Je ne prendrais pas parti dans ce débat sur ce que "doit- être" ou pas un Côte du Roussillon "fidèle à son terroir, ses cépages et à son climat", fondement pour moi de la notion d'AOC. Il suffit de goûter mes vins pour comprendre mon chemin personnel. J'aime beaucoup le beaujolais (et ce n'est pas une plaisanterie, surtout les crus) mais jamais autant quand il vient du beaujolais. Et même si la fermentation carbonique a été inventé en Languedoc, c'est bien avec le Gamay qu'elle prend à mon avis tout son sens. Sur des Carignan centenaires, je suis dubitatif... Quand à l'argument : "ils sont en Roussillon parce que les vignes sont pas chères", il me semble un peu contradictoire avec la notion de terroir, de vigneron, de naturel. Mais bon, quand on est dans la "mouvance naturelle", certaines contradictions vous sont permises, qui ne le sont pas aux autres vignerons...
De toute façon, et une thèse récente le montre, les thiols (le fruit frais) sont antagonistes aux polyphénols (les tanins) et donc les vins fruités ET tanniques n'existeront jamais, ce qu'on savait empiriquement depuis longtemps au passage. A chacun de choisir son itinéraire de vigneron. Je ne vois pas ce que le "naturel" vient faire la dedans. Certains ramassent en sous-maturité, cuvent une semaine ou deux, élèvent en milieu réducteur et mettent en bouteille en février. D'autres cherchent les maturités phénoliques, pigent, cuvent doucement et longtemps, élèvent leurs vins en barriques, en cuves ou en bouteilles pendant parfois plus de 2 à 3 ans. Les vins sont différents, fidèles aux profils classiques : fruit frais, fruit mur, structure.
Bon, ce petit mot pour dire que je suis content quand on parle de "touché de bouche" en parlant de mes vins. Le "toucher" est un pour moi un sens primordial dans la dégustation et, quand je relis mes notes sur les grands vins que j'ai gouté dans ma vie, on se croirait dans la boutique d'un tailleur, la référence aux tissus me semblant être toujours aussi parfaite pour exprimer (et faire partager) ce que l'on ressent au niveau des textures ;-)
La remarque de Luc Javaux sur François Audouze est importante. J'ai toujours eu du mal avec les CR de François. Le jour où l'on a compris qu'il était presque "insensible" aux textures ou, en tout cas, que ce n'était pas pour lui ce qui faisait un grand vin, j'ai compris pourquoi il était parfois si fan de certains vins anciens, en toute honnêteté. Pour moi, un grand vin ne peut avoir que : un nez somptueux et évolutif, une bouche aux tannins soyeux qui me bouleversent sur le plan tactile et bien sûr une finale infinie. Pour François, l'étape du milieu semble facultative et apparemment, il n'est pas le seul. Depuis, je respecte d'avantage ses avis, et je sais que, connaissant mes goûts, il m'ouvrira un jour un vin soyeux, velouté, aux tannins raffinés. Même s'il manque 35 ans de bouteille pour que le nez soit au top ;-)