Catherine et les garçons se retrouvent en Loire autour d'un 1947 de légende. 21 Juillet 2017.
Les obligations des uns, les voyages au long cours des autres, font que nous ne nous sommes pas réunis bien souvent ces derniers mois ; notre ami Philippe B se rattrapant allègrement avec LPV Versailles.
Il fallait donc pour le moins un Huet 1947 pour le convaincre de revenir dans le neuf quat' !! Je rigole, les dégust' C&G étant à l'aveugle ; et question distance, c'est plutôt à l'ami Modat et à André venant de Melun et Fontainebleau, de surcroit un Vendredi soir, qu'il faudrait tirer son chapeau !
Loire donc, avec quelques cuvées singulières, largement ouvertes à la mouvance "nature", plus quelques
étiquettes belles références qu'il est toujours passionnant de servir à l'aveugle, sans hiérarchie aucune.
Un grand merci aux garçons et à Catherine qui, tour à tour, en cuisine, se sont surpassés en terme d'accords rarement aussi réussis. Leurs nombreux CR devraient être...ah mer...y sont tous en vacances !
Tant pis, allons y, tous les vins ont été regoutés dans la semaine qui a suivi.
Daniel
blancs:
1 Muscadet Expression de Granit 2001 Domaine de l’Ecu.
sashimi de thon, saumon et maquereau et pamplemousse
Depuis le temps qu'ils l' attendaient, ce Muscadet d'âge mûr...
Le nez salin, un peu fumé, avec une touche légèrement oxydative, évoque les agrumes (citronnelle), les fleurs blanches.
La bouche agréable, un peu monocorde, confirme ce coté salin, fumé, porté par de beaux amers. L'âge a arrondi - j'oserais presque dire amolli - le coté vif, fringuant, parfois un peu tranchant dans sa jeunesse, de cette cuvée, au profit d'une persistance au caractère un peu automnal, sur fonds d'amers au gout de pomme rainette teintés de camomille. Du coté iodé d'origine, ne subsiste que le coté salin légèrement fumé ; je préfère nettement cette cuvée un peu plus jeune, avec plus de peps. Philippe Barret, de son coté, évoquait que les vieux Muscadets "meursaultent" un peu.
L'accord est un poil desservi par le pamplemousse au gout un peu envahissant et pas très à l'aise avec le coté légèrement oxydatif du vin.
2 Anjou. Vin de table. Les Noëls de Montbenault 2010. Richard Leroy.
langoustines façon Barret
Nez superbe, concentré, tout en puissance retenue déclinant de fines effluves d'agrumes (citron), de coing, de fleur d'acacia, quelques touches fumées et de pierre à fusil. Je ne retrouve pas vraiment trace de l'élevage rappelant le grillé de certains Bourgognes, évoqués par certains ; plutôt du fruit, de la fleur et du caillou dont le crayon d'acidité souligne le naturel, la précision.
La bouche est très droite, sans esbroufe, effilée comme une lame sans jamais être agressive ; son fil acidulé fait tanguer les amers pleins, légers, si longs et savoureux. Persistance superbe entre tilleul, verveine et fine touche de miel. Comme on le disait tous d'un seul cri : "çà goute vraiment bien !".
Cuisson parfaite, sauce épicée aux têtes de langoustine façon Barret : un accord gouteux idéal avec le chenin façon Leroy !
3 Jasnières Calligramme 2007. Domaine de Bellivière.
salade de crevettes & pêches pochées dans une infusion de tilleul.
Le nez évolué, complexe, tout en strates délicates réunissant les marqueurs du chenin (coing, tilleul, entre autres) évoquerait presque un demi sec ; son coté langoureux, intense et tendu se pare d'une allure un peu baroque, vraiment singulière.
La bouche puissante, toujours aussi délicate, juste un poil chaude en alcool sur la persistance, souligne un coté tendre et résolument sec. Cette alliance paradoxale de contraires, crée comme une circonvolution de parfums et de saveurs vraiment attachante et originale ; parfaitement à l'aise avec l'accord, à nouveau réussi, que la crevette et les pêches pochées dans une infusion de tilleul, réinventent sur le chenin façon Catherine.
4 Jasnières. Clos des longues Vignes 2005. Domaine Le Briseau.
salade d’asperges en vinaigrette et coquillages.
Sec, demi sec ? Le nez hésite entre fruit (coing, pêche), miel et caramel, sur un registre tendu tant le fil acide tient la clé de voute délivrant un vrai bain de fraicheur.
En bouche, pas de doute, il y'a du sucre derrière, mais à nouveau l'acidité et les amers qui lui répondent sous-tendent un bel équilibre ; le fruit savoureux exulte, toujours baigné de fraicheur ; pas très complexe, ni très long, simplement bon, on se régale.
En le regoutant, je réalise à quel point son gout de pêche aurait été plus à l'aise avec le plat précédent ; avec la salade d'asperges, vinaigrette et coquillages (suggérée sur Anjou sec ou CdL par Casamayor) - excellente en soi - l'accord était un peu plus rock n'roll...
5 Savennières Roche aux Moines. Coulée de serrant 1995.
dos de colin à la crème et au curry.
Nez profond, complexe, massif et tendu à la fois ; on perçoit des parfums de raisins secs, de rhum, de la cire d'abeille, des essences de miel ; un paysage évolutif, tout en finesse subtile malgré le volume.
La bouche au caractère salin a un sacré relief, tout en opulence retenue sur un équilibre sec de sec avec toujours cette fine pointe de tendresse des grands chenins ; rehaussée ici par une salinité d'anthologie dont l'appétence et la persistance font sourire l'acidité qui tient la baraque.
Assurément un grand blanc de Loire et l'une des meilleures Coulées de Serrant goutées à ce jour, que le colin d'André, rehaussé à son tour d'une pointe de crème au curry, accompagnait divinement.
rouges:
6 Touraine. Les Couilles d’Anes 2002. Elie et Mikael Bouges. Domaine de la Puannerie.
boudin de Christian Parra, cerises noires.
Sympathique vin de côt typique de la Loire (Senderens servait parfois cette cuvée sur son menu dégustation mets-vins), étonnamment jeune pour son âge, dont le fruit franc rattrape son peu de verdeur, disait-on, il y' a une semaine...Un peu "rustique", peut être...mais en le regoutant, j'avoue apprécier ses parfums de fruits rouge et noirs, son empreinte florale (entre jasmin et violette) venant égayer son coté terrien (sous-bois) un peu animal.
En bouche, le fruit ne parait pas très mûr, la finale est un poil asséchante, mais son gout de fruit et de racine évoquant le bâton de réglisse, dégagent vraiment du charme.
Le côt et le Pineau d'Aunis surtout, faisant des vins "poivrés", il semblait intéressant de les associer au fameux boudin au piment d'Espelette de Christian Parra, qui s'est révélé très à l'aise sur ces rouges de Loire, un peu singuliers.
7 Coteaux-du-Loir. Mortiers 2005. . Domaine Le Briseau.
id
Nez évolué , un peu brouillon, comme une marmelade de fruits rouges qui auraient pris un léger gout de poussière.
La bouche a un beau coulant, mais son fruit bien mûr est parasité rapidement par une amertume prononcée, assez plombante, confirmant le gout de feuille de géranium froissée, suggérée par Philippe. L' impression "crayeuse" asséchante, sur la persistance, clôt le tableau d'un vin qui se goutait mieux dans sa jeunesse; me semble t'il.
8 Coteaux du Loir. Rouge Gorge 2005. Domaine de Bellivière
id
Nez un peu dissocié de prime abord, comme si son profil acide éparpillait les arômes qui se rassemblent peu à peu en une senteur fruitée prégnante, un peu animale, un peu racine aussi ; un peu beaucoup de choses, quand le nez s'ouvre en éventail de parfums floraux capiteux et délicats que le fruit épicé ordonne ; vu les réactions autour de la table, son caractère singulier fascine autant qu'il provoque le rejet !
La bouche un peu évoluée, tout aussi singulière, est réservée aux becs amers, selon l'expression chère à Oliv' : une vague de saveurs qui interpellent, où les petits fruits rouges et leur coté floral ont comme un gout de racine, de prunelle, de cuir, d'épices et de poivre prononcé. Gustativement, les deux vins n'ont rien à voir, la comparaison est hors de propos, mais au niveau du choc procuré, ce Coteaux du Loir me rappelle la surprise de l'Amarone qui là se donnerait un coté un peu oriental, sur un profil acide doublé d'une grande fraicheur, prolongé d'une persistance au charme fou, assez envoutant. Les arômes évolués du Pineau d'Aunis, peuvent rebuter ; bien des amis présents, fan comme moi d'Eric Nicolas, préfèrent déguster ses Coteaux du Loir, plus jeunes, sur le fruit.
9 Bourgueil Busardières 2006. Domaine de la Chevalerie.
côte de bœuf, pommes de terre sautées.
"Ouf, on revient en territoire connu !", s'écrièrent dés la première gorgée, certains amis
hémiplégiques du gout réfractaires au Pineau d'Aunis que Catherine défendait vaillamment...
Le nez bien mûr est accueillant, gourmand, bien équilibré : des fruits rouges en pagaille, rehaussés d'une note de violette et d'une touche de réglisse.
La bouche est croquante ; des notes de poivron rouge confirment la maturité du fruit, quelques touches de cacao se dévoilent sur la longueur ; juste quelques tannins entravent très légèrement, pour l'instant, la finesse du coulant en fin de bouche. C'est vraiment très bon.
10 Chinon Clos de la Dioterie 2005. Domaine Joguet.
id
Le nez délicat, rehaussé d'une légère touche acide, exhale de fines senteurs de petits fruits noirs, mêlées aux parfums de sous-bois, sur fond d'arôme floral ; quelques notes plus végétales, semblaient confirmer pour certains, à l'inverse du vin précédent, un léger manque de maturité ; mais l'ensemble bien équilibré, dégage beaucoup de charme et de subtilité.
La bouche réplique la description du nez : sa juste tension, ses tannins présents et fondus, son jeu de saveurs à la persistance florale, s'expriment sur un registre délicat et attachant. Pas sûr au final que le manque de maturité se confirme en regoutant le vin.
11 Saumur Champigny Les Poyeux 2007. Clos Rougeard.
id
Fin, soyeux, profond, envoutant : le nez annonce la couleur ! Complexe, aussi, tant les volutes de fruits rouges, de petits fruits noirs mêlés aux fleurs, s'ordonnent idéalement, délivrant ici et là, qui une pincée de touche de fraise, qui un parfum de violette envoutant ; chacun prenant figure d'essence quand ils se regroupent en une seule fragrance prenant figure d'émotion.
La bouche au coulant soyeux est assez irrésistible : une chair généreuse et maitrisée ; j'oserais dire poétiquement, recueillie, tant son coté expansif, loin de se déborder, s'approfondit, centrée en son propre sein, là où la concentration et la puissance dotées d'ailes, s'allient à la finesse et la précision. Impression d'une harmonie souveraine superbement incarnée. Le rapprochement avec certains grands Bourgognes, ne parait pas vain.
12 Saumur Champigny Les Poyeux 1999.Clos Rougeard.
id
Il n'en fallait pas plus pour qu'Olivier, dans sa générosité légendaire, sorte le Poyeux 1999 qu'il avait dans sa besace !
Vraiment le grand frère du premier, avec toujours ce coulant soyeux, si gouteux, irrésistible (le marqueur du Clos Rougeard, selon Philippe B qui a
par palanquées quelques Poyeux dans sa cave.).
Avec quelques années de plus - malgré un millésime plutôt moyen qui m'avait fait opter pour le 2007 proposé par Philippe B - le coulant soyeux est encore plus fondu, encore plus généreux en arômes et saveurs délicats ; gouter les deux en parallèle, confirme une parenté évidente en excellence.
A grand vin, met le plus simple, évoque t'on souvent. Senderens est le premier à trouver que la côte de bœuf grillée est l'accord idéal sur un Saumur Champigny "concentré, avec un grain fin et fruité" idéalement un Clos Rougeard. Simplicité toute relative, car la préparation de sa recette, impliquant d'y consacrer 3h15, notre ami Philippe Modat, juste de retour de ses vignes, et Hélène, préférèrent une version plus simple, où la qualité de la viande et la juste cuisson au four, suffirent largement à nous réjouir et confirmer que cabernet franc et bœuf grillé s'accordent superbement.
moelleux :
13 Montlouis moelleux les Bournais 2005. François Chidaine.
tarte aux abricots, au beurre d'amande, de la Pâtisserie des Rêves.
Que j'aime cet arôme de thé caractéristique, selon moi, des grands chenins secs, mais surtout moelleux, comme ici !
Une fragrance voyageuse, un peu capiteuse, gorgée de parfums d'abricots bien mûrs (accord superbe sur la tarte aux abricots façon Conticini), de miels fins, de tilleul, de vanille ; juste tendue comme il faut pour contenir tous les arômes en une senteur prégnante, fine, aérienne, évoquant justement le parfum d'un grand thé.
La bouche confirme un taux de sucre important (pour un simple moelleux), mais si pénétrée de fruit, si intégrée au fil acide porteur de beaux amers, que la texture généreuse devient diaphane, presque aérienne, tout en restant concentrée, superbement équilibrée. La persistance qui a un vrai fond gouteux, confirme l'alchimie idéale du fruit , de l'alcool et du sucre.
14 Vouvray moelleux Le Haut lieu 1947. Domaine Huet.
id
Vouvray Huet 1947 : un monument dont je suis le seul à connaitre l'identité, avec Olivier qui l'a apporté et qui devra reconnaitre lequel est le sien, en comparaison du Chidaine servi en parallèle. Mais déjà, la robe couleur thé foncé, semble indiquer une certaine différence d'âge !
Le nez est massif, concentré, mais son "épaisseur" est comme aérée, ventilée par son fil acide qui lui procure de la tenue et une sacrée fraicheur ; un éventail d'arômes s'ouvre (fruits secs, confits, épices, vanille, caramel fin) rehaussé par une touche de zeste d'agrume (pamplemousse).
La bouche large, somptueuse, est totalement épanouie, mais le même fil acide la préserve de toute mollesse ; rien d'indolent dans son jeu de saveurs complexes, tout en nuances délicates, rappelant le gout savoureux de certains rhums arrangés. La persistance parfumée (fruitée, miellée, caramélisée : une vraie quintessence de thé), a un grain et une longueur vraiment diaboliques. Un grand merci, Olivier !
Merci de m'avoir lu, bon été à tous.
Daniel.