Difficile de s'y retrouver dans le dédale des différents variétés de vin produits dans les deux appellations "Jerez-Xérès-Sherry" et «Manzanilla - Sanlúcar de Barrameda". Voici une petite grille de lecture.
Les cépages
- Un seul cépage produit les Xérès secs : le Palomino
- Deux cépages produisent les Xérès doux : le Pedro Ximenez (PX) et le Moscatel
Les vendanges
Pour les Xérès secs, les vendanges doivent se faire de manière à transmettre le plus rapidement possible la récolte au pressoir.
Pour les Xérès doux, les raisins subissent le processus de soleo. Les raisins sont répartis sous la chaleur du soleil sur des nattes d'herbe sèche, ou "spartes". L'objectif est de parvenir à l’évaporation de l'eau contenue dans le raisin ; pour cette raison, les raisins sont couverts pendant la nuit afin de ne pas absorber l'humidité du matin. La durée de ce processus varie en fonction des conditions climatiques, et peut durer plus d'une semaine.
La Vinification
1. Pour les Xérès secs
Le moût de primera yema (environ 65% du volume total) est obtenu avec des pressions allant jusqu'à 2 kg/cm2 ; le moût de segunda yema (environ 23%), obtenu avec une pression maximale de 4 kg/cm2 et enfin le mosto prensa, qui est produit par l'application d'une pression de plus de 6 kg/cm2.
La primera yema sert à produire des vins qui vont subir un vieillissement biologique, la segunda yema est utilisé pour produire des vins plus adaptés au vieillissement oxydatif.
Le début de la fermentation est normalement engagé par le biais de ce qu'on appelle les pies de cuba (pied de cuve). Au moût il est ajouté un moût en pleine fermentation (entre 2 et 10% du volume total de liquide).
Cela accélère le démarrage de la fermentation et dans le même temps, offre la possibilité d'introduire une souche de levure préalablement sélectionnée comme agent de fermentation. Cette fermentation alcoolique à 22-26° dure environ une semaine, le vin continuant à reposer dans les cuves.
Vers la fin de l'automne, le nouveau vin de l'année - connu sous le nom de "vin de base" - est prêt à être séparés des lies (deslío). Un vin blanc sec est obtenu, pâle, délicat, légèrement fruité et à faible teneur en acidité.
C'est un vin jeune qui, de janvier à mars, est consommée en grande quantité dans les auberges et les bars de la région de Jerez, et qui est appelé simplement mosto ou jus de raisin, en dépit du fait que sa teneur en alcool est d'entre 11 et 12°.
Au cours du processus de décantation, un voile de levure commence à se former sur la surface du vin, une sorte de crème qui se développe peu à peu jusqu'à ce qu'elle couvre l'ensemble de la surface : la flor.
Le vin est donc totalement protégé de l'oxydation, totalement couvert par une couche de levure naturelle.
Les organismes vivants qui constituent la flor, consomment de façon permanente les composants trouvés dans le vin, en particulier l'alcool, mais aussi les restes de la non-transformation du sucre, la glycérine, l'oxygène dissous dans le vin, etc. ... Ils donnent également lieu à une autre série des composants, parmi les plus importants : les acétaldéhydes. De par leur action métabolique, ils entraînent des changements importants dans les éléments contenus dans le vin et, par conséquent, en déterminent les caractéristiques organoleptiques.
La température et l'humidité sont d'une importance particulière. Le nom même de flor (fleur) fait référence au fait que le voile semble "fleurir" et acquiert un aspect particulièrement vigoureux au printemps et en automne, époque de l'année qui coïncide avec les conditions environnementales idéales de température et d'humidité.
La flor exige aussi l'apport en oxygène pour vivre. Pour cette raison, ni les citernes, ni les barriques ne sont fermés hermétiquement. Et une circulation d'air adéquat doit être assurée dans la cave, à tout moment. De ce fait l’architecture des chais et la disposition des barriques sont déterminantes dans l’évolution de la flor.
Enfin, l'existence de flor dans le vin n'est possible que dans une gamme de titres alcoométriques, ce qui a des conséquences très intéressante lorsque le moment arrive pour le maître de la cave de décider quel type de vin de Xérès il souhaite produire.
Vers la fin du mois de décembre les nouveaux vins subissent le processus de soutirage et sont prêts pour la première classification.
Selon différents facteurs, telles que les conditions particulières de la récolte, l'origine de la vigne, la pression appliquée au moment de l'obtention du moût, les différents lots de vin de base présentent différentes caractéristiques organoleptiques.
Les dégustateurs goûtent chaque lot de vin nouveau et classent en deux groupes principaux:
Les vins avec une pâleur et une finesse, de manière générale à partir de moûts obtenus sans aucune pression, ou très légère pression, qui seront des finos ou des manzanillas, leurs barriques sont marquées d'un seul vertical barre oblique (/) connu sous le nom de palo.
Les lots qui présentent les signes d'une plus grande structure, gordura, sont affectés dès le début à la production de xérès oloroso, et leurs barriques marquées d’un cercle (O).
Peut-être l'une des caractéristiques les plus connues du Xérès, c'est que c'est un vin fortifié, auquel donc une certaine quantité d'alcool a été ajoutée afin de légèrement augmenter son degré d'alcool final.
Cette pratique trouve son origine, il y a des siècles, dans la nécessité de stabiliser les vins qui doivent être consommés dans des marchés éloignés, et donc ont besoin d'être "protégés" au cours de leurs longs voyages outre-mer.
Aujourd'hui, la pratique a été maintenue, mais pour beaucoup d'autres raisons œnologiques.
Une fois classé, le niveau d'alcool dans le vin de base est augmenté par un mélange de vin et d'alcool («moitié-moitié») jusqu'à ce que le titre alcoométrique acquis. Rappelez-vous que la base de vin après la fermentation naturelle atteint un degré alcoolique compris entre 11 et 12,5%.
Les vins classés comme apte pour le vieillissement biologique comme finos et manzanillas sont enrichis jusqu'à ce qu'ils atteignent une teneur en alcool de 15%.
Les vins classés en olorosos sont enrichis de manière à atteindre une teneur en alcool d'au moins 17%.
Il existe néanmoins certaines bodegas qui ne pratiquent pas la fortification de leurs Xérès.
Après fortification les vins sont mis en botas (barriques).
A 15,5%, le titre alcoométrique est suffisant pour permettre aux cellules de la levure de former la flor, mais en même temps, interdit aux autres micro-organismes de se développer dans le vin. La flor ensuite couvre la surface du vin et ainsi empêche son oxydation : un processus connu sous le nom de vieillissement biologique.
Avec un titre alcoométrique de plus de 17%, l'activité biologique est impossible à soutenir. Pas même pour les cellules de levure de la flor. Le vin est donc destiné à perdre son voile de flor et avec elle, sa protection contre les contacts avec l'oxygène. Une fois en contact direct avec l'air le vin commence à subir un lent mais inexorable processus d'oxydation, facilement visible par l’assombrissement progressif de la couleur du vin: c'est le vieillissement oxydatif.
Si les botas d’oloroso ont été identifiées et peuvent déjà intégrer le processus de vieillissement, il n’en est pas de même pour les botas de fino. Après 6-8 mois ces barriques vont alors subir une seconde classification.
Cette étape intermédiaire est d'une importance capitale puisqu’il s’agit d’identifier les vins capables de subir un vieillissement biologique pendant plusieurs années. Non seulement le travail est beaucoup plus long (le vin est présent dans des botas de 500 litres au lieu d’une cuve de 50 000 litres), mais la gamme des options ouvertes aux dégustateurs est également bien plus large.
Les botas dans laquelle dans lesquelles la première pâleur du vin a été maintenue, voire renforcée sont marquées à la craie du symbole classique de la palma, qui vient s’ajouter sur le palo initial, afin d'indiquer le degré de finesse que le vin a acquis (de une à quatre palmas).
Parfois, certaines botas malgré leur apparente finesse et la pertinence de vieillissement biologique, après une période de poursuite de vieillissement biologique, vont être refortifiées à 17% et "redirigé" vers un vieillissement oxydatif. Elles sont alors marquées par le classique palo cortado.
Dans d'autres cas, bien qu'il ait été initialement classé comme apte pour le vieillissement biologique, l'état de la fleur à la surface du vin le vin est moins vigoureux qu'il ne le devrait. Dans ce cas, il n'y a pas d'autre choix que de céder devant la véritable vocation du vin lui-même et à fortifier à 17 % pour enclencher un processus de vieillissement oxydatif. Les botas sont alors marqués d’un Ø.
Enfin, c'est également le temps d'identifier les vins, qui, pour des raisons différentes, ne présentent pas les qualités requises. Soit en raison de niveaux élevés d'acidité volatile (dans ce cas, ils sont utilisés pour produire du vinaigre de Xérès), ou pour toute autre raison qui amènent les dégustateurs à classer dans les «inaptes» (avec un marquage à la craie # sur la bota).
Après la procédure de deuxième classification, les vins sont maintenant prêts à partir en vieillissement.
Deux types de vieillissement sont possibles, le plus courant et le plus traditionnel est le système, dynamique, de solera y criaderas, l’autre, statique, de añada.
Le système de solera implique l’installation en structure pyramidale d’un certain nombre de fûts. Au fur et à mesure qu’une partie du vin est soutiré des fûts inférieurs pour la mise en bouteille (la saca), l’espace vacant est "rempli" (le rocío) par le vin des fûts du rang immédiatement supérieur, jusqu’à ce que de la place se libère dans les fûts du sommet de la pyramide pour introduire du nouveau vin.
Ces mouvements de vin dans la solera sont connus comme trasiegos et les travailleurs spécialisés dans cette tâche sont appelés trasegadores. Leur compétence réside dans leur art d'homogénéiser le vin après le rocío, sans déranger le voile de flor couvrant la surface ni les lies fines de levures mortes (cabezuelas) qui s'accumulent peu à peu au cours des années.
Le système de solera maintient les caractéristiques du vin, tout en éliminant les variations qui se produisent d'un millésime à l'autre.
En outre, le système de solera présente des avantages significatifs pour le vieillissement biologique. Le maintien de culture de la flor nécessite des micronutriments essentiels, et ceux-ci sont fournis par l'ajout de petites quantités de vins nouveaux et par l’apport en oxygène de ce mouvement continu de transvasement.
Les vieux éduquent les jeunes mais les jeunes alimentent les vieux !
Le règlement de l'Appellation d'Origine permet le système d’añada. Il s'agit d'un système de vieillissement statique qui ne mélange pas les millésimes. Les fûts utilisés pour le vieillissement des vins sont bouchés et scellés par le Consejo Regulador, limitant ainsi la circulation de l'air à l'intérieur du fût et, par conséquent, toute chance de respiration à la flor.
De ce fait, ce type de vieillissement est surtout retenu pour les olorosos mais il existe des finos de añada.
2. Pour les Xérès doux
La vinification des variétés destinées à la production de xérès doux est très différente de ce que nous avons vu jusqu'à présent en ce qui concerne le xérès sec.
Une fois dans les citernes de collecte, les moûts sont soumis à une série de processus différents en fonction de leurs caractéristiques. Leur forte concentration en sucre assure une fermentation spontanée, mais très lente. Afin de stabiliser l'activité microbiologique dans la fermentation des moûts, de l’alcool est ajouté. Ainsi, le vin est stabilisé pour passer l'automne et l'hiver, après quoi le nouveau vin est soutiré et encore enrichis à 15-17 degrés d'alcool. Le vin est ensuite laissé à vieillir en fûts de chêne américain, en utilisant l’un ou l’autre des types de vieillissement (solera ou añada).
Les vins obtenus de cette façon sont souvent utilisées pour fortifier des vins secs produisant des vins de différents degrés de douceur finale. Ce processus est connu sous le nom de cabeceo (mélange).
De cette variété de vinification et de vieillissement, on peut dégager 3 types de Xérès :
1. Les Genorosos (Xérès secs)
Le fino est un vin qui n’a connu que le vieillissement biologique pendant au moins trois ans. On peut également trouver deux variantes du fino : le Puerto fino (élevé au Puerto de Santa Maria) et la Manzanilla (élevée à Sanlucar de Barrameda).
L’amontillado est un fino qui, à un moment donné, a vu sa flor commencer à disparaître, laissant place à une deuxième phase de vieillissement oxydatif. La Manzanilla pasada est la version sanluqueña de l’amontadillo.
Le Palo cortado, on l’a vu, est un fino dont on a volontairement stoppé le vieillissement biologique en le fortifiant pour le rediriger vers un vieillissement oxydatif.
L’Oloroso n’a connu qu’un vieillissement oxydatif.
2. Les Dulces naturales (Xérès doux)
- Pedro Ximenez
- Moscatel
3. Les Generosos de licor (mélange des deux premiers)
Les Generosos de licor sont obtenus à partir de la pratique traditionnelle du "cabeceo" (mélange) de generosos et de dulces naturales, ou dans certains cas de moûts concentrés rectifiés (MCR).
Le Pale Cream est produit en mélangeant fino et MCR. L'utilisation de moûts concentrés rectifiés comme édulcorant est généralement préférée à l'utilisation de vins doux naturels, ce qui permet la conservation du caractère original couleur jaune pâle dans l'assemblage final.
Le Medium est généralement un mélange d’amontillado et de vins doux naturels ou de MCR. En tout cas, ce qui définit fondamentalement le caractère de ce xérès c’est sa teneur en sucres, qui doit être comprise entre 45 à 115 grammes de sucre par litre.
Le Cream est généralement le mélange d’oloroso et de vins doux naturels ou de MCR et doit présenter une teneur en sucres de plus de 115 grammes par litre.
Certification de l’âge
A ces catégories il convient d’ajouter celles de l’âge. On l’a vu les Xérès doivent avoir passé au moins 3 ans en chais mais cela peut-être plus long. Un classement par âge est également prévu :
- 12 ans d’âge
- 15 ans d’âge
- 20 d’âge. Ils sont alors appelés Very Old Sherry (VOS) ou Vinum Optimum Signatum
- 30 ans d’âge. Ils sont alors appelés Very Old Rare Sherry (VORS) ou Vinum Optimum Rare Signatum
Cela ne signifie cependant pas que ces vins ont suivi un processus continu de solera pendant ces années mais qu’ils ont vieilli (en dynamique puis en statique). Difficile d’imaginer 30 étages de criaderas…
Pour obtenir ce label, ces vins doivent réunir trois conditions :
- Passer un examen gustatif par l’Appellation contrôlée
- Réunir plusieurs paramètres analytiques (une datation au carbone 14 permet notamment de vérifier la présence de molécules ayant au moins 20 ou 30 ans)
- La vente annuelle doit répondre à des quotas. Ainsi la vente annuelle de VORS d’une bodega ne peut représenter que 1/30ème de son stock de VORS, 1/20ème pour les VOS, etc.
Outre les millésimes (añadas), il existe aussi des cuvées par saison. Considérant que la flor est extrêmement sensible aux variations climatiques certaines bodegas (notamment Barbadillo) soutirent 4 fois par an ces cuvées au cours des 4 saisons (primavera, verano, otoño, invierno).
Voilà, j’espère que cela vous aura aidé à vous y retrouver. Il y a sans doute quelques petites erreurs ou incohérences, n’hésitez pas à m’en faire part.