Monsieur,
Je suis le gérant de La Cave Pigalle, que vous évoquez dans votre commentaire, depuis son ouverture en février 2021. Je découvre votre message avec plusieurs mois de retard, mais je vais m’autoriser ce droit de réponse, autant pour rétablir quelques faits que parce que le sujet m’apparaît comme intéressant à plus d’un titre.
Tout d’abord ce vin : nous aimons sincèrement les vins de Bastien Pointillart, que j’ai découvert pour la première fois à la dégustation Chamery Circus, organisée depuis deux ans pour faire découvrir les vins tranquilles de ce village très dynamique de Champagne. J’ai tout de suite été attiré par son approche, par l’originalité de ses coteaux, puis par l’équilibre et les saveurs de son champagne, beaucoup plus classique, que je vous conseille de goûter si vous en avez l’occasion. Nous avons tout de suite voulu parler de ces vins, les présenter et les défendre, raison pour laquelle nous avons écrit un article sur le domaine (toujours en ligne sur notre site). Je suis navré que vous n’ayez pas apprécié cette cuvée, et je serais ravi de vous proposer une autre bouteille en dédommagement lors de votre prochain passage à la cave.
Nous sommes d’accord sur un point : ce vin est imparfait (c’est d’ailleurs ce que nous écrivons dans notre article, certes à demi-mots). Il a été vinifié et embouteillé sans soufre, est passé par des phases (les phénols ne disparaissent pas, mais je suis persuadé que nous y sommes plus ou moins sensibles à différents moments de la vie du vin) et probablement aussi sujet à quelques variations de bouteille à bouteille. Pour autant, les vins de Bastien ont trouvé leur public. Les faibles quantités produites sont proposées par un petit nombre de caves et de restaurants choisis, et ils se vendent très bien : j’essaierai d’en évoquer quelques raisons possibles dans mon troisième point.
Au sujet de notre entreprise : La Cave Pigalle est, depuis sa création, une société indépendante sans aucun lien d’une quelconque nature avec iDealwine, ce que vous pourrez aisément vérifier. La cave collabore en effet avec le bar à vin 228 Litres qui est mitoyen : nous travaillons sur une sélection de vins commune afin de pouvoir proposer les mêmes références sur place ou à emporter. Le 228 Litres a lui bel et bien été lancé en collaboration avec iDealwine, ce qui lui a permis de bénéficier à ses débuts d’un partenariat de communication et d’un accès privilégié à de vieux millésimes proposés sur la plateforme… mais certainement pas d’écouler une partie des vins confiés par les vignerons, que ce soit ou non dans le but de tirer profit d’un éventuel effet spéculatif. Vos accusations à peine voilées relèvent donc à la fois du fantasme et de la diffamation.
Il faut dire qu’il n’y a pas besoin de se prêter à de telles manipulations pour que la cote de certains vins augmente sur iDealwine. Vous n’êtes pas sans savoir que cette cote n’est pas nécessairement proportionnelle à la qualité intrinsèque des vins, ni même à leur véritable valeur sur le marché : il suffit qu’un vin soit produit en faibles quantités et distribué de manière sélective pour que sa « valeur » augmente mécaniquement sur le marché secondaire, sur lequel très peu de bouteilles finissent par arriver. Vous savez aussi pertinemment que cette potentielle surcote ne bénéficie directement ni au vigneron, ni au caviste : comme vous l’avez justement constaté, le vin est vendu dans notre cave à un prix nettement inférieur à cette cote en ligne. Un prix qui inclut notre marge habituelle (la même que pour nos autres champagnes et coteaux) et qui n’a, lui, jamais varié.
Comment expliquer, dès lors, qu’un nouveau domaine « inconnu » (ou plutôt que vous ne connaissez pas) voit ses bouteilles demandées au point que nous recevons chaque semaine plusieurs demandes de clients français et étrangers (alors que les vins sont épuisés depuis longtemps) et que leur cote augmente de manière déraisonnable sur le marché secondaire ? Les explications sont à mon avis nombreuses : le marché du champagne et des coteaux champenois est mondial, la demande est croissante pour une production qui reste limitée, et les nouveautés ont tendance à attirer rapidement l’attention, a fortiori sur un produit de « niche » comme peut l’être un coteaux-champenois sans soufre. Ce contexte est encore aggravé par un effet qu’on pourrait qualifier de cercle vicieux : professionnels comme amateurs savent qu’ils doivent « se positionner » rapidement sur telle ou telle nouveauté, sous peine de les voir rapidement devenir inaccessibles. Là-dedans, l’omniprésence des réseaux sociaux et la nature « mimétique » du désir jouent également un rôle déterminant… mais je pense que l’édito « Les nouveaux buveurs d’étiquette » (n°148 du Rouge&leBlanc) ou l’œuvre de René Girard évoquent ces phénomènes avec plus de précision que je l’ai fait ici. On peut bien entendu regretter cette course à l’échalote, mais voyez comme elle n’a nul besoin des viles manipulations que vous nous prêtez pour être alimentée. Je vous invite donc à reconsidérer vos accusations.
J’espère vous avoir répondu avec précision et je reste bien entendu disponible, ici ou à la cave, si vous souhaitez poursuivre cette conversation.
Robin