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5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

  • François Audouze
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Après la belle verticale de Château l’Angélus, le groupe cornaqué par Bipin Desai allait poursuivre une semaine de débauche gastronomique : Tan Dinh le lendemain midi, Carré des Feuillants au dîner, dîner à Lille le lendemain et déjeuner au restaurant Guy Savoy le jour d’après. On me propose de me joindre au groupe au Carré des Feuillants, je ne me fais pas priver.
La salle du sous-sol, lorsqu’on a dépassé la cave dont on devine les trésors, est accueillante. Portrait et statue clin d’œil du maître, évocations du Sud-ouest rugbystique, c’est chaud au cœur. Nous buvons champagne Delamotte 1999 et Didier Depond qui assiste à ce dîner nous dira que nous sommes les premiers au monde à le déguster, car il fait sa première sortie en public. Ça ne change évidemment pas le goût du champagne, mais ça fait plaisir. Le vin est un peu dosé à mon goût, mais on s’habitue, et on découvre que Delamotte, c’est un « bon plan ». Vivant longtemps à l’ombre de Salon, il n’en a pas la cote, mais il est un vrai champagne à part entière, de belle expression. Je sens un peu de litchi et de fruits roses.
Nous passons à table et le hasard fait bien les choses, je suis assis près de Didier Depond.

Voici le menu élaboré par Alain Dutournier : l’huître, caviar d’Aquitaine, tartare d’algues et écume crémeuse / crevette sauvage tiède en « crème de tête », billes de melon en chutney et gaspacho safrané / cuisses de grenouilles épicées, roquettes et girolles en tempura / rouget barbet au plat, bohémienne d’aubergine, citron de Menton / tendron de veau de lait dans son jus, cèpe debout / vieux gouda travaillé, truffe de bourgogne râpée / pêche rôtie au poivre de Séchuan et marasquin, blanc-manger, brioche dorée, glace au miel de bruyère. Je trouve Alain Dutournier au sommet de son art, à un niveau de maturité qui sera forcément récompensé.

Le champagne Salon 1996 est d’une douceur incomparable. C’est un champagne policé. La race est là, et le champagne est déjà réellement buvable. Le 1995 était rude au même stade. Le 1996 a un charme et une délicatesse qui sont rares.
Le champagne Salon 1988 a déjà gagné en maturité. Je le trouve plus évolué que ceux que j’ai en cave. La séduction est extrême. Goût de toast, de fumé, c’est magnifique.
Le champagne Salon 1976 servi en magnum a une approche un peu stricte, mais il va s’ouvrir. Ce qui est d’ailleurs intéressant avec ces trois champagnes, c’est qu’ils ne cessent d’évoluer dans le verre. Il n’y aura donc jamais une photographie unique de leur identité.
Avec l’huître et le caviar, le 1996 est de la vraie gourmandise. Le sel du caviar lui donne une longueur infinie. Je commence à classer 96 / 88 / 76. Mais il y a dans le 1988 qui m’est servi une légère amertume que n’avait pas le premier verre d’une autre bouteille, et comme le 1976 s’ouvre et offre des parfums exotiques raffinés, je classerai 96 / 76 / 88 en écrivant sur mon petit carnet : le 1996, c’est mon amour.

Nous allons goûter trois Savigny « Narbantons » Domaine Leroy. Le 2001 a un nez très fort, sous-tendu par une charpente solide. Le 1999 a un nez américain. C’est trop pour moi. C’est une sorte de soupe de framboise. Le 1997 a un nez plus balancé, plus subtil, tout en restant dans la ligne de 1999. Mon impression première est que ces vins sont trop travaillés. Au nez, c’est le 2001 qui apparait comme le plus traditionnel, ce qui semble paradoxal. Il convient de dire que ces vins très solides sont de grands vins. Seul l’excès de travail me gêne.
Sur les grenouilles délicieuses, le 1997 est absolument excellent. Le 1999 en fait trop, envahissant le palais. Le 2001 est très bourguignon, sauvage. Je classe 1997 / 2001 / 1999. Le 1997 c’est du plaisir, le 2001 est authentique et le 1999 plus caricatural. A noter à quel point la grenouille est un partenaire intéressant pour les vins, qu’ils soient rouges comme ici, ou blancs.
Nous goûtons ces mêmes vins sur un rouget goûteux. Le 2001 est beau, pur. Le 1997 reste un vin de plaisir, et le 1999 commence à me plaire. Si je ne l’avais découvert que maintenant, je dirais que c’est un bon vin.

Nous abordons maintenant une belle série de Richebourg Domaine Méo Camuzet. J’aurais évidemment aimé que Jean Nicolas Méo soit là comme l’est Didier Depond pour Salon car j’aurais aimé confronter nos jugements. La première approche est celle des nez. Le 2001 affiche son alcool et sa richesse. Le 1999 est d’une subtilité olfactive absolue. Il est parfait. Le 1996 est fatigué et a évolué vers la truffe. Le 1993 est timide et le 1991 un peu faible. L’examen des nez devient évidemment impossible lorsque l’assiette du plat est posée.
En bouche le 2001 a un râpeux que j’aime, très bourguignon. Le 1999 est éblouissant, absolument parfait, le 1996 est devenu acide et déséquilibré, mais on sent un belle structure en arrière-plan, cachée par l’acidité comme ça se passe avec des vins anciens. Je me dis de ne pas le condamner trop vite. Le 1993 est animal, au goût de viande et d’intestins. Le 1991, si l’on accepte la légèreté structurelle est intéressant et joliment parfumé.
Le classement sera celui-ci : 1999 / 2001 / 1991, sachant que le 1999 est très largement au dessus de tous les autres.

Le Château Nairac 1997 est un Barsac simple, de structure prévisible. Il s’anime sur certaines composantes du dessert pour devenir charmant. Le goût de coing domine. C’est un vin fort agréable dont je comprends le choix.

La cuisine d’Alain Dutournier a été absolument resplendissante de sérénité. Les goûts sont marqués de forte personnalité, et d’une intelligence culinaire extrême.
Bipin Desai fait profiter ses amis de la justesse de ses choix de vins. Et puis, boire tant de Richebourg d’un domaine que j’aime et tant de Salon, mon chouchou, il faudrait être fou pour demander plus !


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 14:04 #1

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: 5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

je précise pour les puristes que dans ce compte-rendu, je parle de vin.
Je saisis l'essentiel de ce que je ressens, sans vouloir absolument les décrire.
Car, pour moi, de même qu'un restaurant ne donnera jamais deux fois de suite la même impression de même le Savigny Leroy 1999 que j'éreinte serait peut-être charmant une autre fois, et le Richebourg Méo-Camuzet 1996 que j'ai boudé serait peut-être éblouissant une autre fois.
Je ne prétends pas qu'à chaque dégustation je cerne la réalité d'un vin, car un vin bu à table peut changer d'un jour à l'autre.
Mais ces comptes-rendus sont suffisamment éclairants pour saisir l'émotion ressentie.
Je retiens de ce soir là que Salon 1996 est immense, et que le Richebourg 1999 de Méo est magnifique. C'est déjà suffisant.
Et on aura compris que j'ai aimé l'évolution positive de la cuisine d'Alain Dutournier. ça suffit à éveiller l'intérêt.
Pour des descriptions précises, il faut aller dans les rubriques Bourgogne et Champagne, si des LPViens ont écrit sur les vins que j'ai bus ce soir là.

Nota 1 : je n'aurai pas forcément le besoin de justifier à chaque fois.
Nota 2 : les américains de ce groupe ont une belle culture du vin et une solide santé pour supporter une semaine complète dans les plus grands restaurants midi et soir. Le midi, ils avaient fait une comparaison Comtes Lafon et Coche-Dury chez Tan Dinh, où l'incroyablement érudit Robert Vifian est un guide d'une finesse absolue.


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 14:14 #2

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Merci, François, pour ce cr très intéressant.

Côté Narbantons, nous avions ainsi goûté le 1998 au domaine :
SAVIGNY-LES-BEAUNE 1er cru "Les Narbantons" Leroy 1998. Notes : DS15 - PC15,5-16 - LG16 - CS16,5 - RP16.
Robe dense, très brillante. Olfaction puissante, fumée, épicée, chocolatée, finalement assez virile. Dense aussi en bouche, vigoureux, finale réglissée nettement tannique mais sans sécheresse. Un bagarreur.

Concernant Méo :

RICHEBOURG Méo-Camuzet 1998. Notes : DS17,5/18 - PC17,5/18 - LG16,5/17 - CS17,5 - RP17. sur fût
Tout aussi violacé et dense que le Cros Parantoux. Le nez en revanche est proche de celui des Brûlées, en un peu plus puissant et complexe, un gros baba au rhum épicé et floral, crémeux, l'analogie n'impliquant aucune lourdeur. Le vin explose en bouche comme un diable sort de sa boîte, le fruit très pur équilibre parfaitement les tannins, aussi élégant que vigoureux, longueur superbe.

En Juin 2006, le Vougeot 93 de Méo-Camuzet a donné ceci :
Clos-Vougeot – Méo-Camuzet 1993 :
LG17 - PP17,5
- Nez délivrant des senteurs fondues de minéral, de fraise et de rafle.
- Bouche fuselée, élégante, équilibrée, dotée d’une densité appréciable, d’un fruit pur (fraise) et d’inflexions florales. Encore jeune et austère, elle ne laisse pour le moment que peu de place aux notes d’évolution. Belle rémanence.

Comme je l'ai dit plus haut, l'interview de Alain Dutournier dans le dossier spécial vin de Paris-Match est intéressant. Je crois qu'il y loue les qualités de Rémy Pédréno (qui nota sous RP).

En fév 2000, j'avais ouvert un Richebourg 89 qui a déçu :
Richebourg Méo Camuzet 1989. Note entre 14,5 15 (cr par Pierre Citerne)
- Robe entre grenat et fauve, assez terne.
- Nez assez puissant, très sudiste, riche, épicé, surmûr, le fruit semble confit et presque cuit.
- Bouche très sapide mais mince et chaude en finale, saveurs puissantes de lard fumé et de gibier, notes épicées exotiques ; le caractère du vin est assez voluptueux, mais le fruit manque de fraîcheur et de netteté. Expression peu bourguignonne.

Je lis que vous n'êtes pas un thuriféraire de Nairac 1997, contrairement à Jean-Marc Quarin !

Je l'ai goûté ainsi en oct 2005 (les Bordeaux 97 chez IVV, cr pas Pierre Citerne) :
23. Sauternes : château Nairac 2ème cru classé 1997 :
DS17 – PC16,5/17 – MS17 – JP16,5 – CD16,5.

- La teinte vieil or est aussi soutenue que celle du vin précédent, mais la robe paraît plus grasse.
- Nez très puissant, distingué, fortement marqué par le botrytis et aussi par le fût, qui semble en même temps assez évolué : miel, cire, crème brûlée, vanille…
- Bouche très liquoreuse, visqueuse, confite, riche, capiteuse, qui parvient à conjuguer ces éléments avec une maestria certaine, en conservant de la distinction aromatique et suffisamment d'allant. Le vin paraît peut-être plus évolué que son âge, c'est à peu près la seule chose dont on puisse lui faire grief.
15 Sep 2006 15:07 #3

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: 5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

J'ai découvert Nairac il y a bien longtemps, et j'ai adoré son 1981 qui n'est pourtant pas une année historique de liquoreux.
C'est un vin intéressant.
Mais j'ai en bouche d'autres saveurs, dont un récent Yquem 1983.
C'est pour cela que je n'ai jamais prétendu à l'universalité de mon goût.
J'envie ceux qui ont un palais constant et donneront un avis qui ne dépend pas des circonstances.
Ce n'est pas mon cas. Je vagabonde, je butine d'un vin à l'autre, m'émerveillant quand le vin est bon. Et je raconte en quelles circonstances.
Le vin doit être fête. Je raconte la fête, sans prétendre graver à jamais dans le marbre un jugement objectif sur Nairac 1997 (qui est un excellent vin).

Je suis un passionné du Clos de Vougeot de Méo Camuzet. j'ai bu le 93, le 92 et évidemment d'autres. J'ai été impressionné par la précision et le charme de ce vin.


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 15:16 #4

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J'ai aussi largement préféré Yquem 1983 à Nairac 1997 !

La visite au domaine fût intéressante.

Début 2002, j'ai noté 16/20 Nairac 1990.
Pas goûté Nairac 1981, mais Yquem 1981, pas mal :
Château D'Yquem 81 : déc 1999 (verticale de millésimes jeunes du château Yquem)
Note 16/20
• Robe dorée intense qui semble encore jeune.
• Le nez un peu timide présente des arômes classiques de miel, de marmelade d'orange, d'abricot, et de rancio (en particulier : champignon), mais qui sont dominés par une curieuse note lactique et ovine, qui évoque la croûte d'un fromage de brebis pyrénéen.
• Cette note lactique persiste en bouche et trouble la dégustation d'un vin par ailleurs vif, miellé, persistant. Bonne longueur, mais la finale parait légèrement agressive. A boire.

Le Vougeot 2003 de Méo nous a paru un peu étrange.

J'ai beaucoup aimé son Vosne Brulées 2002.
15 Sep 2006 15:29 #5

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Pour le Richebourg 1996 de Méo-Camuzet, il y a une question qui m'intéresse plus particulièrement :
- Est-il décevant car c'est 1996 (cf polémique déjà évoquée) ?
- Sera-t-il meilleur ultérieurement (comme vous ne l'excluez pas) ?

J'ai en cave un Richebourg 1996 de Denis et Dominique Mugneret : je ne sais vraiment pas ce que ce vin donnera ...
15 Sep 2006 15:42 #6

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"Pour des descriptions précises, il faut aller dans les rubriques Bourgogne et Champagne, si des LPViens ont écrit sur les vins que j'ai bus ce soir là. "

Par souci de cohérence, je préfère rebondir ici ... :)
15 Sep 2006 15:47 #7

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: 5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

J'ai l'impression que c'est la bouteille qui est en cause, car j'ai le souvenir d'un Richebourg 1996 Méo que j'ai bu chez Pignol qui était vraiment très bon.


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 16:56 #8

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Et Didier D était présent!
je comprends mieux une de tes dernières interventions Didier ;-)

Amitiés

laurentM

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15 Sep 2006 21:44 #9

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: 5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

message abscons. je n'ai pas le décodeur.

Je rappelle à toutes fins utiles que ce dîner n'était pas organisé par moi.


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 21:49 #10

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private joke indeed, sorry!

Laurent - Caviste
Mes blogs Vinature et
BrutdeCrayon
15 Sep 2006 21:50 #11

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: 5 Richebourg Méo-Camuzet et 3 Salon au Carré des Feuillants

no problem.


Cordialement,
François Audouze
15 Sep 2006 23:18 #12

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