Cela fait désormais quelques mois que nos (ma femme et moi) vacances sont terminées mais entre ma fainéantise et la fermeture temporaire de LPV, je ne m'active que maintenant.
C'est donc dans les premiers jours d'automne que nous roulons dans la vallée de l'Adige depuis le cœur des Dolomites. Ce qui nous surprend le plus c'est la différence entre la beauté des sommets et la laideur du fond de vallée. Tout d'abord la vallée de l'Isarco, étroite avec ses vignes en terrasses et en pergola, ses petits villages blottis au creux des falaises et son énorme autoroute, la plupart du temps à 50 m au dessus de la rivière, comme une balafre.
Les faubourgs de Bolzano ne sont pas non plus attrayants et nous filons vers le sud. La monoculture de la pomme dans le Alto Adige est suivit par la monoculture de la vigne dans le Trentino. Quelle monotonie ! Heureusement, les yeux peuvent se réjouir sur les falaises crèmes entrecoupées de bois verts sombres.
Nous arrivons enfin devant de larges bâtisses jaune orangées. Nous sommes rapidement accueillis par Carlo Guerrieri Gonzaga dans la cour du domaine. après les salutations d'usage nous grimpons dans un Kangoo aux couleurs de la Tenuta pour faire un tour des vignes.
Le début se passe dans une ambiance assez bizarre car Mr le Marquis a tendance à faire un monologue où nous ne pouvons pas ou prou participer. Cela s'arrange rapidement au fur et à mesure que nous devenons plus familier l'un de l'autre. Et alors s'engage de belles discussions sur les différents cépages utilisés (Cabernet Sauvignon, Carmenère, Merlot), les méthodes de palissage (Guyot, Cordon, Pergola), les méthodes de culture (agriculture biologique), le domaine en lui même (ce sont des milliers d'hectares entre vallée et montagne)... Je dois souligner que le français de Mr le Marquis est un peu rouillé, qu'il a des problèmes d'audition et que ma voix grave n'aide pas à la compréhension, sans parler de mon accent du sud.
Nous faisons une pause à la villa pour boire un café. C'est une magnifique villa similaire à celles que l'on retrouve sur les bords des lacs de Côme ou Majeur. La discussion parle des vins italiens et français et je me surprend à défendre plus ardemment les vins italiens que Mr le Marquis. Cette impression d'infériorité des vins italiens par rapport à leur homologue français reste tenace. Les vins du Marquis Incisa della Rocchettta (Sassicaia) au pinacle des vins italiens alors que San Leonardo reste dans l'ombre (les deux hommes sont de grands amis) prend le relais de notre discussion. Je ne cache pas ma préférence envers San Leonardo en argumentant et sans flagorneries. Nous discutons aussi de la Norvège, de Jérôme Pérèz (que je remercie au passage), de la chasse...
Le majordome nous ouvre la porte de la Villa et nous continuons la visite par le magnifique jardin doucement parfumé par l'arbre
Olea fragrans.
Finit les rêveries et nous grimpons à nouveau dans la voiture pour une visite des toutes jeunes vignes du domaine situées plus en haut sur le coteau. Dans notre discussion sur la finesse du vin Mr le Marquis nous indique que ces vignes plantées plus en altitude sur un sol calcaire très caillouteux devraient permettre dans le futur d'apporter fraîcheur et finesse dans les vins. Le réchauffement climatique se fait sentir également, il faut donc trouver des solutions pour que le vin garde sa continuité.
Notre visite continue par la visite des bâtiments avec un tout nouveau chai à bouteilles en cours de construction. Visite du cuvier, du chai à barriques et nous passons par le petit musée sur les traditions agricoles. Carlo Guerrieri de la Gonzaga est à notre pleine attention et plein d'humilité face aux vieux outils et machines. Il nous explique leurs utilisations, tout le travail réalisé pour les collecter et les rénover. Il nous explique également l'histoire de la tenuta, son rôle dans les deux guerres mondiales... Le marquis insiste aussi sur les employés qui travaillent souvent de génération en génération sur le domaine. Il y a un côté paternaliste chez Mr le Marquis fort.
Nous nous dirigeons vers le potager que nous visitons avec grand plaisir et en profitons pour croquer quelques tomates cerises. C'est le moment de la dégustation et nous débutons par le blanc de domaine.
Vette Sauvignon Blanc 2015
Nez fin et net avec un joli fruit frais sur les agrumes (pamplemousse, citron vert), pêche blanche, touche végétale fine. Cristallin.
Bouche fine et fraîche. C'est rafraîchissant avec le fruit tout au long de la dégustation. Belle persistance. Un vin pur.
Les rouges prennent ensuite le relais.
Terre di San Leonardo 2013
Nez fin, un peu compact avec un joli fruit frais sur la prune, cerise, touche végétale noble. Côté gourmand tout en gardant une pointe de sévérité. Arômes bien dessinés.
Moyennement puissant avec de la finesse, souplesse avec encore ce joli fruit. Fraîcheur bien présente avec des tanins moyens mais un peu durs. Cela reste facile à boire.
Villa Gresti 2010
Joli nez sur le cassis, tabac, humus, terre fraîche. Il y a aussi une pointe de truffe. On retrouve des arômes primaires aussi sur la cerise, fruits rouges. Belle profondeur.
Bouche avec une attaque assez souple et soyeuse. De la fluidité et harmonie entre la matière, l'acidité et une certaine fermeté. Texture glissante. Longueur très bonne.
San Leonardo 2010
Très beau nez entre fruits rouges, cassis, humus, tabac, poivron grillé, végétal noble. De fines notes de fruits rouges compotées et des notes florales délicates. Expressif, complexe et profond. Superbe.
Bouche avec une structure bâtie sur l'acidité. La finesse est bien là avec une matière charnue. Les tanins sont superbes avec un grain fin même si ils restent fermes et demande de s'assagir. Superbe longueur fraîche et salivante.
San Leonardo 2003
Nez noir avec du cacao, truffe, tabac, poivron grillé, épices, bois de cèdre. On retrouve aussi des notes de champignons secs. Moins intense que le précédent et plus compact aussi.
Bouche plutôt puissante avec une acidité qui reste en retrait. Le vin est plus rond que le 2010 mais du coup un peu plus plat. Les tanins donnent la structure plus que l'acidité. Harmonie moins impressionnante que le 2010. La longueur est très bonne avec l'évolution et une pointe de fruits rouges bienvenue. Cela reste un très beau 2003.
A l'aération le vin s'ouvre mais la bouche reste similaire.
San Leonardo 1999
Superbe nez avec un beau mélange de fruits rouges, cerise, cassis, bois de cèdre, truffe, cigare, pointe de cuir. C'est complexe, fin et parfumé. Superbe !
Très belle bouche élégante avec un superbe équilibre entre l'acidité, les tanins et la matière. Le soyeux ressort dans des tanins polis qui laissent leurs empreintes délicatement. Finale très longue, fraîche avec le tabac et la cerise qui dominent.
A l'aération, le vin devient changeant et propose soit des notes plus fines de fruits rouges, côté floral, parfois c'est le tabac et le cuir qui dominent. Bref un ravissement au nez.
Vers la fin de la visite, ma femme discute en italien avec le Marquis et je comprends mieux que notre visite aurait été plus facile et parfois plus fluide si je parlais cette langue.
Après 3 heures de visite, nous partageons ensemble quelques panini au kiosque de la Tenuta. Une fois de plus, les discussions vont bon train et après une heure de bavardage supplémentaire nous regagnons nos montagnes.
Une superbe visite et une superbe rencontre. Carlo Guerrieri Gonzaga est plein d'humilité et de respect. On ne peut que saluer tout le travail qu'il a réalisé pour proposer aujourd'hui ce qui reste pour moi, à l'heure actuelle, le meilleur vin italien d'inspiration bordelaise.
Cordialement,