Vins surfaits.. ou vraiment pas de chance?
Titre provocateur certes, mais le doute m'assaille suite à la bien décevante série de "grands" vins du Languedoc samedi dernier à la maison, dans le cadre de la thématique LPV entre Montcalmès et Mas Jullien et après quelques bouteilles éparses bues ça et là ces derniers mois et qui ne me laissent pas de souvenir franchement impérissable.
En début de soirée, Anthony arrive avec ces deux bouteilles (transvasées depuis le matin dans un format magnum) sous le bras. Afin d'arbitrer dignement ce match officiel LPV, je remonte trois figurants de luxe de la cave, ce sont ceux marqués par une
(*).
Série 1
Grange des Peres 2005 (*)
A l'ouverture en début d'après-midi, une effroyable odeur soufrée me donne des sueurs froides. Mis en carafe pendant 6 heures, le vin devient plus acceptable au moment de la dégustation, bien qu'il ne se départisse pas totalement de ce nez confinant presque au Brett.. Un participant connaisseur de la Grange des Pères relève avoir déjà connu de telles caractéristiques sur certains vins du domaine, citant des expériences similaires avec 1999 ou 2001. Mais quand même pas à ce point..!
Derrière ce pénible rideau de SO2, on devine tout de même un fruit éclatant. Mais la bouche est encore prise dans une gangue tannique dominante, très droite et laissant peu de place à l'imagination.
Evolution ingrate ou problème de bouteille? La question reste ouverte..
Domaine de Montcalmès 2005
Carafé 6 - 8 heures.
Arômes plutôt délicats de cerise mûre et de poivre noir. Un peu de réglisse au second nez.
L'entrée de bouche est fine, de densité moyenne. Milieu bien fruité, s'appuyant sur des tannins un peu lisses. La finale est de profondeur moyenne, manquant quelque peu de relief malgré une bonne vivacité du fruit.
Une bouteille correcte, plutôt élégante mais sans grande surprise non plus.
Mas Jullien 2005
Carafé 6 - 8 heures. Goûtée sur 24 h
Bouquet complexe et représentatif des vins sudistes: pruneau, garrigue, cacao, fourrure, résine et bois de cèdre ainsi qu'une légère note de réduction qui s'estompe dans le verre.
La sensation sur le palais est bien pleine, sapide avec un fruit charnu. La sensation tannique en milieu de bouche est un peu trop ferme malgré un grain plutôt fin. Finale ronde et mieux équilibrée, laissant penser que la matière devrait correctement s'intégrer dans quelques années.
Un vin bien construit, au caractère plutôt masculin à défaut d'être vraiment savoureux à ce stade d'évolution
A noter que 24h plus tard, le nez s'est nettement oxydé et la texture s'est déstructurée. La bouche est "pointue" et je note l'apparition d'une préjudiciable amertume non ressentie la veille.. Voilà que le champion de la thématique part lui aussi en quenouille!
Série 2
Gauby Vieilles Vignes 2004 rouge (*)
Carafé environ 6h.
Arômes un peu curieux de Bounty (coco + chocolat), fruits rouges et cerises.
Gustativement, je ne sais trop quoi penser car ce vin est compliqué à cerner avec précision. Le fruit est fin, mais un peu confit. La trame est à la fois délicate avec des tannins poudrés, mais la structure d'ensemble est plutôt charpentée. Le milieu de bouche est certes bien articulé, mais la finale se fait plus lourde, dominée par une sensation alcooleuse d'eau de vie. Le bois, peut-être un peu trop chauffé, est également trop marqué à ce stade.
Franchement, si j’avais dégusté à l’aveugle, je n’aurais pas reconnu le style de Gérard Gauby ! Clairement, ce vin n'est pas encore en place. J'espère sincèrement qu'il en aura les capacités!
La Voulte Gasparets - Cuvée Romain Pauc 2005 (*)
Premier nez aux odeurs rustiques d'étable - sueur animale et de cuir (selle de cheval) avec un peu de volatil. Au second nez, ce sont des arômes plus classiques de raisin confit et de fruits rouges épicés qui ressortent.
L'équilibre en bouche n'est pas encore trouvé. Au-delà d'un fruit bien mûr, je sens une sensation un peu terreuse. Milieu de bouche un peu amère et ligneuse qui me rappelle la figue. Le vin peine quand même à prendre du volume. Finale mieux équilibrée où les éléments semblent mieux trouver leur place.
Un vin assez emblématique d'un style régional, encore ingrat à ce stade mais dont on espèrer une sortie par le haut dans quelques années.
Et finalement, un intrus dans la thématique languedocienne de la soirée..
Edmunds St. John (Californie) - Bassetti 2001.
Il s'agit de la première récolte issue de syrah plantées trois ans auparavant. Le domaine est situé au nord de la Californie, sur un terroir assez froid.
Ouvert 2h, non carafé.
Aromatiquement, le nez ne tranche pas vraiment avec les représentants du Languedoc.. herbes aromatiques et fruit rouge légèrement poivrés. Notes de foin.
La sensation en bouche est très agréable, avec un fruit superbement concentré, bien structuré et dense. Belle allonge, pleine de caractère et expressive. Un vin d'une belle finesse, vraiment étonnant et remarquable pour de si jeunes vignes.
Avec le recul, cette nubile vedette américaine se révèle finalement être mon vin rouge de la soirée.. au point de faire la nique aux "artistes" languedociens dont on parle pourtant avec tant d'enthousiasme ici ou dans certains guides..
Le lendemain soir, en goûtant aux fonds de bouteilles qui, franchement, ne s'étaient pas améliorées, mon épouse Evelyne, qui a certes le caractère bien trempé d'une jurassienne bon teint, mais qui ne perd cependant pas le nord.. me dit:
"pour le prix, j'aurais nettement préféré que tu nous sortes UNE vraie belle bouteille de vin plutôt que trois bouteilles médiocres"..
Faudra quand même que je lui explique que son vin préféré (Haut-Brion) vaut aujourd'hui un peu plus que trois vils roturiers languedociens..
En terme de plaisir pur, aucun vin ne mérite mieux que 15 ce soir. Pour tout dire, je m'attendais vraiment à mieux!