Chronique hebdomadaire

Les Bordeaux inoubliables dégustés en 2003 (suite)

Notation
Note de l'année : pour chaque vin, j'indique le score attribué à  ma dégustation effectuée en 2003.
Note moyenne : pour chaque vin, j'indique la moyenne de toutes les notes obtenues par ce vin depuis sa première dégustation.

Cette notation est le reflet de mon vécu de dégustateur. Elle signifie que le goût d'un grand vin n'est pas figé. Un même vin peut exprimer des performances différentes d'une bouteille à  l'autre, d'un pays à  l'autre, d'un contexte à  l'autre. J'ai consacré tout un Carnet à  cette problématique concluant qu'à  terme “Il n'existe pas de grands vins, il n'existe que des grandes bouteilles”.
Dans ma notation, le plus grand vin est celui qui obtient la moyenne la plus haute. Or, rien n'empêche qu'un autre se goûte merveilleusement bien à  un moment donné.
Le lecteur tiendra compte de la note moyenne pour ne pas surestimer la signification d'une note exceptionnelle.
Je goûte trop de vins bien notés sans en percevoir les fondements gustatifs réels.
Je constate qu'à  terme l'emphase sous toutes ses formes (vocabulaire exagéré et notation très haute,) profite plus au vendeur qu'à  l'acheteur.

Détail des commentaire à  lire sur www.quarin.com/

Message edité (12-08-2004 19:54)

Bonsoir,

Juste un mot pour vous dire que je viens de prendre connaissance de votre message. Je ne peux y répondre de suite, mais le ferai bien volontiers demain.

Bonjour, et mille excuses pour ce retard.

Ce ressenti, je le module à  travers la note moyenne. Ce vin était-il superbe ce jour-là , l'autre un peu moins bien, moi-même étais-je au top ? Dans l'absolu Margaux 96 est mieux noté dans la chronique précédente que Valandraud dans cette dernière. L'avez-vous vu ?
Clairement c'est Margaux qu'il faut avoir dans sa cave et non pas l'autre, même si Valandraud était séduisant dans cette dégustation.
« Dans ma notation, le plus grand vin est celui qui obtient la moyenne la plus haute. Or, rien n'empêche qu'un autre se goûte merveilleusement bien à  un moment donné. Le lecteur tiendra compte de la note moyenne pour ne pas surestimer la signification d'une note exceptionnelle ».(Chronique précédente).

Cette question en amène donc une autre. Vous la sentez bien dans le mot « curieusement ». Effectivement, j'en espérais plus. Mais je crois que vous avez perdu la suite de vue. J'écris qu'il est encore trop dense. Le vieillissement en bouteille le patinera et surtout l'allègera.

Dans ce débat qui touche aux vins concentrés, il est étonnant de remarquer que le vieillissement en bouteille à  un effet de déconcentration de la matière.
Appelez le comme vous voulez, patine, fondu, harmonie etc…Attendre un vin dans sa cave consiste donc à  chercher à  jouir, un jour, de cet effet.

Le paradoxe est que les producteurs recherchent très souvent une grande concentration. On voit bien, dans le cas pré-cité, qu'elle nuit au plaisir de boire un vin qui a maintenant 5 à  6 ans de bouteille.
Pourquoi la recherche-t-il, au risque de gêner le plaisir de boire ? (Attention ce plaisir est une variable culturelle).
Pour se conformer au constat, qu'en l'état actuel du déroulement des dégustations médiatisées ainsi que celui de la pensée et des normes de gourous influents ( et de leurs imitateurs), la matière l'emporte toujours sur d'autres qualités.
Quelques leaders se trouvent coincés dans cette situation, on leur fait même porter le chapeau. Je ne crois pas qu'ils y soient pour grand-chose, c'est un effet logique de la dégustation. La tyrannie dont je parlais. (Vous avez vu récemment que Parker et le Grand Jury sont d'accord alors qu'ils leur semblaient être si différents).
Il y a donc un malentendu dont l'amateur est peu conscient : un vin ressortant bien d'une dégustation n'est pas toujours le plus agréable à  boire. C'est un paradoxe fou !
Le sera-t-il dans 15 à  20 ans ? C'est toujours un pari à  prendre surtout quand on ne sait rien de son pédigré. (voir le terroir).

Ce qui m'intéresse c'est de tenir compte de cette variable pour mieux faire mon travail de critique et conseiller justement. Vous lirez dans mes Carnets des commentaires clairs à  ce sujet. De plus en plus clairs devrais-je dire. Mais je n'ai pas encore érigé la chose en système (une autre tyrannie?).
De la même façon, vous y verrez des commentaires sur le goût à  proprement parler. Cela veut dire que je déguste des vins bien construits (de la couleur, du nez, puis de la densité, de l'équilibre tanique et une extraction bien ajustée en bouche) mais qui n'ont goût à  rien ! Tout à  fait comme une tomate de belle allure mais sans saveurs aucune !
J'intègre cette donnée dans ma hiérarchisation. J'organise mes dégustations de manière à  laisser parler ces nuances tant je sais qu'elles peuvent être écrasées par un stakanovisme franchement industriel.
A suivre donc. Le mieux serait de vive-voix plutôt que par écrit.

Jean-Marc Quarin

Message edité (12-08-2004 19:54)