Petite digression introductive.

La semaine dernière, j'étais, comme beaucoup d'entre nous, à Vinexpo. Où je n'étais pas retourné depuis 2003... L'hôtel retenu se situant dans le même quartier qu'il y a 6 ans, nous décidâmes, avec ma charmante épouse, d'effectuer un "pèlerinage" chez "Baud et Millet" (restaurant spécialisé dans les plats à base de fromage) dont j'avais le souvenir d'une belle carte de vins.
Une fois la table choisie, je me promène devant les étagères regorgeant de bouteilles diverses et variées, à la recherche d'un blanc sec (le fromage...) sans pour autant que ce soit un Muscadet... Et sans débourser quelques centaines d'euros pour un Grand Cru Bourguignon...
Plusieurs fois, mon regard fut attiré par une grande bouteille au verre foncé, oblongue et à l'étiquette...surprenante... Ne trouvant pas mon bonheur dans ce qui m'était proposé, je m'empare délicatement de ladite bouteille, et c'est à ce moment qu'intervient Mr Baud ou Mr Millet, qui m'observait depuis un moment du coin de l'œil...
- "C'est un excellent choix que vous avez fait là, Monsieur..."
- "Ah bon, et pourquoi?"
- "Parce que ce vin à une histoire, Monsieur!.."
- "Ah! Et laquelle?.."
Et là, il me raconte l'histoire Michel Pech, fondateur du domaine. Et dont cette bouteille et ce millésime furent ses derniers. Car se il pendra au-dessus de la barrique contenant ce vin, sans aucune explication... Depuis, le domaine continue sans lui, mais dans une autre voie.
Mon interlocuteur me précise que c'est un Riesling (pas de contre-étiquette). Piqué par la curiosité de découvrir ce que donne ce cépage sur ce terroir, autant qu'ému par la triste histoire de Michel Pech, je décide de prendre cette bouteille pour accompagner notre repas.
A la fin du repas, comme il restait l'équivalant de deux bons verres, et que mon interlocuteur ne voulais pas que la bouteille soit jetée, en mémoire de Michel Pech, elle fut rebouchée avec son bouchon. Et nous repartîmes avec.
Cette bouteille est donc restée en vidange, à l'hôtel, pendant 3 jours, puis elle a fait quelques centaines de kilomètres. Et conservée au réfrigérateur jusqu'à hier soir où nous l'avons terminée à l'apéro.

Fin de la digression.

Voici donc la bouteille qui a accroché mon regard:

Et l'étiquette, dont le coté "ubuesque" m'avait surpris:

Je précise, comme ce n'est pas très visible, que c'est un 1993.

Le bouchon est en parfait état. Pas de signe de coulure...

Je précise aussi que les photos ont été prises chez moi, à mon retour. C'est important pour la couleur de la robe...

Que voici:

Il va de soit (et chaussettes de laine) que la robe ne montrait pas ce caractère évolué à Bordeaux. On était sur un jaune soutenu aux reflets dorés.

Pour ce qui concerne le nez, il était, à Bordeaux, complètement dominé par des arômes empyreumatiques. Une semaine plus tard, dans les conditions de conservation expliquées plus haut, il avait complètement évolué. Et pas sur le coté oxydatif, certes, très légèrement présent, mais plutôt sur le "rôti", le miel et la cire. D'une très grande finesse...

Quant à la bouche, ce fut un vrai bonheur. Tant à l'ouverture, qu'hier soir. C'est certainement ce qui a le moins évolué en une semaine.
L'attaque est assez douce, mais évolue rapidement vers une grande ampleur. Un équilibre magnifique ou l'acidité (du Riesling?..) sous-tend parfaitement le gras pour donner une très belle structure. Seule différence notable, la finale. Plus courte hier qu'il y a une semaine, sur les épices. Mais une belle rémanence. Et un ensemble d'une grande fraicheur...pour un vin sudiste de 1993...

Autant vous dire qu'à l'aveugle, il m'aurait été impossible de déterminer ce cépage, dans cette région... J'aurais d'ailleurs été bien en peine de donner un nom de cépage et une région... En fait, je me suis surtout demandé si je n'avais pas là une vendange tardive...
Étant curieux de nature, je suis allé voir, à mon retour, mais après avoir fini la bouteille sur le site du domaine: www.aubedestemps.fr/
Et à ma grande surprise, il semble que le cépage utilisé soit le Chardonnay... Et pas le Riesling... A moins qu'il n'ait été arraché pour faire place au Chardonnay?... Monsieur Baud ou Millet se serait-il fourvoyé... Le mystère perdurera. A moins qu'un Lpvien cultivé ne lève le voile du secret?..

Je me suis permis d'ouvrir un fil, car je n'en ai trouvé aucun. Un modo le déplacera, si besoin.

En 1993 mes parents travaillaient avec Claude Gros un œnologue qui conseille Bertrand Berger ou La Néglie.
Claude m’avait donné une liste de vignerons qui étaient en avance sur leur époque .Le propriétaire de L’Aube des Temps était de ceux là.
Le drame est arrivé et je n’ai jamais goûté les vins du domaine.
Je viens de téléphoner à Claude pour connaitre le cepage . Il n’est pas disponible pour l’instant .

Merci Laurent.
Je serais heureux de savoir quel cépage se cachait dans cette bouteille...

Une dégustation de 2000 trouvée sur Google parle également d'un Chardonnay

www.epicuvin.com/deg...

Merci Anthony.
J'aurai du fouiller un peu plus...

Donc c'est bien un Chardonnay. Je suis presque déçu. J'aurai préféré un Riesling. C'eût été plus original et intéressant. Mais il est vrai que les perceptions organoleptiques se rapprochaient plus du Chardonnay que du Riesling.

Cela restera malgré tout un grand moment de dégustation de par la qualité du vin et l'émotion qui y est liée.

Le riesling est-il un cépage autorisé à être travaillé dans le Languedoc (même en vin de pays ou de table) ?

N'y a t'il pas eu une polémique à ce sujet il y a quelques temps dans la région ? J'en ai une vague souvenir mais ...?

Jef

Tu as raison. Ce cépage n'est pas autorisé en VDP d'Oc: www.onivins.fr/Docs/...

Mais ce n'aurait pas été la première fois, je pense, qu'une règle aurait été transgressée par un vigneron un peu avant-gardiste... Et c'est bien la raison pour la laquelle j'ai foncé quand on m'a dit Riesling...

Les quelques Rieslings ( et gewurz) plantés en Languedoc ont été arrachés sur ordre de l'INAO. Ce sera bientôt possible d'en replanter avec les nouvelles réglementations, même si l'alsace fait tout pour monopoliser ses cépages.

Le domaine a compté jusqu'à 17 cépages différents.
Le vin en question était un assemblage de chardonnay et de viogner (50%-50%) avec un élevage en barrique de plus d’un an.

Les cépages ont-ils été arrachés ?
Je ne saurais vous le dire mais on parle beaucoup moins de ce domaine dans le département.

Merci Laurent!

Si des bordelais (ou des Lpviens de passage dans le coin) lisent ce post, il reste encore quelques flacons de ce millésime. Je l'ai payé 60€.

Bebert,

si j'en crois le guide de Pascale et Laurent Marcillaud de 1999, Michel Pech s'en est allé en 1997.
Le 1993 n'est donc pas son dernier vin. Par contre comme le disait Laurent, il y avait beaucoup de cépages blancs différents et les assemblages changeaient au grés des millésimes.

Merci pour la précision, Charles.
Je me suis contenté de rapporter les propos de mon interlocuteur... Qui ne m'a pas donné l'année du décès de Michel Pech... Seulement qu'il était un adepte des élevages longs... Ce que ton information confirme, s'il est exact qu'en 1997, le 1993 était encore en barriques.

Quoi qu'il en soit, c'était une sacrée bonne boutanche!