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des vins bien différents pour le réveillon du 24 décembre

  • François Audouze
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Noël se fêtera en deux fois, le 24 et le 25.
J'avais bu récemment un Salon 1985 qui ne m'avait pas plu. Il fallait donc commencer par celui-ci.
Voici le court récit de ce réveillon :

Le réveillon de Noël allait me donner l’occasion de redonner une chance à Salon, et il l’a saisie de façon magistrale. Cette bouteille du même carton, un Salon 1985, a un nez discret mais expressif. En bouche, ce n’est que du bonheur. La puissance est là, comme dans la précédente bouteille, mais cette fois-ci, le champagne parle. Il y a des évocations de fruits roses, de fraises des bois, de pêches fraiches, ce qui, par opposition à la force vineuse, crée des sensations proprement excitantes. Sur des petits toasts aux anchois assez doux ou aux tomates confites, c’est un vrai plaisir. Les rouges avaient été ouverts à l’avance, bien sûr, et pendant l’apéritif, j’ouvre un Côtes du Jura blanc, château La Muyre 1969. La cire est extrêmement dure. Dès que je l’ai enlevée, le bouchon encore en place est traversé par des senteurs capiteuses où la noix abonde. La force évocatrice de ce vin traverse le bouchon ! Sur un amuse bouche, petite omelette aux cèpes, le blanc s’échauffe, il explose de saveurs magiques de complexité. Que j’aime ces vins du Jura ! Ma bru n’aime pas, parce que c’est spécial. Mais quelle animalité énigmatique. J’adore. Et sur deux foies gras l’un frais et l’autre cuit, quelle merveilleuse excitation de goûts infinis. Un bonheur.
Les beaux pavés de biche sont agrémentés de deux purées. L’une de pommes de terre, l’autre de betterave et truffe, ce qui réjouit la chair de la biche. La Croix Saint Georges, Pomerol 1975 en demi-bouteille est strictement adapté à cette chair. Et les voyants d’un accord parfait s’allument : le vin a capté la chair de la biche grâce à la discrète betterave. Magnifique accord. J’ai ouvert aussi château Lafite-Rothschild 1987 d’une bouteille dont j’ai oublié l’origine. Pourquoi cette bouteille n’a-t-elle ni étiquette ni capsule, le vin se lisant sur le bouchon ? S’agit-il d’une réserve personnelle que j’aurais achetée ? Je ne sais pas. Toujours est-il que le vin explose en bouche d’une puissance bien inhabituelle pour ce millésime. Le vin est chaud, lourd, capiteux, velouté, avec un bois fort expressif. Manifestement un grand vin. On me dirait que c’est Opus One, je n’en serais pas étonné. Le Pomerol se mariait mieux à la biche. Le Lafite se buvait pour lui-même, vin de grand charme très réussi. Il accompagna le fromage et le dessert avec justesse.
Pendant que le repas se déroulait, je pensais à tous les comptes-rendus que je lis sur des forums, dont celui de Robert Parker. C’est la débauche, l’orgie, avec l’accumulation d’étiquettes plus prestigieuses les unes que les autres. Dans de tels marathons, La Croix Saint-Georges 1975 en demi-bouteille serait complètement ignoré. Pas un cil, pas une papille ne repèrerait cette incongruité. Or lors de ce repas, je vais classer en tête le Côtes du Jura 1969, suivi du La Croix Saint-Georges 1975, devant Salon 1985 et Lafite 1987, sachant que la valeur intrinsèque est en faveur du Salon, mais le bonheur de ce soir est en faveur du blanc du Jura. On se procure plus de plaisir quand on cherche à profiter des vins que quand on cherche à les hiérarchiser comme on le fait dans ces exercices de dissection où l’analyse prime sur la jouissance. Ces quatre vins de divers niveaux étaient là au bon moment. C’est tout ce qu’on leur demande pour qu’un réveillon soit réussi.


Cordialement,
François Audouze
25 Déc 2005 12:32 #1

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Seulement 4 vins pour le réveillon?
C'est quasi "monacal" le 24 chez les Audouze..

Joyeux Noël et heureuses fêtes, François!

Amités
Alain
25 Déc 2005 23:55 #2

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: des vins bien différents pour le réveillon du 24 décembre

Il y a de la fatigue dans l'air après une année d'événements fort denses.
Voici les vins du lendemain :

Le deuxième dîner de Noël commence par un champagne immense. Je n’ai jamais été vraiment touché par la grâce de ce champagne, mais là, ce fut vraiment une découverte. Le Cristal Roederer 1993 est d’un charme invraisemblable. Ce qui frappe immédiatement c’est l’équilibre gracieux entre toutes ses composantes. Il sait être floral, il sait être délicatement vineux, si ce concept peut exister, il a une longueur joliment mesurée. En fait, il a toutes les caractéristiques d’une Miss Monde, dont tous les attributs de la féminité sont présents, mais sans excès. Ce très grand champagne nous a ravis.
Une crème mêlant betterave et une évocation d’anchois a permis au Côtes du Jura 1969 de la veille de confirmer son insolente sérénité. Quel charme, quelle complexité gustative. On pourrait se satisfaire de ne boire que ce vin là. Les coquilles Saint-Jacques au caviar osciètre accueillent un Chablis Grand Cru Blanchot domaine Vocoret 1996 qui expose la parfaite définition du Chablis. Ce vin est précis comme un dictionnaire. Le beau Chablis, qui n’est beau que quand il est grand, est exprimé de façon généreuse, un peu sérieuse dans ce vin fort adapté au plat très expressif où se mêlent le sucré de la coquille crue et le salé intense du caviar.
Ma femme ayant chipé à Bruno sa recette de pommes de terre à la crème et à la truffe, nous dégustâmes un plat d’un charme fou. Le Petit Village Pomerol 1992 ne peut pas trahir qu’il vient d’une année assez faible. Mais Pomerol est Pomerol. Il a de la séduction à revendre. Il décochera quelques flèches de plaisir, sans vraiment créer une émotion durable.
J’avais ouvert quelque six heures avant une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996 mais nos fatigues étaient trop fortes. Nous trempâmes nos lèvres dans ce breuvage divin, sentant toutes les promesses de perfection. Mais l’heure de la retraite avait sonné. C’est demain que brillera cette icône.


Cordialement,
François Audouze
26 Déc 2005 11:11 #3

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: des vins bien différents pour le réveillon du 24 décembre

voici la suite et fin :

Sur un chapon discrètement farci d’ail, La Landonne allait montrer toute l’intensité de son génie. Ce qui frappe, c’est l’extrême simplicité du message. Tout parait facile comme la voix précise de Frank Sinatra, qui charme sans que ce chanteur ait besoin de pousser la note. Le contraste avec les bourgognes est saisissant. On pourrait dire que certains grands bourgognes sont des Noureev quand les grandes Côte Rôtie sont des Fred Astaire. C’est simple, le message est compréhensible par tous, mais c’est parfait. J’ai reconnu la petite amertume de fin de bouche, marque d’un bois un peu austère, que j’avais ressentie comme une signature pendant la dégustation systématique lors de ma visite à Ampuis (bulletin 159). Ce signe permet de penser que ce vin vieillira bien et sera encore plus redoutable dans une dizaine d’années.
Après trois soirs de célébrations de Noël nous n’avions toujours pas ouvert les liquoreux que j’avais prévus. La fatigue en est la cause. Il est temps de voter sur ces vins de Noël et les votes furent disparates mais concentrés surtout sur trois d’entre eux :
- le champagne Cristal Roederer 1993 dont l’élégance magistrale a ravi nos cœurs,
- la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996 car c’est du soleil généreux en bouche, vin de joie,
- et le Côtes du Jura blanc château La Muyre 1969 car c’est sans doute celui qui a la palette aromatique la plus complexe, appel d’une cuisine de folle création. Une mention spéciale mérite d’être faite de La Croix Saint-Jacques 1975 en demi-bouteille qui a étalé des sérénités de Pomerol d’une justesse rare. Si à ce stade on ne cite toujours pas Salon 1985, vin divin mais que je connais sur le bout des lèvres, c’est que les vins cités étaient diablement bons.


Cordialement,
François Audouze
27 Déc 2005 23:34 #4

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J'avais bu Lafite 87 quelques jours avant le reveillon de l'an 2000 (en famille). Il m'avait paru fatigue, assez leger et a mon gout assez representatif du millesime. Haut-Brion de la meme annee l'avait supplante assez facilement ce soir-la.

En tout cas, je ne me retrouve pas dans ce dernier CR. Mais avec les bouteilles de cet age + petit millesime, il n'est pas etonnant que nous n'ayons pas bu le meme vin.

Anthony
30 Déc 2005 14:39 #5

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: des vins bien différents pour le réveillon du 24 décembre

D'autant qu'entre le vin ouvert le soir et le même vin bu le lendemain midi, j'avais vraiment l'impression de boire deux vins différents.
Chaleureux un jour, puis très 87 le lendemain.
C'est assez amusant.


Cordialement,
François Audouze
01 Jan 2006 23:07 #6

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Amusant et passionnant ...

Anthony
02 Jan 2006 15:59 #7

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