrent naguère dans ce domaine.
Grande élégance, superbe matière concentrée sans caricature.
On sent tout le bien que fait l’altitude aux vins de Provence. Et la proximité de la mer apporte ce supplément de fraîcheur dans les vins rouges de ce Domaine. Une des plus belles réussites dans la région.
Glou Glou
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Clos Alibizi[/size]
Blanc Tradition 2007
1/3 Sauvignon, 1/3 Marsanne 1/3 Clairette,
Nez un peu en retrait (on sort de Val Bruyere) mais de beaux aromes de pomme, d’acacia, de miel et de cire.
En bouche c’est gourmand avec des notes de poire, du gras, qui rendent ce vin volumineux. Très sympa.
Glou
Blanc Vermeille 2007
La cuvée haut de gamme du domaine de ces descendants de propriétaires de la DRC. Des cadavres de Richebourg DRC ornent les murs (millésimes 1932,35,…)
Les restes de l’héritage m’indique-t-on. Pourvu que les gènes soient présents car l’élevage est ambitieux en Cassis, 12 mois vinif et élevage en fûts de 2 à 3 vins.
Un peu beurré et vanillé, mais après agitation de très belles notes de tilleul font leur apparition.
Belle longueur mais un vin à attendre quelques années.
Glou +
Blanc 2004
Pomme blette, cire, coing, le nez s’ouvre sur des notes très oxydatives qui ne me plaisent guère.
Est-ce une phase, ou ce vin n’a pas la capacité à se garder ?
Pas Glou
Rouge 2007
50% Mourvèdre, 50% Grenache.
Notes de fruit rouge et de laurier.
Des tannins très présents. Mais on ne sent pas ce vin attendre qu’il se fonde.
Pas Glou
Vin Cuit
Un authentique vin cuit comme on en fait presque plus en Provence. Les moûts sont longuement réduits dans un chaudron puis on ajoute des moûts en fermentation qui transforment une partie des sucres concentrés.
Digeste, ce vin conserve une bonne acidité que n'ont pas ses congénères du pourtour de l’étang de Berre.
Le nez est très (trop) marqué sur le caramel cuit et la pomme (tatin).
½ Glou.
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Ferme Blanche[/size]
Un des plus vieux domaine de l’AOC. On est reçu par l’ancien propriétaire qui continue d’officier pour le compte de sa fille. Le cœur n’y est plus.
Blanc 2007
70% Clairette et Marsanne, le reste en cépages de Cassis.
Au nez on est sur l’abricot et le tilleul, sans exubérance, mais plaisant et d’une belle précision. En bouche c’est tout aussi plaisant sur le miel, la cire d’abeille et le pamplemousse. Du gras et un beau volume.
Glou
Blanc Excellence 2006
98% Marsanne.
Vinification longue à température faible (15°) puis élevage sur lie en cuve émaillée béton.
Choix original que celui de ne (quasiment) pas associer la Marsanne à d’autres cépages. Du coup la fraîcheur s’en ressent.
C’est aromatique sur le coing et la cire d’abeille. Avec une belle minéralité et un beau volume, le tout avec une longueur respectable.
Glou +
Rouge 2008
95% Mourvedre
Après tous ces blancs dégustés, l’astringence forte de ce vin ne passe pas.
Dommage. Par le passé ce vin était commercialisé après 5 ans de conservation au domaine et ce type de désagrément ne serait sans doute pas survenu. Cela expliquerait la différence d’appréciation d’avec Raymond (post sur la Ferme Blanche
ici
).
Pas Glou
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Domaine du Paternel[/size]
Un des domaines les plus rencontré dans la restauration locale.
Le caveau est tout neuf, refait de cet été. C’est très beau, mais du coup un poil moins chaleureux à mon goût. L’austérité est aussi présente dans les commentaires de notre hôte, mais sans froideur malgré tout. Heureusement cela ne se retrouvera pas dans le vin.
Blanc 2008 cuvée tradition.
1/3 Ugni 1/3 Clairette 1/3 Marsanne
Une belle minéralité et des notes florales de tilleul et de fruit blanc. C’est très frais et en bouche cela procure une belle vitalité.
Glou
Blanc 2006 Cuvée Romane
La cuvée haut de gamme du domaine sans Ugni si j’en crois mes notes : 60% Marsanne et 40% Clairette
C’est beaucoup plus exubérant sur les note florales que la cuvée blanc de blanc (tradition), des notes d’amandes, de pêches et de pommes.
En bouche c’est d’une belle précision et un gras qui donnent un beau volume avec quelques impressions oxydatives.
Glou +
Rouge 2007
40% Grenache 60% Mourvèdre.
Nez très fruité de fraise, de framboise et de cassis.
Un élevage en barriques 12 mois qui ne se perçoit presque pas. De beaux tannins présents mais souples, bien que pas encore tout à fait arrondis.
C’est bien fait, sans m’impressionner plus que ça.
½ Glou
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Domaine Bodin Fontblanche[/size]
L’un des deux domaines historiques de l’appellation avec Ste Madeleine.
Pourtant on ne peut pas dire que l’accueil soit à la hauteur de la réputation.
En revanche les prix oui !
Blanc Pur jus de goutte 2007
Un vin non pressé, dont j’avais entraperçu une bouteille dans les mains de Laurent (enzo d’aviolo) un jour que nous avions trop à boire. Et dont je m’étais demandé si les premiers jus pouvaient apporter ce supplément de concentration et d’expression dans un Cassis. On notera au passage le peu de logique dans l’ordre de la dégustation proposé.
En deçà de mes attentes ou m’étais-je fait une idée de ce vin, ou bien encore ce vin est dans une phase de fermeture. Toujours est-il que je ne trouve pas l’expression aromatique impressionnante. Des notes de poire et de pommes qui ont du mal à m’exciter les naseaux (certes un peu fatigués à ce stade).
En bouche c’est très fruit blanc et agrume. Sympathique mais sans grande originalité.
½ Glou.
Blanc de blanc 2007
Tout y est Marsanne, Roussane, Bourboulenc, Pascal blanc, et quoi d’autre ? no comment. Dans quelles proportions ? Si vous passez au domaine, je vous souhaite plus de chance que nous sur les réponses à vos questions.
Fruité, ce vin est plus intéressant (et moins cher) que son prédécesseur dans la déguste (finalement l’ordre ?). Mais toujours pas de nature à me réveiller.
Je passe encore mon tour.
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Bodin 2008. [/size]
Equivalent en 2008 de la cuvée Blanc de Blanc ou Pur jus de goutte ? On n’en saura rien.
Pas plus que sur la justification du prix de la bouteille, respectivement 4 et 3 euros plus cher, sinon un changement de packaging !!!
En revanche ce vin est plus ébouriffant : Un nez d’acacia et de tilleul puis sur le pamplemousse et le zeste de citron. C’est très beau.
En bouche c’est vif, précis sur l’abricot, la pêche et les agrumes. Une belle matière pour accompagner tout cela un peu en longueur. Bref, sinon le prix délirant (plus de 16€), c’est le plus beau vin de ce domaine au terroir vraiment différent des précédents Cassis dégustés cette journée.
Glou +
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Couronne de Charlemagne. [/size]
Aux Janots, en dehors du Cassis touristique, au détours d’un virage, cette petite baraque en foutoir sert de caveau à ce fort sympathique et fort accessible domaine en terme de tarif.
Du simple, une cuvée blanc et une cuvée rosé (pas dégustée saturation des rosés cassidains).
Le domaine se trouve sur les zones les plus calcaires de l’AOC en restanque pour partie.
Blanc 2007
Donc la seule cuvée du domaine en blanc. Le nez est un tout d’abord un peu fermé, mais comme ici les moyens mis à la disposition de la vente directe sont, comment dire, simplissimes, les vins sont conservés dans un vieux frigo, qui plus est mal réglé.
Du coup le vin est dégusté trop froid.
Mais compte tenu de la gentillesse et de l’accueil qui nous est réservé, on peut attendre un peu que le réchauffement climatique ait un effet bénéfique sur notre verre.
Le nez s’ouvre gentiment sans exubérance mais de façon nette sur la pomme, et le pamplemousse autant que sur les reflets d’acacia et de miel.
C’est beau. Les baies subissent une légère macération pré-fermentaire et cela visiblement apporte du fruit au vin de façon très intéressante sur ce terroir.
En bouche le pamplemousse est encore là, comme la vivacité et un gras bien fait qui procure à nouveau un beau volume.
Bref une belle découverte a des prix très doux.
Glou +
Au final nous aurons visité 6 domaines :
Deux déceptions : Fontcreuse fermé le samedi et Ste Madeleine qui nous demandait 13€ par personne pour une déguste. On se serait crus dans la Napa Valley. Comme on n’est pas des américains, nous sommes passés à coté de ce domaine à la parcelle unique si magnifique.
Une AOC à la production plutôt homogène.
De belles rencontres :
Comme au clos d’Albizzi avec Benoît Dumon, organiste et érudit sur les vins de sa famille et dont la gentillesse de l’accueil m’invitent à revenir.
Comme à Couronne de Charlemagne, avec Bernard Piche. Discussion entre deux mises en bouteilles fort sympa. Et ses vins simples et sans prétention mais ô combien sympathiques.
Mais la grande rencontre vinique c’est avec les vins du domaine Barbanau en Côtes de Provence comme en Cassis (Val Bruyere). C’est tout simplement splendide.
Alex